En Tunisie, le rebond de l'épidémie du Covid-19 inquiète les acteurs du tourisme

Des hôpitaux saturés, une situation "critique" selon le gouvernement. Face à la gravité de la situation sanitaire, la Tunisie a dû reconfiner, ce vendredi 25 juin, plus de 28 communes de plusieurs régions et ce jusqu’au 11 juillet. Le pays venait d'ouvrir ses frontières aux touristes étrangers. Les professionnels du tourisme ne cachent pas leur inquiétude devant ce rebond épidemique. 
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TUNISIE TOURISME SOUSSE
Des touristes sur la plage à Sousse
AP/ Sami Boukef
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Il est 20 heures. Les bars, les restaurants et les discothèques de Sousse, ville médiévale, petit bijou de la côte tunisienne, ferment leurs portes. Les autorités de la ville confrontée à un nouveau rebond de l’épidémie de Covid-19, viennent d'ordonner sous l'injonction du gouvernement la mise en place d’un couvre feu strict jusqu’au 11 juillet inclus.

L'important aujourd'hui : sauver à tout prix la saison touristique qui vient enfin de débuter et tenter de rassurer les professionnels du secteur.
"Nous sommes vraiment dans une période d’incertitude. Nous manquons vraiment de visibilité sur ce qui va se passer". Marouane Tefifha, responsable commercial du JAZ Tour Khalef, un complexe hôtelier 5 étoiles situé sur les plages de la ville ne cache pas son inquiétude.

Nous manquons vraiment de visibilité. Nous sommes dans une période d'instabilité

Marouane Tefifha, responsable commercial d'un complexe hôtelier à Sousse

La saison se lançait enfin. L'optimisme semblait enfin gagner les acteurs du secteur.
"Nous avions dû fermer entre octobre et mai. Aujourd’hui l’hôtel se remplit. Notre taux de remplissage varie selon les semaines. Nous sommes à 50% de taux de remplissage. C’est inédit, depuis plus d'un an », constate Marouane Tefifha. L'homme se démène chaque jour au téléphone pour faire venir des touristes. Il faut tenter de remplir les 500 chambres et suites de l'hôtel.
Le premier juin dernier le gouvernement a rouvert les frontières aux voyageurs étrangers après plusieurs mois de fermeture . Ces derniers doivent presenter un test PCR négatif avant de rentrer sur le territoire.

Sa clientèle a désormais changé avec la pandémie. "Les Européens de l'Ouest ne sont pas encore revenus. Nous fonctionnons beaucoup avec des tours opérateurs. Et les seuls Européens de l'ouest sont des gens qui ont réservé individuellement mais ils sont encore trop peu nombreux. Durant la pré-saison au mois de mai, ce sont les Tunisiens qui ont été nos principaux clients. Les Russes ne sont pas encore là. Les touristes étrangers sont essentiellement des gens venus de l'est de l'Europe. On trouve des Polonais, des Tchèques...  Notre saison peut vraiment être correcte si nous réussissons à faire venir des Français, des Britanniques, des Allemands... On a déja quelques réservations pour le mois d'août mais cela reste encore timide", constate Marouane Tefifha.

En 2019, un peu plus de 900 000 Français se sont rendus en Tunisie. Ils représentaient près de 20% des touristes étrangers. "Il faut donc tenter de rassurer les touristes sur le niveau de l'épidémie. Il faut rassurer les gens sur les mesures sanitaires qui ont été prises", décrit Marouane Tefifha.
 

L'avenir de la saison touristique dépendra du niveau de vaccination dans le pays dans les prochaines semaines


Une responsable commerciale d'un grand hotel à Sousse

Sur la presque île de Djerba, dans le sud du pays, autre haut lieu touristique, l'inquiétude semble également perceptible.
"Nous naviguons vraiment à vue", constate Oudied, responsable commerciale de l'hôtel Radisson Blue à Djerba. "Le rebond de l'épidémie est inquiétant. Il arrive au moment où nous redémarrons. Pour l'instant notre taux de remplissage est de l'ordre de 30 pour cent. Notre clientèle est diverse. On trouve pas mal de Libyens. Nous ne sommes pas très loin de la frontière. On trouve également des Européens de l'Est mais pour l'instant les Européens de l'Ouest, les Français ne sont pas encore massivement là".

