Fil d'Ariane
Au terme du sommet africain du climat, qui s’est achevé le 6 septembre 2023, les 54 pays présents ont signé la déclaration de Nairobi. Ce texte a pour ambition de servir “de base à la position commune de l’Afrique, dans le processus mondial sur le changement climatique jusqu’à la COP28 et au-delà”.
Charity Kathambi, présidente du parlement kenyan en charge des questions climatiques, présente la déclaration de Nairobi au président du Kenya William Ruto, le 6 septembre 2023.
Une déclaration pour aligner leur position vis-à-vis de leurs besoins dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les 54 pays ayant pris part au sommet africain du climat ont présenté une déclaration de leurs ambitions communes pour le climat. Ils appellent la communauté internationale à les aider à faire fructifier le potentiel du continent dans la lutte pour le climat grâce à des investissements et une réforme du système financier international.
“C’est la mise sous forme écrite des propositions qui sont dites oralement depuis des années”, explique la consultante juridique en droit de l’environnement Sabine Ndzengue Amoa. Le continent africain, qui ne contribue qu'à 2% à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, s'est efforcé de trouver une position commune dans le processus mondial sur le changement climatique, qui culminera avec la conférence de l'ONU sur le climat (COP28) de Dubaï fin novembre.
Lors de chaque COP, les pays du Sud insistent pour que les pays du Nord prennent leurs responsabilités en termes de réparations des dégâts climatiques dont ils sont à l’origine. "Les pertes et dommages ne sont pas le sujet abstrait d'un dialogue sans fin. C'est notre expérience quotidienne et le cauchemar vivant subi par des millions d'Africains", déclarait ainsi le président du Kenya William Ruto le 8 novembre 2022 à Charm El-Cheikh, à l’ouverture de la COP27.
Ainsi, pour Sabine Ndzengue Amoa, la déclaration de Nairobi constitue pour les dirigeants des pays signataires une manière de dire “il faut accélérer les choses, parce que cela fait des années que l’on attend que les promesses soient tenues mais ce n’est pas le cas. Il faut que la politique soit réelle.”
Dans la déclaration, en plus de rappeler les pays du nord à aider les pays les plus vulnérables à faire face aux impacts immédiats du changement climatique au travers d'un fonds adopté à la COP27, visant pour les nations riches à compenser les "pertes et dommages" de celles du Sud, les États africains ont aussi incité ces pays pollueurs à honorer leur engagement, pris en 2009, à fournir 100 milliards de dollars par an en financement climatique d'ici à 2020.
C’est pour mettre la pression sur les autres pays pour leur signifier que le moment est venu d’avancer dans le bon sens.
Sabine Ndzengue Amoa, consultante juridique en droit de l’environnement
La consultante juridique souhaite donc que cela permette aux pays du Nord de prendre conscience des attentes des pays du Sud vis-à-vis de leurs actions. “C’est pour mettre la pression sur les autres pays pour leur signifier que le moment est venu d’avancer dans le bon sens”, résume-t-elle.
Si à travers cette déclaration les pays africains affichent une position claire sur leur volonté d’action dans la lutte contre le réchauffement climatique, certains aspects de la déclaration interrogent. En effet, les dirigeants africains, en plus d’appuyer les appels à réformer l’architecture du système financier mondial, demandent une restructuration et un allègement de la dette de leurs pays.
Si c’est mélangé avec la dette d’avant, qui a servi à aider ces pays à se développer, on va se retrouver avec une mauvaise gestion financière.
Sabine Ndzengue Amoa, consultante juridique en droit de l’environnement
“J’ai quand même l’impression qu’il y a un mélange au niveau des financements, constate Sabine Ndzengue Amoa. Les 54 pays signataires réclament à la fois une nouvelle politique dans le financement tout en demandant un allègement de la dette. Soit on parle uniquement du climat, soit on parle d’une dette qui date de plusieurs années.”
Elle estime qu’un financement de l’adaptation au changement climatique est justifié si il est question “de projets concrets, par exemple dans la production d’énergies fossiles propres.” Selon la consultante juridique, “si c’est mélangé avec la dette d’avant, qui a servi à aider ces pays à se développer, on va se retrouver avec une mauvaise gestion financière.”
Pour Sabine Ndzengue Amoa, “Cette déclaration n’est pas suffisante mais c’est déjà un pas de fait.” “Ce que je regrette un peu, c’est que tous les pays les plus vulnérables ne soient pas unis. Il y a le Vanuatu qui porte sa proposition à gauche, l’Afrique qui porte sa proposition à droite, explique-t-elle. Or, si tous ces pays arrivaient d’un seul bloc, ça serait encore plus crédible.” En effet, le Vanuatu, un petit archipel du Pacifique sud a fait adopter une résolution à l’ONU en mars 2023. Celle-ci demande l’avis de la Cour internationale de Justice sur les “obligations” des pays par rapport au climat.
Par ailleurs, la consultante juridique considère qu’il faut sortir des schémas appliqués par le passé pour que les idées inscrites dans cette déclaration puissent fonctionner. “L’aide au développement n’a pas fonctionné depuis 60 ans, décrit-elle. À partir du moment où les financements seront donnés, il faut que les États africains acceptent qu’il y ait un contrôle.” Or, la déclaration de Nairobi ne prévoit pas d’organisme de contrôle à ce niveau-là. “Ils veulent rester indépendants, sans organisme de contrôle, mais pour moi ce n’est pas possible”, résume-t-elle.