Fil d'Ariane
TV5MONDE a réalisé une série de quatre reportages exclusifs sur le départ des derniers soldats français au Mali, le lundi 15 août 2022. Plus de neuf ans après avoir été accueillis au Mali comme des "sauveurs" face aux groupes djihadistes, les militaires français quittent le pays dans un contexte de fortes tensions entre Paris et Bamako. Chronologie de l'intervention militaire française au Mali.
A partir du 21 août 2022, TV5MONDE diffuse une série de 4 reportages exclusifs sur le départ des derniers soldats français au Mali, réalisés par Fanny Noaro-Kabré.
"Merci papa Hollande", "C'est notre libérateur, on l'aime !", "Vive la France, vive Hollande !", le samedi 2 février 2013, le président français François Hollande (2012-2017) est accueilli en libérateur dans la ville de Tombouctou au centre du Mali. Les troupes françaises viennent alors de libérer les villes de Tombouctou, Gao et Kidal aux mains de groupes armées terroristes depuis le mois d’avril 2012.
Le 6 avril 2012, un mouvement indépendantiste touareg, baptisé Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) déclare l’indépendance du Nord du Mali. Ce mouvement est composé de combattants touaregs indépendantistes mais également de partisans d’un islam radical regroupés au sein d’un autre groupe baptisé "Ansar Dine" crée par le chef touareg malien Iyad Ad Ghali.
Au cours de l’année 2012, les partisans d’Ansar Dine s’allient avec une filiale d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) baptisée "mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest" (MUJAO). Ensemble, les combattants de ces deux groupes évincent les "combattants indépendantistes du MNLA" et imposent un islam rigoriste aux villes du Nord Mali.
En juin 2012, les nouveaux maîtres de Tombouctou détruisent les mausolées soufis de la ville, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
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En réponse à l’occupation du Nord Mali, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) cherche à organiser une force militaire permettant d’appuyer l’armée malienne dans la reconquête de son territoire. Cette force doit être appuyée par les Nations unies.
Cependant, avant que les troupes de la CEDEAO ne soient prêtes, les groupes de l’Azawad franchissent la ligne de démarcation virtuelle entre le Nord et le Sud. Le 9 janvier 2013, ils lancent une offensive sur la ville de Konna au centre du Mali menaçant directement le sud et la capitale Bamako.
Dans ce contexte, la France décide d’une intervention militaire directe au Mali le 11 janvier 2013. Cette opération, baptisée Serval, s’effectue à la demande du gouvernement intérimaire malien et avec l’accord du Conseil de sécurité de l’ONU.
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Selon l’état-major français des armées, à l’heure de son lancement, l’opération Serval a trois objectifs :
- Tout d’abord, "aider les forces armées maliennes (FAMa) à arrêter la progression de groupes terroristes".
- Par la suite, "aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté".
-Enfin, "faciliter la mise en œuvre des décisions internationales en permettant le déploiement rapide de la Mission international de soutien au Mali (MISMA) et la mission de formation de l’armée malienne par l’Union européenne (EUTM)".
L’ensemble de ces objectifs est soumis à l’impératif de nouvelles élections présidentielles visant à assurer une gouvernance forte et démocratique du Mali.
Les villes du Nord Mali (Gao, Tombouctou, Kidal) sont reprises aux groupes djihadistes dès les 25, 27 et 30 janvier 2013.
Des élections présidentielles sont organisées par la suite. Elles aboutissent à l'élection de l'ancien président de l’Assemblée National malienne, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) au poste de président de la République malienne le 11 août 2013. Le Mali retrouve ainsi un cadre institutionnel stable.
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Progressivement, l’engagement des troupes françaises au Mali diminue.
Le 28 mars 2013, en déplacement à Tombouctou, François Hollande annonce un premier calendrier de désengagement.
Par la suite, le 8 janvier 2014 à l’occasion de ses vœux aux armées, le président français annonce réduire les effectifs de Serval à 1 000 soldats au Mali. "Le niveau nécessaire pour faire face à toute menace qui pourrait ressurgir", affirme-t-il.
L’opération Serval prend officiellement fin le dimanche 13 Juillet 2014 lors d'une allocution de François Hollande qui salue "une mission parfaitement accomplie puisqu’il n’y a plus de sanctuaire pour les groupes terroristes au Mali".
L’incapacité des troupes françaises à éliminer définitivement les djihadistes est au cœur d’un ressentiment grandissant au sein d’une partie des populations sahélienne. "La population n'arrive pas à comprendre que le terrorisme puisse gagner du terrain alors que les soldats français sont là", explique, sous couvert d'anonymat, un diplomate français contacté par l'AFP le 30 novembre 2021.
En 2015, les forces des groupes djihadistes gagnent du terrain au Niger et frappent désormais le Burkina Faso longtemps épargné par les attaques terroristes.
En mars 2017, Iyad Ag Ghali organise plusieurs forces autour d’un nouveau groupe affilié à Al Qaida, le "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans" (GSIM).
Dans le même temps, un autre groupe, "l'État islamique au Grand Sahara" (EIGS), monte en puissance. Ce groupe est responsable d’une série d'attaques meurtrières fin 2019 contre des bases militaires des armées nationales au Mali et au Niger.
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L’hostilité d'une partie de la population à l’égard de la présence militaire française dans la région se manifeste une nouvelle fois lorsqu’un convoi militaire français en provenance de Côte d'Ivoire et à destination du Mali est pris pour cible par des manifestants en novembre 2021.
