Le 12 février est la Journée internationale des enfants soldats. L'UNICEF, l'organisme onusien consacré aux enfants, la dédie aux 300 000 garçons et filles enrôlés de force dans des groupes armés. TV5MONDE a interrogé Andrew Brooks, conseiller régional de l'UNICEF en Afrique australe, une région où ils sont très nombreux.
L'UNICEF estime qu'environ 300 000 enfants sont enrôlés de force dans des groupes armés. Comme nous l'explique Andrew Brooks, conseiller régional de l'UNICEF,
"un enfant soldat est un enfant qui est enrolé dans un groupe armé. Qui est obligé de jouer un rôle, pas directement dans un conflit, mais en tous les cas un rôle de soutien." Et à partir de quel âge parle-t-on d'enfant ?
"Un enfant est défini par la Convention des droits de l'Enfant de Genève comme ayant moins de 18 ans", nous dit-il,
"mais on trouve des enfants soldats aussi jeunes que 5-6 ans."Voir : Quel avenir pour les enfants soldats ?
Une majorité d'enfants soldats en Afrique
Ces enfants se trouvent un peu partout dans le monde mais en grande majorité sur le continent africain. Selon le dernier
rapport de l'ONU datant de janvier 2022, le nombre d’enlèvements d’enfants a continué d’augmenter, et les cas établis ont été particulièrement nombreux en
Somalie, en
République démocratique du Congo et dans
le bassin du lac Tchad.
En
République centrafricaine, l’ONU a engagé un dialogue avec le Ministre en charge de l’enseignement primaire et secondaire et le Ministre conseiller du Président en matière de protection de l’enfance en 2021. Une liste des écoles réquisitionnées à des fins militaires a été régulièrement communiquée au Ministère pour que des mesures soient prises.
(RE)voir : Centrafrique : en 2013, l'enfer pour les enfants-soldats [LeMémo]
L’ONU a poursuivi le dialogue visant à régler la question des violations graves des droits de l’enfant établies commises par les Forces armées, les membres du personnel de sécurité déployé de manière bilatérale et d’autres personnels de sécurité.
En septembre 2021, la poursuite du dialogue avec les groupes armés a permis de vérifier l’identité de plus de 130 enfants liés au Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique et à l’Union pour la paix en Centrafrique et de les démobiliser.
En
République démocratique du Congo, suite à la campagne menée par l’ONU en faveur du maintien des services de protection de l’enfance dans les provinces de l’
Ituri et du
Nord-Kivu après la proclamation de l’état de siège par le Président Félix Tshisekedi en mai 2021, le Ministre de la défense a émis une ordonnance militaire rappelant les engagements en matière de protection de l’enfance.
Des procès pour enrôlement et utilisation d’enfants ont été ouverts contre les commandants appartenant au
groupe des Nyatura et à la
Force de résistance patriotique de l’Ituri. Ces procès ont toutefois été suspendus. Mais en septembre 2021, Chance, commandant des
milices maï-maï, a été condamné à la réclusion à perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, dont l’enrôlement et l’utilisation d’enfants. Vingt membres des Forces armées de la République démocratique du Congo et un membre de la Police nationale congolaise, reconnus coupables de viol et de meurtre d’enfants, ont été condamnés à des peines allant de six mois à vingt ans d’emprisonnement.
La Représentante spéciale et la Mission des Nations Unies au
Mali ont continué de collaborer avec le Gouvernement et les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, afin de faire cesser et de prévenir les violations graves des droits de l’enfant.
(RE)voir : Mali : reportage auprès d'anciens enfants soldats
En mars 2021, le comité technique national malien chargé du suivi de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles a transmis au Ministre de l’éducation un projet de loi sur la protection de l’éducation contre les attentats. En juin 2021, ce comité a organisé un forum régional sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles auquel ont participé des représentants de l’ONU, qui a abouti à l’adoption d’un plan d’action visant à renforcer les initiatives de protection des populations locales et à sensibiliser les groupes armés à la prévention de l’utilisation des écoles à des fins militaires.
(RE)lire : "Wrong Elements": les ex-enfants soldats de la LRA filmés par Jonathan LittellL’ONU a continué de préconiser l’élaboration par le Gouvernement d’un plan national visant à prévenir les violations graves des droits de l’enfant. En août 2021, des activités de suivi ont été définies, notamment le renforcement des capacités des membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad, et des représentants d’organes de l’ONU se sont rendus dans les bases de la Coordination pour vérifier qu’aucun enfant ne s’y trouvait.