L'enjeu économique est immense. Le secteur touristique emploie plus de 10% de la population active dans le pays. Le secteur a été à l'arrêt lors de la fermeture des frontières. Et aujourd'hui le pays est confronté à un rebond de l'épidémie. Les lits en réanimation sont occupés à plus de 90% au niveau national.

Plus de 28 communes reconfinées

Le gouvernement a dû reconfiner vendredi 25 juin, plus de 28 communes dans plusieurs régions jusqu’au 11 juillet. Le nombre de contaminations a triplé en un mois, passant de 1000 cas par jour le 24 mai dernier à un peu plus de 3500 cas ce 26 juin.
La région de Kairouan est la plus touchée. Comme un symbole ce vendredi 25 juin, le cabinet du chef du gouvernement a annoncé que Hichem Mechichi, le chef du gouvernement, était positif au Covid-19. 
TUNISIE VACCIN
Un habitant de Tunis se fait vacciner ce 13 mars. Au 11 juin, seulement 500 000 personnes ont reçu deux doses de vaccin.
AP Photo/Hassene Dridi
Marouane Tefifha, responsable commercial d'un hôtel cinq étoiles, se veut pourtant optimiste. "Les autorités ont mis en place des restrictions. Ce rebond épidémique peut rapidement s'essouffler". Oudied, responsable commerciale du Radisson Blue est plus prudente : "L'avenir de la saison touristique dépendra du niveau de vaccination dans le pays dans les prochaines semaines".

Lenteur de la campagne de vaccination

C'est là où le bât blesse, selon l'économiste Sami Aouadi, spécialiste des questions de développement au sein de l'Université de Tunis. "Nous avons pris du retard dans les objectifs de vaccination. Le pays est hélas dépendant de l'étranger". Dans la Tunisie de l'Intérieur, celle des zones moins développées, les populations ont eu moins facilement accès à des centres de vaccination. Sami Aouadi, économiste, spécialiste des question de développement.

Le pays de 11,7 millions d'habitants n'avait reçu qu'au 11 juin 1,6 million de doses. Un peu moins de 10 pour cent des Tunisiens, au 11 juin, ont reçu une dose et moins de 5 % des habitants sont complètement vaccinés.

(Re)voir - Tunisie : des vacanciers des pays de l'Est pour sauver la saison touristique

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La campagne de vaccination, débutée mi-mars, a été "chaotique" selon l'économiste. "Les régions les plus riches autour de Tunis ou sur la côte ont pu vacciner assez rapidement car les infrastructures et le personnel sanitaire étaient présents. Dans la Tunisie de l'Intérieur, celle des zones moins développées, les populations ont eu moins facilement accès à des centres de vaccination. L'instabilité politique auquel est confronté le pays n'a pas aidé aussi à la prise de décision. Aujourd'hui l'épidémie reprend dans ces zones et va toucher les régions plus touristiques et plus développées. Le covid-19 est révélateur des inégalités géographiques et sociales de la Tunisie", explique le chercheur.

TUNIS COUPLE MASQUE
Un couple, ce 7 avril 2021, porte le masque dans les rues de Tunis. Aujourd'hui le pays fait face à un rebond de l'épidémie. Plus de 90% des lits de réanimation sont occupés.
AP/Hassene Dridi

Les frontières ont été effectivement fermées d'octobre à mars, mettant à mal le secteur. Le gouvernement aurait-il dû attendre une plus grande couverture vaccinale dans le pays avant d'accueillir à nouveau des touristes étrangers ? Sami Aaoudi estime que le gouvernement a pris un risque. "Le secteur du tourisme pèse énormément dans l'économie du pays. Le gouvernement a cédé -je pense- aux pressions du secteur touristique. Il aurait fallu attendre encore un peu pour pouvoir redémarrer sereinement cette saison touristique", estime le chercheur.

Le ministère tunisien du tourisme ainsi que les professionnels du secteur soulignent la mise en place de protocoles sanitaires destinés à rassurer les touristes étrangers. "Les touristes étrangers doivent présenter un test PCR avant de pouvoir rentrer sur le territoire tunisien. Et dans notre hôtel, le personnel est vacciné", tente de rassurer Marouane Tefifha, responsable commercial du complexe hotelier JAZ Tour Khalef.

Les personnels des hôtels espèrent ne pas fermer à nouveau à cause du covid-19. "Plus de 500 personnes vivent de ce complexe hôtelier. Lors de la fermeture les employés, dont je fais partie ont touché entre 30 et 50 % de leur salaire. A ce montant-là, on est dans la survie."

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