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Glissements, contestations... Les processus électoraux en République démocratique du Congo ne sont jamais de long fleuves paisibles. Le scrutin qui a conduit Félix Tshisekedi à la tête du pays fin 2018 avait été reporté pendant deux ans.
Les tensions autour de la nouvelle commission électorale laissent supposer que la prochaine présidentielle, prévue dans deux ans et à laquelle le président sortant a déjà dit son intention de participer, ne devrait pas déroger à la règle.
En validant le nom du nouveau président de la Céni, Denis Kadima et des 14 membres de son équipe, le 22 octobre, le président congolais Félix Tshisekedi reconnaissait l'absence de consensus sur le sujet mais balayait le débat en estimant que "les divergences loin d’être des faiblesses sont plutôt l’illustration de notre vitalité démocratique".
Il n'empêche. Au sein-même de l'Union sacrée pour la Nation, c'est à dire la majorité présidentielle, certains désapprouvent la méthode.
Le 23 octobre, sur TV5MONDE, le coordonnateur de Ensemble pour la République Ville de Kinshasa, Francis Kalombo, estimait que "ces nominations à la Céni n'étaient pas différentes de la façon dont agissait le régime passé de Joseph Kabila".
En RDC, la loi charge les huit confessions religieuses reconnues de désigner par consensus le président de la Céni. Mais dès cette première étape, le processus a connu quelques ratés.
Le 27 juillet 2020, en l’absence de l’Église catholique et de l’Église de Christ au Congo (ECC, principale fédération protestante), les six autres confessions reconnues (les Églises de réveil, les orthodoxes, les musulmans, les kimbanguistes, l’Armée du salut, et les églises indépendantes) ont choisi Denis Kadima en bousculant le processus de désignation. Oublié le consensus, donc. Les Catholiques et Protestants rejettent la méthode. Les deux Eglises représentent "90% de la population congolaise" affirme l'archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo.
L'étape suivante se fait également dans la douleur. Le samedi 16 octobre, l'Assemblée nationale entérine le choix de Denis Kadima et son équipe. Cette entérinement "vient renforcer la crise du processus électoral en cours" considère le journal Forum des As tandis que, pour le Potentiel, "tous les signes avant-coureurs sont formels : la RD Congo pourrait bientôt entrer dans une zone de fortes turbulences".
Plus prévisible, mais à signaler, dans les rang de l'opposition politique c'est également la levée de boucliers. "Coup de massue à la confiance entre parties prenantes à un processus électoral déjà délicat", estime auprès de l'AFP Néhémie Mwilanya, l'ancien directeur de cabinet de l'ex-président Joseph Kabila.
Autant dire que la dernière étape du processus, à savoir la confirmation de ces désignations par le président de la République, même s'il considère que tout s'est fait de manière "régulière", ne fait qu'échauffer un peu davantage les esprits.
Le 30 octobre, l'archevêque de Kinshasa est même allé s'en inquiéter auprès du président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso qui avait eu l'occasion d'intervenir occasionnellement pendant le dernier mandat de Joseph Kabila lorsque la pression montait trop haut à Kinshasa.
Mais qu'est-il reproché à Denis Kadima ? L'homme âgé de 60 ans est un expert électoral plutôt reconnu. Formé à l’université de Lumbumbashi, il a obtenu un master d’une des plus grandes universités sud-africaines, celle de Witwatersrand.
Depuis 2002, rapporte RFI, il dirige l'Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique, basé à Johannesburg. Il a auparavant travaillé pour le National Democratic Institute, un think tank américain. Son expertise l'a conduit à participer à plus de 80 processus électoraux, comme par exemple au Soudan, en Tunisie et, il y a un an, en Côte d'Ivoire.
Mais ses détracteurs lui reprochent d'être proche du président Tshisekedi. L'un et l'autres sont originaires du Kasaï. Une proximité supposée qui inquiète.
En République démocratique du Congo, le président de la commission électorale est un acteur majeur dans les processus électoraux. En 2018, cette même Céni alors présidée par Corneille Nangaa avait été au centre de la crise.
L'an dernier, face à une fronde assez similaire, le chef de l'Etat avait renoncé à valider la nomination de Ronsard Malonda à la tête de la commission.