Est de la RD Congo : le M23 prend une nouvelle localité malgré un cessez-le-feu évoqué

Le M23 continue à conquérir du terrain dans l'est de la République démocratique du Congo, s'emparant de la localité de Walikale, proche d'importants gisements d'or et d'étain. Une avancée importante malgré un cessez-le-feu évoqué mardi 18 mars 2025 lors d'une rencontre entre les présidents de la RDC et du Rwanda. 

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M23

D'anciens membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des policiers qui se seraient rendus aux rebelles du M23. (Photo d'illustration)

AP Photo / Moses Sawasawa
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Le groupe armé antigouvernemental a pris Walikale mercredi 19 mars 2025 au soir, après des combats contre les forces armées congolaises (FARDC) et des milices pro-Kinshasa, selon des habitants et des sources sécuritaires joints jeudi par l'AFP. C'est la première fois depuis son apparition en 2012 que le groupe armé avance aussi loin vers l'ouest à l'intérieur du pays.

Pourtant la veille, lors d'une rencontre surprise à Doha des présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, accusé de soutenir le M23 avec son armée, un cessez-le-feu aux contours encore flous a été évoqué. 

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L'avancée du M23 vers Walikale, chef-lieu du territoire du même nom, avait conduit mi-mars la société Alphamin à évacuer son personnel et stopper ses opérations dans la mine de cassitérite (minerai d'étain) de Bisie. Troisième au monde en terme de production d'étain, cette mine est à une cinquantaine de kilomètres à vol d'oiseau de Walikale.

Une ville proche de gisements d'or

La prise de la cité, proche également de plusieurs gisements d'or, éloigne la perspective d'une reprise rapide de l'extraction à Bisie. L'annonce de l'arrêt des opérations avait fait grimper les cours de l'étain, utilisé notamment pour la soudure des composants électroniques et dans la composition de certaines cellules photovoltaïques.

"Walikale est occupé par le M23, arrivé hier vers 18h Nous nous sommes retirés pour éviter des pertes humaines", a déclaré jeudi à l'AFP un officier des forces armées congolaises (FARDC). "Walikale est occupé depuis hier", a confirmé une source sécuritaire, évoquant des combats jeudi 20 mars à Mubi, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest. 

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Un habitant ayant requis l'anonymat a rapporté voir ce même jeudi des combattants du groupe armé "à travers les fenêtres" de sa maison.

Walikale, une localité de 60 000 habitants

Une base de l'ONG Médecins sans frontière a été "prise dans des tirs croisés" sans toutefois faire de blessés, selon le responsable local Marco Doneda. "Les équipes MSF s'inquiètent de l'afflux des blessés dans les prochains jours et heures" suite aux combats, a-t-il poursuivi. 

Localité de 60 000 habitants, Walikale est à la jonction entre deux axes routiers venant de Goma et Bukavu, à équidistance (environ 230 km). Ces chefs-lieux respectivement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont été pris au cours des dernières semaines par le M23, au terme d'une offensive éclair. Piloté selon des experts de l'ONU par quelque 4 000 soldats rwandais, le M23 s'est emparé de larges pans de territoire dans l'Est congolais depuis qu'il a repris les armes en 2021.

Mardi, à l'issue d'une rencontre sous médiation qatarienne à Doha, les présidents Tshisekedi et Kagame ont, selon un communiqué conjoint, "réaffirmé leur engagement" à "un cessez-le-feu immédiat et sans condition". Aucune autre information sur le contenu des discussion n'a filtré. 

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Début février, les blocs régionaux d'Afrique de l'Est (EAC) et d'Afrique australe (SADC) avaient appelé à un cessez-le-feu.

Des discussions en Angola annulées

Le M23 n'avait pas commenté la rencontre de Doha. De premières négociations directes entre Kinshasa et le M23 depuis 2021, prévues mardi 18 mars à Luanda, par le président angolais Joao Lourenço, médiateur de l'UA dans le conflit, n'ont finalement pas eu lieu.

La veille de la réunion, le groupe armé avait annoncé refuser d'y prendre part, accusant sans la citer l'Union européenne, qui a prononcé lundi de nouvelles sanctions contre certains dirigeants du groupe armé, de "saboter les efforts de paix".

L'est de la RDC, région fertile et riche en ressources naturelles, frontalière du Rwanda, est ravagé depuis 30 ans par des violences impliquant une myriade de groupes armés ainsi que certains pays voisins de l'immense nation d'Afrique centrale, défendant leurs propres intérêts notamment économiques.

Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l'ONU et le gouvernement congolais. Le M23 affirme défendre les intérêts des populations tutsi dans l'est de la RDC. Kinshasa accuse Kigali de téléguider le groupe armé et vouloir piller les ressources minières et agricoles de la région.