Ethiopie: le pouvoir ordonne l'offensive finale contre les autorités du Tigré à Mekele

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed vient d'ordonner à l'armée, ce jeudi, de lancer l'offensive finale contre les autorités dissidentes du Tigré à Mekele, capitale de cette région du Nord de l'Ethiopie qui compte 500 000 habitants. L'ONU et les ONG de défense des droits humains craignent une violation du droit humanitaire.
Image
ethiopie abiy ahmled
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, ici le 12 janvier dernier en Afrique du Sud, vient d'annoncer le lancement de "l'offensive finale" contre les dissidents du Tigré.
AP/ Themba Hadebe
Partager4 minutes de lecture
"La dernière porte de sortie pacifique de la junte du TPLF a été refermée par l'arrogance de la junte", explique M. Abiy dans un message publié sur ses réseaux sociaux, à l'expiration de cet ultimatum de reddition rejeté par avance par les autorités régionales du parti du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF). Mekele, capitale de cette province du Nord compte un demi million d'habitants. 

 
carte tigré ethiopie
Le Tigré, région du nord de l'Ethiopie, partage ses frontières avec l'Erythrée et le Soudan.
 
© TV5MONDE
L'armée a reçu l'ordre de "mener la (...) dernière phase de l'offensive lancée le 4 novembre contre le TPLF - qui défiait son autorité depuis plusieurs mois  promettant que 'tout sera mis en oeuvre pour que la ville de Mekele (...) ne subisse pas de graves dégâts' et 'pour protéger les civils'", indique le chef du gouvernement éthiopien.

Le Premier ministre - qui affirme également que des "milliers de combattants du TPLF se sont rendus" sans que ce soit vérifiable - appelle "les habitants de Mekele et ses environs à déposer les armes, à se tenir à l'écart des cibles militaires et à prendre toutes les précautions nécessaires".

Il est impossible de savoir dans l'immédiat si des opérations militaires contre Mekele ont effectivement commencé, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début du conflit.

Le gouvernement refuse toute ingérence

A l'orée de la quatrième semaine d'offensive militaire contre les dissidents du Tigré, Abiy Ahmed fait face à des pressions croissantes de l'ONU et de plusieurs pays, inquiets des conséquences sur les civils d'un assaut sur Mekele et de possibles "crimes de guerre", ainsi que des risques que le conflit dégénère en affrontements communautaires dans un pays mosaïque de près de 80 peuples.

Lire : Éthiopie : les racines du conflit au Tigré

Abiy Ahmed a fermement demandé à la communauté internationale de se garder de toute "interférence dans les affaires internes" de son pays.

Le gouvernement fédéral avait ainsi décliné, lundi, l'offre de médiation dont l'Union africaine (UA) - qui a son siège à Addis Abeba - a chargé les trois anciens présidents mozambicain Joaquim Chissano, libérienne Ellen Johnson-Sirleaf et sud-africain Kgalema Motlanthe.

Inquiétudes des ONG et de l'ONU

La perspective d'un assaut contre Mekele, qui compte 500.000 habitants, outre un nombre indéterminé de déplacés qui s'y sont réfugiés depuis le début du conflit, inquiète la communauté internationale et les organisations de défense de droits de l'Homme.

Amnesty International rappelle à toutes les parties "qu'attaquer délibérément des civils (...) est interdit par le droit humanitaire international et constitue un crime de guerre", par la voix de Deprose Muchena, responsable Afrique de l'Est et australe pour l'organisation.

 

La Haute commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU, Michelle Bachelet, s'est alarmée, mardi, de "la rhétorique hautement agressive" des deux camps, craignant qu'elle ne "mène à de nouvelles violations du droit humanitaire international". Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU, craint également "une violation du droit humanitaire".


 



 

40 000 réfugiés au Soudan


Le conflit a déjà poussé quelque 40.000 habitants du Tigré à se réfugier au Soudan et provoqué d'importants déplacements internes à la région, sans qu'on en connaisse l'ampleur exacte.

TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...

La vérification sur le terrain et de source indépendante des affirmations de l'un et l'autre camp est très difficile, le Tigré étant quasiment coupé du monde depuis le début du conflit.

Aucun bilan précis des combats, qui ont fait au moins des centaines de morts, n'est non plus disponible. 

Ce 23 novembre, la Commission éthiopienne des Droits de l'Homme (EHRC), administrativement indépendante mais dont le directeur Daniel Bekele a été nommé par le Premier ministre, a déclaré qu'au moins 600 personnes avaient été tuées lors d'un "massacre atroce" perpétré par des miliciens tigréens le 9 novembre à Mai Kadra, localité du Tigré.

Amnesty International avait déjà rapporté que "probablement des centaines" de civils avaient été poignardés ou tués à la hache le 9 novembre à Mai Kadra. Sans se prononcer sur les auteurs du "massacre", Amnesty avait cité des témoignages l'attribuant aux forces pro-TPLF.