Fil d'Ariane
Les journaux africains, dans leur ensemble, jugent malheureuse la défaite française. Le continent, qui salue bien entendu la victoire de la Seleçao, évoque avec des mots choisis, souvent consolateurs le pays organisateur, jadis colonisateur, qui "a su faire vibrer et rêver toute une nation"
Ledjely.com, site d’information guinéen, joue la carte de l'émotion " ... La France, écrit le journaliste Boubacar Sanso Barry, pleure de déception. Et avec elle une partie du continent africain. En effet, l’équipe française, du fait des liens historiques de l’ancienne métropole avec ses ex-colonies, mais aussi en raison de la passion toute naturelle que la pratique du football diffuse dans son sillage, a des millions de fans sur le continent africain." Il prend soin de rappeler certaines évidences.
Le journaliste fait ensuite l'inventaire des forces bleues. Parmi elles, bon nombre sont issues du Continent : " Au total, ils sont 10 qui sont nés ou dont l’un ou les deux parents sont nés en Afrique, soit près de la moitié des 23 vice-champions d’Europe. Des joueurs franco-africains dont l’apport a souvent été décisif dans l’issue des rencontres livrées par les Bleus. A titre d’exemple, on rappelle que c’est par le milieu d’origine guinéenne, Paul Pogba, qu’était venu le second but libérateur en demi-finale face aux redoutables allemands. De même, le meilleur joueur de l’équipe française d’hier, Moussa Sissoko, est d’origine malienne.
(...) Comme ce lien symbolique qui fait que des Africains sont fiers de Barack Obama, des Sénégalais, Guinéens, Maliens, Congolais (de la RDC), Camerounais et mêmes des Angolais caressaient le rêve intime d’un autre sacre pour les Bleus. Dans tous ces pays, beaucoup se seraient reconnus dans une victoire ultime de la France, parce que celle-ci serait synonyme de victoire pour des joueurs avec lesquels on s’amuse à inventer des liens. Et cet espoir ne s’étant pas concrétisé pour Griezemann et les autres, ces supporters-là, bien que vivant à des milliers de kilomètres de la France, sont aussi affectés."
Le Pays, quotidien burkinabé en ligne, philosophe sur cette défaite tricolore.
Certes, la France voit s'échapper la coupe d'Europe mais elle peut se prévaloir d'une autre victoire, celle d'une organisation sans faille, à l'heure où le pays reste sous la menace des attentats : "Cette défaite face à une froide équipe portugaise, va certainement constituer une expérience non négligeable pour l’avenir. Mais après tout, la France n’a pas démérité. Elle qui a su faire vibrer et rêver toute une nation qui a cru en elle jusqu’au bout. Mais comme il faut bien un gagnant à cette ultime étape de la compétition, les dieux du football ont souri à la SELEÇAO. La France a perdu, certes. Mais on peut lui savoir gré d’avoir
relevé le défi sécuritaire. Dans un contexte de menace djihadiste, tout s’est terminé sans casse et c’est à l’honneur de la France d’avoir pu assurer la sécurité des joueurs et des spectateurs. La fête fut tout simplement belle."
"Les Bleus n'ont plus que les yeux pour pleurer" titre le journal sénégalais Enquête + dont le journaliste semble s'être régalé à la vision du match : "Et Eder vint crucifier les Bleus. Oui, Eder. Ce n'était pas le héros que le Portugal attendait, ou le danger que la France craignait. Mais c'est bien lui qui restera à jamais dans la légende pour avoir offert à la sélection portugaise le tout premier titre international de son histoire. (...) C'était bien le soir d'Eder. Pas celui d'Antoine Griezmann, resté muet après avoir porté les Bleus jusqu'en finale. Pas celui de Paul Pogba, encore trop neutre malgré quelques coups d'éclat. Pas celui de Moussa Sissoko, qui était peut-être le meilleur joueur français de cette finale. Pas celui de Laurent Koscielny, impeccable jusqu'à ce duel perdu devant Eder. Ce n'était tout simplement pas le soir des Bleus. C'était celui du Portugal."
Ce titre, paru dans Aujourd'hui est une allusion piquante à la réputation des Français, volontiers surnommés les "coqs". L'animal est certes le symbole du pays mais son fameux " Cocorico ! " est crié par certains Français pour manifester leur chauvinisme et leur orgueil.
Jeune Afrique retient surtout le chagrin de Blaise Matuidi, " Inconsolable après la défaite des Bleus qui n’a pu retenir ses larmes alors qu’il se rendait sur le podium pour recevoir sa médaille de finaliste des mains du président de la Fédération française de football, Noël le Graët."
Cette photo quoi.... #Matuidi #FRAPOR #Euro2016Final pic.twitter.com/xHZ8IvgKj9
— Clémence (@Clemence_ble) 11 juillet 2016
Enfin, d'autres organes de presse estiment que la victoire du Portugal est aussi, un peu, la victoire de l'Afrique toute entière.
En effet, Éder, qui a inscrit le but décisif face à la France, est né en Guinée-Bissau, pays lusophone d'Afrique. L'attaquant du Portugal devient le premier joueur qui n'est pas né dans un pays européen à inscrire un but en finale d'un Euro !