Fil d'Ariane
Le conflit au Tigré a poussé plus de 50.000 personnes à trouver refuge au Soudan voisin et en ont déplacé plus de 63.000 à l'intérieur de la région, selon l'ONU.
Cet organisme indépendant, rattaché au gouvernement, avait annoncé que des résidents de Metekel, une zone de la région du Benishangul-Gumuz, avaient été attaqués par balles mercredi avant l'aube, dans leur sommeil.
Sur le réseau social Twitter, le hashtag #MetekelMassacre a relayé de nombreuses photos de cadavres et des appels à cesser les massacres : #stopkillingAmhara (arrêtez de tuer la région Ahmara) ou encore #StopAmharaGenocide (cessez le génocide Ahmara).
Cette attaque est la dernière en date d’une série meurtrière ces derniers mois dans cette zone où vivent notamment des habitants des ethnies oromo, amhara- les deux plus nombreuses du pays - et shinasha. Selon des dirigeants locaux, ces attaques sont menées par des membres de l'ethnie gumuz et motivées par des facteurs ethniques.
« (La Commission) continue de suivre avec les autorités compétentes la situation au Benishangul-Gumuz et confirme que le bilan de l'attaque qui a eu lieu (...) aux premières heures du 23 décembre 2020 est monté à 207 (morts) », indique le texte publié vendredi soir. Le bilan avait été évoqué vendredi par des autorités locales qui organisaient des funérailles.
« L'effort continue pour identifier les victimes avec l'aide des survivants et des cartes d’identité », ajoute la Commission, précisant que les victimes, en majorité des hommes (133 tués), comptent aussi des femmes, des enfants et des personnes âgées.
L'EHRC réitère son appel à l’envoi « en urgence d'aide humanitaire » et s'inquiète du nombre de déplacés, soulignant que plus de 10.000 résidents de la localité de Bekuji Kebele marchent vers la ville de Bulen, l'une des principales de la zone, qui accueille déjà « des milliers » de déplacés.
Un témoin raconte que « la ville de Bulen est submergée. Les routes menant à la ville sont pleines de personnes déplacées et de leur bétail, qui marchent vers la ville », écrit la Commission.
Jeudi, les autorités régionales ont annoncé que l’armée éthiopienne avait tué 42 hommes armés accusés d'avoir participé au massacre, sans préciser qui ils étaient.
Le Premier ministre Abiy Ahmed, qui a qualifié cette attaque de « tragédie », avait attribué en octobre les violences dans la zone à des combattants venus de l'Etat voisin soudanais du Nil-Bleu, où ils sont « armés et entraînés » et appelé Khartoum à régler le problème.
Il a affirmé jeudi que cette dernière attaque avait pour objectif « d'éparpiller l’importante force » mobilisée dans le cadre de l’opération militaire en cours au Tigré (nord), un conflit a priori sans rapport avec les violences dans le Benishangul-Gumuz.
Alors que les tensions qui sévissent dans tout le pays avaient débuté à l’annonce du report des élections législatives et régionales initialement prévues le 29 août, la Commission électorale éthiopienne (NEBE) a récemment annoncé que celles-ci se tiendront le 5 juin 2021.
Les élections en Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé du continent avec quelque 110 millions d'habitants, sont largement perçues comme une étape cruciale dans la transition politique annoncée par le Premier ministre, prix Nobel de la paix 2019.
Arrivé au pouvoir en 2018, Abiy Ahmed avait notamment promis des élections « libres », « justes » et « démocratiques » en 2020, le scrutin précédent de 2015 ayant été qualifié de « mascarade » par les partis d'opposition.
Le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), la coalition qui dirigeait alors le pays depuis près de trente ans, avait raflé en 2015 l'ensemble des 547 sièges de la chambre basse du Parlement.
Les élections avaient été fixées au 29 août 2020 mais la Commission électorale a annoncé fin mars leur report sine die en raison de la pandémie.
Dans la foulée, le Parlement fédéral a voté l'extension du mandat des députés - dont celui de M. Abiy -, qui devait expirer en octobre.
Cette décision a été rejetée par les leaders tigréens du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), qui dominaient l'EPRDF et qui ont été progressivement mis sur la touche depuis l’arrivée au pouvoir de M. Abiy.
Le TPLF a organisé en septembre ses propres élections régionales, considérées comme « illégales » par Addis Abeba, qui a lancé en novembre une opération militaire dans cette région qui défiait son autorité depuis des mois.
Aucun bilan précis du conflit au Tigré n'est disponible, mais les combats ont poussé plus de 50.000 personnes à trouver refuge au Soudan voisin et en ont déplacé plus de 63.000 à l'intérieur de la région, selon l'ONU.