Entretien avec Mehdi Lallaoui

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“Il faut construire cette histoire commune car les non-dits prolongent les haines“

Entretien avec Mehdi Lallaoui, cinéaste français

“Il faut construire cette histoire commune car les non-dits prolongent les haines“
Vous avez dit a propos de la guerre d’Algérie : “on en parle beaucoup, mais on en parle mal”. Pourquoi ? Que faudrait-il dire ? Il faudrait en parler en abordant tout ce qui est douloureux et ce qui fâche. Le terme de "guerre" a seulement été reconnu en 1999 ! Il y a eu des non-dits. Brusquement on a découvert une guerre, des atrocités. Il y a aujourd'hui urgence et nécessité à à en parler plus que jamais car les gens sont encore vivants. Il faut se dire les choses entre Français et Algériens. J'ai essayé à travers mon dernier documentaire (voir encadré) de donner la parole à des gens pour qu'ils nous racontent tout ce qui s'est passé. Selon vous, la guerre d’Algérie a-t-elle débuté le 1er novembre 1954, la Toussaint sanglante, – comme le dit l’histoire officielle - ou le 8 mai 1945, lors de la révolte indigène réprimée à Sétif ? Le 8 mai 1945 c'est un constat, le constat qu'on ne peut plus faire confiance à l'État français. Ces gens qui reviennent du champ de bataille vont créer le FLN. Sur les neuf fondateurs, six sont d'anciens combattants de l'armée française ! On avance la date du 1er novembre 1954, mais pendant longtemps on n'a pas expliqué cette genèse. Les massacres de mai et juin 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata sont un des exemples de l'occupation française en Algérie, et ils n'ont jamais été reconnus par l'État français. Une autre date qui vous tient à coeur c’est le 17 octobre 1961. Le FLN avait organisé une manifestation pour l’indépendance de l’Algérie. Votre père était parmi les manifestants. Les forces de l’ordre dirigée à l’époque par Maurice Papon ont durement réprimé cette manifestation. Ce jour-là, des fonctionnaires de police français ont assassiné des dizaines d'Algériens ! (NDLR : On ne connaît toujours pas le nombre exact de morts - des dizaines à des centaines). Et personne n'a été poursuivi. Encore aujourd'hui, et ce malgré la pose d'une plaque commémorative sur le pont Saint Michel en 2001, aucun responsable politique de gauche ou de droite ne veut reconnaître ce qui s'est passé ! Avec le 8 mai 1945 et le 17 octobre 1961, nous avons deux exemples emblématiques de la tragédie algérienne et personne n'en parle. Il faut ouvrir le couvercle sereinement en faisant parler les historiens - qui ont fait un travail remarquable - mais aussi les acteurs, FLN, harkis... Il faut construire cette histoire commune car les non-dits prolongent les haines. Né de parents algériens en France, cinéaste ayant souvent tourné sur ce sujet de l'immigration, quel regard portez-vous sur la politique du gouvernement actuel dans ce domaine ? Cette politique est lamentable, indigne du pays des droits de l'homme. La France a été un refuge depuis un siècle et demi, en accueillant différentes communautés l'une après l'autre. Pour moi, associer immigration et identité nationale au sein d'un même ministère, c'est nauséabond. J'ai une identité nationale mais d'abord citoyenne. Elle n'est pas liée à mes origines, elle est liée à mes engagements dans la société, au fait que je suis actif pour mon prochain. Allez-vous participer au grand débat sur l'identité nationale lancé par Eric Besson ? Bien sûr, je ne veux pas fuir le débat mais justement en être pour casser les stéréotypes. L'identité nationale, c'est cette France multiculturelle. Ce sont les millions d'enfants de tous ces immigrés qui font la France d'aujourd'hui. Propos recueillis par Laure Constantinesco 2 novembre 2009

“La police a jeté des Algériens dans la Seine“

Les témoignages de Mohammed Ouchik, responsable du FLN, Elie Kagan, photographe et Joseph Gommenginger, ancien policier sur la manifestation réprimée dans le sang du 17 octobre 1961 à Paris. Sujet d'Antenne 2 16 octobre 1997 - 03'20