Au
Nigeria, la Force civile mixte a été retirée de la liste figurant dans le dernier rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, le nombre d’enfants enrôlés et utilisés par ce groupe ayant considérablement diminué grâce à la mise en œuvre continue de son plan d’action, qui avait été signé avec l’ONU en 2017 en vue de faire cesser et de prévenir l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans un conflit armé.
(RE)voir : Nigeria : démobilisation de centaines d'enfants soldats
Andrew Brooks souligne que la situation s'est aggravée en
Somalie, notamment à cause de la crise climatique.
"C'est un des pays malheureusement le plus affecté au monde. C'est là que nous observons le plus de violations des droits de l'enfant que partout au monde. Nous sommes très inquiets à cause du conflit qui s'enlise et de la sécheresse. Les zones de conflit coïncident avec les zones les plus touchées par la sécheresse. Il y a énormément de risques d'enlèvement d'enfants, de recrutements et de violence sexuelle contre les enfants. Ca ne va pas dans le bon sens malheureusement."En 2022, l’ONU a continué de préconiser un renforcement de la protection de l’enfance auprès de ses interlocuteurs au sein des pouvoirs publics somaliens, notamment le groupe de travail national sur les enfants touchés par un conflit armé, composé de ministères du Gouvernement fédéral et des États membres de la fédération. Plus de 600 enfants anciennement liés à des forces ou des groupes armés ont bénéficié tout au long de l’année de programmes de réintégration soutenus par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).
Au
Soudan du Sud, conformément au Plan d’action global visant à faire cesser et à prévenir toutes les violations graves contre les enfants, les Forces sud-soudanaises de défense du peuple ont mis en place, en juin 2021, un tribunal militaire ordinaire itinérant, dans les États de Jongleï et du Haut-Nil, afin de d’entamer le procès de 60 auteurs présumés de crimes contre des civils, dont des enfants.
En janvier 2021, à la suite du dialogue engagé par l’ONU, le Mouvement populaire de libération du
Soudan-Nord-faction Abdelaziz Hélou a publié un ordre de commandement interdisant l’enrôlement d’enfants et adopté des directives générales relatives à l’évaluation de l’âge. En mars 2021, les Forces d’appui rapide ont communiqué à l’ONU un ordre de commandement interdisant l’enrôlement et l’utilisation d’enfants. Le dialogue mené par l’ONU auprès des groupes armés du Darfour central, notamment le Mouvement pour la justice et l’égalité et le Mouvement de libération du Soudan-Conseil de transition, a permis d’identifier des enfants et de les libérer de ces groupes.
Comment agir sur le terrain ?
Andrew Brooks explique que cela passe par une communication
"au près des gouvernements qui sont responsables pour la protection de leurs enfants, aussi bien qu'un engagement auprès des groupes armés, non étatiques, afin de leur faire prendre conscience des conséquences très graves pour les enfants de ces enrôlements."L'Unicef met tout en œuvre pour faire libérer ces enfants et
"de rendre aussi rapidement que possible les enfants à leur famille, chose qui n'est pas toujours possible, ni facile. Les familles sont parfois inaccessibles ou se trouvent toujours dans des zones d'insécurité." Si on leur donne le temps, ce sont des enfants qui peuvent devenir tout ce qu'ils veulent. Ils peuvent devenir chanteur, il peuvent devenir danseur, il peuvent devenir ingénieur.
Andrew Brooks, conseiller régional pour la protection de l'enfance à l'UNICEF
Il y a tout un travail de récupération psychologique et de réintégration à faire par la suite. Par ailleurs, souligne Andrew Brooks,
"souvent les enfants rentrent dans des zones où il n'y a pas de services : pas d'école, pas de système de santé. Donc il y a tout un accompagnement aussi bien au niveau communautaire qu'avec les enfants eux-mêmes."Quel avenir pour ces enfants ?
Andrew Brooks est résolument optimiste sur les chances de réussite de ces enfants. Selon lui
"il peut tout faire quand il devient adulte." Pour l'homme de terrain qui a passé des années en Afrique australe, tout est possible, c'est juste une question de temps :
"si on leur donne le temps, ce sont des enfants qui peuvent devenir tout ce qu'ils veulent. Il peut devenir chanteur, il peut devenir danseur, il peut devenir ingénieur."Et de conclure :
"Il s'agit juste de leur donner un coup de main. Leur résilience est tout simplement remarquable. J'ai travaillé avec ces enfants et leur capacité de laisser derrière toutes les atrocités qu'ils ont vécues c'est quelque chose d'incroyable. Il faut continuer de soutenir ces enfants."