Éthiopie : les États-Unis saluent le retrait des troupes érythréennes

Deux mois et demi après un accord de paix entre gouvernement et rebelles tigréens, des soldats érythréens ont massivement quitté certaines villes de la région éthiopienne du Tigré. Un "retrait en cours" salué samedi 21 janvier par les États-Unis.
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Ethiopie
Le chef des forces du Tigré, le lieutenant-général Tadesse Werede, à gauche,  et le chef d'état-major du maréchal des forces armées éthiopiennes Birhanu Jula, à droite, se préparent à signer un accord lors des pourparlers de paix éthiopiens à Nairobi, au Kenya, le 12 novembre  2022. 
AP Photo/Brian Inganga.
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Des habitants des villes de Shire et d'Adwa ont rapporté à l'AFP avoir vu des soldats érythréens, qui ont soutenu l'armée éthiopienne dans son conflit face aux autorités tigréennes dissidentes entre novembre 2020 et novembre 2022, partir en nombre depuis vendredi après-midi.

Leur destination était toutefois encore inconnue et des troupes étaient toujours présentes samedi dans ces deux villes, ont-ils souligné.

Après un appel téléphonique avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a évoqué un "retrait en cours des troupes érythréennes du nord de l'Ethiopie". Il "s'est félicité de ce développement, en notant qu'il était crucial pour assurer une paix durable dans le nord de l'Ethiopie", a déclaré le département d'Etat dans un communiqué.

La présence des soldats érythréens, accusés de nombreuses exactions sur les civils, est considérée comme l'un des principaux obstacles à la paix signé le 2 novembre à Pretoria entre le gouvernement éthiopien et les rebelles tigréens. Mais l'Erythrée ne participait pas aux discussions.

À​ re(voir) : Éthiopie, des soldats érythréens accusés de la mort de 164 civils au Tigré

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Des habitants auraient vu des soldats se retirer

Contactés par l'AFP samedi, ni les autorités tigréennes, ni le gouvernement éthiopien, ni l'Igad, organe régional est-africain qui participe à la mission d'observation de l'accord de paix, n'ont confirmé à l'AFP un retrait des forces érythréennes.

Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain.

A Shire, deux habitants ont indiqué avoir vu des soldats se retirer depuis vendredi après-midi.

Une vidéo transmise à l'AFP par l'un d'eux montre des camions de soldats quittant la ville en klaxonnant, drapeau de l'Erythrée claquant au vent.

Un autre a également affirmé avoir vu un convoi sortir de la ville, avec des camions et des bus chargés de soldats, des pièces d'artillerie et des tanks. Mais "des forces érythréennes marchent dans les rues et sur les marchés" samedi, ajoutait-il.

Un habitant d'Adwa, située à 85 kilomètres à l'est de Shire, a également rapporté un départ de troupes "à grande échelle".

La plupart se sont dirigés vers l'ouest (...) tandis que d'autres se sont dirigés vers le nord en direction de Rama, localité près de la frontière avec l'Erythrée.

Habitant d'Adwa.

"J'ai vu qu'il restait encore pas mal de soldats érythréens", ajoutait-il: "Les gens attendent pour savoir si cette fois les forces érythréennes se retirent vraiment." 

tigré éthiopie président abiy ahmed
Le président de l'Éthiopie Abiy Ahmed lors d'une audition devant le parlement national à Addis Abeba. 7 juillet 2022.
AP

Pillages et massacres 

Pays frontalier du Tigré, l'Erythrée a envoyé des troupes dès le début du conflit en novembre 2020 pour soutenir l'armée éthiopienne envoyée par Abiy Ahmed pour destituer les autorités de cette région qui contestaient son autorité depuis des mois et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires fédérales.

Addis Abeba et Asmara ont nié pendant des mois toute implication érythréenne au Tigré. Fin mars 2021, Abiy Ahmed a finalement admis leur présence. Leur départ a été annoncé à plusieurs reprises, mais jamais vérifié.

Ces troupes ont été accusées de pillages, de massacres et de viols tout au long du conflit, notamment dans la ville d'Aksoum ou le village de Dengolat.

Des témoignages recueillis par l'AFP auprès d'habitants et de travailleurs humanitaires ont également fait état de nombreuses exactions menées après la signature de l'accord de Pretoria. 

À​ re(lire) : 

S'il est confirmé, ce retrait marque une avancée majeure du processus de paix lancé le 2 novembre.

Un combattant du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF)
Les forces tigréennes posent dans un camion après avoir pris le contrôle de Mekele, dans la région du Tigré, au nord de l'Éthiopie, le mardi 29 juin 2021. 
AP Photo

Depuis l'accord, les combats ont cessé, l'acheminement d'aide humanitaire et médicale reprend progressivement, la police fédérale est revenue dans la capitale régionale Mekele qui a également été raccordée au réseau électrique national. Mais le volet militaire reste largement soumis à la présence érythréenne. 

Les rebelles ont annoncé le 11 janvier avoir commencé à restituer leurs armes lourdes conformément à l'accord, disant espérer "que cela contribuera grandement à accélérer (sa) mise en œuvre complète".

Un document sur l'application de l'accord de paix prévoyait notamment que "le désarmement des armes lourdes (tigréennes) se (fasse) simultanément avec le retrait des forces étrangères et non-fédérales", en référence notamment à l'Erythrée.

Début décembre, ils avaient également annoncé avoir désengagé l'essentiel de leurs combattants des lignes de front, tout en en maintenant dans certains endroits pour éviter les "atrocités" menées par des "forces dans la région qui (...) sont des obstacles à la paix".

Une fois ces menaces écartées, "nous ferons (un désengagement) à 100%", assuraient-ils.