17 octobre 1961 : les archives d'un massacre

Sujet du Soir 3 4 mai 1998 - 01'52

“En finir avec la guerre“

Un documentaire en 3 volets de Mehdi Lallaoui

“En finir avec la guerre“
Ce triptyque est une traversée de la guerre d’Algérie, autour de portraits d’hommes et de femmes représentant trois groupes mémoriels, aux engagements et aux itinéraires différents. Cette série documentaire propose un décryptage des drames de cette guerre en trois volets et donne à découvrir des histoires inconnues, occultées ou très peu abordées. Le premier volet « En finir avec la guerre… » aborde l’itinéraire de plusieurs appelés qui ont fait la « sale guerre ». Ils oeuvrent aujourd’hui à travers leur association (l’Association des Anciens Appelés en Algérie Contre la Guerre) à des actions de solidarité concrète et de développement en direction de villages d’Algérie qui, il y a quarante ans, subirent de plein fouet les destructions liées à cette guerre. Le deuxième volet, « Les parfums de ma terre », traite quant à lui d’un Français d’Algérie, né à Guelma et issu d’une famille Algérie Française (ses oncles ont participé activement à la répression de mai 1945 et étaient OAS dans les années soixante). Jacky Malléa a toujours vécu fraternellement avec les Algériens. Lors de son service militaire, il a refusé de rejoindre une unité combattante. Il se découvrira à près de quarante ans une famille algérienne. Nous le suivrons sur sa terre natale à la recherche de ses souvenirs. Enfin le troisième volet est construit autour de Jacques Charby, comédien, qui fut l’un des piliers du « Réseau Jeanson » que l’on appela « Les porteurs de valises ». Ils furent quelques centaines à aider le FLN en France à échapper aux « mauvais traitements » de la police. Pas toujours avec succès… Réalisation et images : Mehdi Lallaoui Commentaire : Bernard Langlois Coproduction : Mémoires Vives Productions / France 3 Corse Année : 2008 Format : 3 x 52’ Diffusion sur France Ô - dernier volet le 8 décembre à 20h35

Un livre sur le massacre du 17 octobre 1961

Un livre sur le massacre du 17 octobre 1961
Scènes de la guerre d'Algérie en France : automne 1961 Jean-Luc Einaudi éditions Le Cherche Midi

Les films de Medhi Lallaoui

2006 Un regard Haïtien (documentaire) Le Voyage d'Albert Kahn, ARTE (documentaire) 2005 L'Imprimerie Nationale pour mémoire (documentaire) 2004 Gérald Bloncourt, la passion des images (documentaire) La Commune de Paris, 1871 (documentaire) 2003 Retour sur l'Ile Seguin (documentaire) 2002 Marseille, Marseilles co-auteur Emile Temime (documentaire) Caravanes des quartiers (documentaire) 2001 Henri Curiel, itinéraire d'un combattant de la paix et de la liberté (documentaire) Marinette ou la liberté (documentaire) 2000 Val-Nord, fragments de banlieues (documentaire) Jean-Marie Tjibaou ou le rêve d'indépendance (documentaire) ARTE 1999 Et la lumière fût (documentaire) 1998 Poilus d'ailleurs (documentaire) 1997 Un siècle d'immigration en France 3 x 57' (série documentaire) 1995 Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 55' (documentaire) 1994 Histoire des villes nouvelles 3 x 26' (série documentaire) 1993 Ces Kabyles du Pacifique 52' (documentaire) 1992 Du bidonville aux HLM 52' (documentaire) 1991 Le silence du fleuve 52' (documentaire)

Les livres de Mehdi Lallaoui

Les Beurs de Seine (Arcantère, 1986) Du bidonville aux HLM (16 mars 1993) Algériens du Pacifique - Les déportés de Nouvelle-Calédonie (première édition 1994 « Au nom de la mémoire », et en deuxième édition par la maison Zyriâb, à Alger, en 2001) Chroniques d’un massacre 8 mai 1945 : Sétif, Guelma, Kherrata (juin 1995) de Boucif Mekhaled, Mehdi Lallaoui (préface) Un siècle d’immigration en France 1851 - 1918. De la mine au champ de bataille (avril 1996), avec David Assouline Une nuit d’octobre (mai 2001) Exils, exodes, errances (octobre 2003), textes de Mehdi Lallaoui et dessins d’Alain Nahum La Colline aux oliviers (éditions Alternatives en 2003), avec Anne Tristan et Benjamin Stora, des textes de 17 illustrateurs sur le 17 octobre 1961.