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Né il y a un an de l’union de plusieurs courants de l’opposition dont les principaux sont le G7 de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, et l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi, ce mouvement est aujourd’hui à la peine. Son but principal, l’organisation d’élections, semble loin d’être atteint.
Pour le fils de l'opposant emblématique de la RDC à Joseph Kabila, le Rassemblement est debout. Il a juste "vécu quelques soubresauts après le décès de deux figures de proue du mouvement". "Un conclave aura lieu prochainement, vous aurez des nouvelles du mouvement, nous sommes debout", dit-il.
Ce que l'opposant craint c'est la "politique de la terre brûlée [menée] par Joseph Kabila". Pour lui, les violences dans le Kasaï, dans le centre du pays, sont une stratégie du président pour retarder le processus électoral. "Selon nos informations, ça va s'étendre au Bas-Congo", prévient-il.
Face à cette situation, la stratégie du Rassemblement consiste à mobiliser la rue et à faire respecter les accords du 31 décembre 2016 : "On ne donnera pas un jour de plus à Joseph Kabila en 2018". [Voir l'interview].
Journaliste chez Jeune Afrique et spécialiste de la région des Grands Lacs,Trésor Kibangula analyse le parcours de ce jeune mouvement.
TV5MONDE : Quel bilan dressez vous de la première année du Rassemblement des forces acquises au changement (Rassop) ?
T.K : Le but du rassemblement était de forcer Joseph Kabila à organiser des élections dans les délais constitutionnels. Comme Kabila n’avait pas l’intention d’organiser des élections, un compromis a été trouvé. Les deux parties ont décidé de cogérer la transition politique.
Autrement dit, Kabila pouvait rester au pouvoir une année de plus [il est à la tête du pays depuis 2001] même si son mandat avait pris fin le 19 décembre 2016 ; mais avec un gouvernement d’union nationale dirigé par Premier ministre venant du rassemblement. C’est la substance de l’accord de la Saint-Sylvestre trouvé avec le rassemblent le 31 décembre 2016, quelques jours après la fin du mandat. C’est le côté positif du rassemblement. Arriver à négocier avec Kabila n’était pas une mince affaire.
Cet accord est donc important pour deux choses. Il se dit clairement que pendant la période de transition et après la fin du mandat de Kabila le 19 décembre 2016, le gouvernement ne peut pas organiser un référendum pendant cette période de transition car Kabila n’est plus dans son mandat. C’est un grand acquis. Le deuxième acquis c’est que le Premier ministre devait être issu du Rassemblement.
TV5MONDE : Mais la mort, en février 2017, de l’opposant historique et figure de proue du mouvement Etienne Tshisekedi, va tout bouleverser….
T. K : Son décès entraîne un déséquilibre de forces dont Joseph Kabila va profiter. Juste en donnant son mot d’ordre - comme on dit à Kinshasa - Etienne Tshisekedi pouvait faire descendre les foules dans la capitale ou ailleurs dans le pays.
Lorsqu’il est décédé, le président Kabila a repris la main sur la situation car il manquait un document à signer pour mettre en application l’accord de décembre. Ce qu’ils ont appelé “l’arrangement particulier” qui devait définir les modalités d’application de l’accord.
Le président Kabila a choisi d’affaiblir le rassemblement en proposant des postes au gouvernement aux frondeurs du même mouvement. Quand Tshisekedi père est décédé en février 2017 Félix Tshisekeli a pris la tête du mouvement. Mais certains membres ne reconnaissaient pas son autorité et ont créé une autre aile. Parmi eux se trouvait Bruno Tshibala, le porte-parole du Rassop, nommé Premier ministre de Kabila.
C’est avec cette aile que le président congolais a négocié l’arrangement particulier qui viole l’esprit même de l’accord comme l’ont dit les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui jouent le rôle d’intermédiaires dans cette crise. Le Premier ministre devrait être issu du gouvernement mais Kabila a trouvé le bon moment pour doubler tout le monde.
TV5MONDE : Peut-on dire que cet accord est donc obsolète ?
T. K : L’accord est juste mais il n’est pas appliqué comme il était convenu. D’autant qu’il y a eu confusion autour d’une lettre envoyée par Etienne Tshisekedi, où il donnait le nom du potentiel Premier ministre. Le problème c’est qu’elle aurait été remise aux évêques, qui à leur tour ont remis la lettre à Kabila après la mort de Tshisekedi.
Le président a refusé de prendre ce document, car selon lui, c’était au nouveau président de la remettre. Mais à ce moment là, le mouvement n’avait pas de président et certains cadres étaient en train de quitter le navire. Félix Tshisekedi est devenu président du rassemblement par la suite et continue de contester les négociations entre les dissidents et le pouvoir en place.
TV5MONDE : Quelles sont les perspectives pour ce mouvement alors qu’il n’arrive plus à faire descendre les gens dans la rue, manifester c’est très risqué ?
T.K : Il semble très compliqué d’organiser des élections en 2017 du point de vue logistique. De plus, la situation sécuritaire est très précaire, notamment dans le Kasaï, dans le centre du pays. Ce contexte est très difficile pour le Rassemblement.
Avant le 19 décembre 2016, date de fin du mandat de Kabila, les citoyens étaient très mobilisés. Il y avait une certaine pression populaire. Aujourd’hui, le Rassemblement peine à faire descendre les gens dans la rue qui en plus sont lassés des politiques. D’autant que ce mouvement a une très mauvaise image qu’elle s’est forgée en passant l'accord de la Saint-Sylvestre avec Kabila. Pour les gens c’était comme s’ils avaient été trahis : ‘Ils se sont battus, on a manifesté pour qu’après ils obtiennent des postes au gouvernement, à un moment donné ils ont même oublié le combat initial. [A cela s’ajoutent des couacs lors du décès d’Etienne Tshisekedi, sa dépouille est toujours en Belgique où il est mort NDLR].
Les derniers appels à mobilisation n’ont pas abouti. A Kinshasa, les gens ne sont plus prêts à descendre dans la rue, c’est prendre beaucoup de risques pour un faible gain. Aujourd’hui la seule marge de manoeuvre qui reste à l’opposition c’est d’aller voir les partenaires occidentaux pour essayer de mettre la pression sur Kabila. C’est ce qui a été fait dernièrement. L’Union européenne les Etats-Unis ont récemment émis des sanctions contre la RDC. Cette pression internationale est en train de remplacer la pression de l’opposition.
TV5MONDE : Quelles perspectives pour les Congolais ?
T. K : Ils se disent que Kabila est encore là pour une année, en décembre quand rien n’aura bougé, l’opposition sera de nouveau en position de rassembler. Entre-temps, celle-ci devra repenser la stratégie car le président congolais aura gagné du temps surtout parce qu’il justifie ses agissements en arguant qu’il est arrivé à un accord avec l’opposition.
Kabila a également compris que ce qui importe le plus aux hommes politiques du pays ce sont les postes. Sa stratégie était donc toute faite en proposant aux cadres de cette plate-forme un poste de Premier ministre ou de ministre. Pour que les lignes bougent, la pression internationale devrait être vraiment forte et l’opposition devrait trouver une nouvelle stratégie et mettre de côté les divisions internes.