À Kaya, le 18 novembre, à une centaine de kilomètres au nord-est d'Ouagadougou (Burkina Faso), le convoi logistique est entouré de milliers de manifestants brandissant des écritaux "Armée française dégage", "libérez le Sahel". Soldats français et burkinabé ont effectué des tirs de sommation pour disperser des manifestants. Quatre personnes ont été blessés par balles à Kaya dans des circonstances indéterminées.
Quelques jours plus tard, le 27 novembre, à Téra (à l'ouest du Niger) de nouveaux heurts surviennent lors du passage du convoi provoquant la mort de trois manifestants. Le Président nigérien Mohamed Bazoum exige des autorités françaises une enquête sur les circonstances du drame et ordonne une autre enquête au Niger.
Les forces françaises évoluent dans un "bain d'hostilité", résume le chercheur français Yvan Guichaoua cité par l'AFP en novembre 2021. Face à cette dynamique, "même les chefs d'Etat sont appelés à se positionner", explique le chercheur. Certains comme le président nigérien Mohamed Bazoum n'hésite pas à exprimer "leur reconnaissance" envers la France dont ils saluent les "sacrifices". D'autres, aux antipodes, relayent le sentiment anti-français dans le débat public. Ainsi en novembre 2021, le premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga n'hésite pas à accuser la France de former des groupes jihadistes.
Le 18 août 2020, le président malien Ibrahim Boubacar Keita élu en 2013, est renversé par un putsch après des mois de crise politique. Un groupe de colonels, dont le futur chef de la junte Assimi Goïta, est à l’origine du coup d’État.
Celui-ci renforce son emprise sur l’appareil d’État malien à l’occasion d’un second coup d’État le 24 mai 2021. Les relations entre Paris et Bamako se détériorent à nouveau à la suite de ce second coup d’État.
À voir : Mali : un an après le coup d'Etat d'août 2020, quels changements ?
Début juin 2021, les forces françaises suspendent leurs opérations conjointes avec les forces maliennes.
Le 10 juin, le président français Emmanuel Macron annonce le départ progressif des 5.000 hommes de Barkhane au profil d’un dispositif "allégé" de 2 500 à 3000 hommes au Sahel.
Le 25 septembre, le premier ministre malien à la tribune de l'Assemblée générale des Nations Unies accuse la France "d’abandon en plein vol". Il justifie ainsi la nécessité de "chercher d'autres partenaires".
Fin décembre 2021, une quinzaine de pays occidentaux, dont la France, dénoncent un début de déploiement de la société paramilitaire russe Wagner au Mali. Ce groupe, auquel Moscou prétend ne pas être lié, est l’objet d’une forte défiance de la part des Occidentaux, notamment en raison de ses activités en République Centrafricaine. La présence de Wagner au Mali est l'une des premières sources de tensions entre la France et la junte au pouvoir.
À voir : Centrafrique : sur la société russe Wagner, les autorités centrafricaines doivent "sortir du déni", selon Paris
Fin janvier 2022, un second incident diplomatique accèlere la rupture entre Bamako et Paris. Le Mali exige du Danemark le retrait immédiat de ses soldats récemment arrivés dans le cadre du groupement européen de forces spéciales Takuba. Les autorités maliennes au pouvoir affirme ne pas avoir consenti à ce déploiement.
Immédiatement après, le 27 janvier 2022, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, dénonce un comportement "irresponsable" de la junte malienne. Le ministre des Affaires étrangères français, depuis Paris et aux côtés de son homologue nigérien Hassoumi Massoudou, affirme que "cette junte est illégitime et prend des mesures irresponsables". Il ajoute dans un entretien radio le 28 janvier 2022 : "vu la rupture du cadre politique et du cadre militaire (au Mali), nous ne pouvons pas rester en l'état".
En réaction à ces propos, Bamako décide d’expulser l’ambassadeur de France au Mali le 31 janvier 2022.
À voir : Mali : Barkhane, Takuba ... le début de la fin ?
Le 17 février 2022, la France et ses partenaires européens officialisent le retrait du Mali de Barkhane et Takuba. Emmanuel Macron annonce le retrait dans un délai de "quatre à six mois".
Le lendemain, le 18 février, Bamako exige dans un communiqué un retrait "sans délais" des troupes françaises et européennes du sol malien. Emmanuel Macron rejette cette injonction et affirme que "la réarticulation du dispositif (...) s'appliquera en bon ordre afin d'assurer la sécurité de la mission des Nations unies et de toutes les forces déployées au Mali". "Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité", ajoute-il.
Le 2 mai 2022, le Mali rompt les accords de défense avec la France et ses partenaires européens.
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Après avoir remis la base de Tombouctou au FAMa le 14 décembre 2021, les militaires français quittent la base de Gossi (au centre du Mali) le 19 avril 2022. Ils quittent ensuite celle de Ménaka (Est Mali) le 13 juin 2022.
Le 1er juillet, Paris annonce la fin de l’opération Takuba.
Les dernières troupes françaises au Mali quittent le Mali et la base militaire de Gao le 15 août 2022.
De 2013 à 2022, au cours de l'opération Barkhane, 59 soldats français perdent la vie au Sahel.
À la suite du désengagement au Mali, la France divise par deux sa présence militaire au Sahel. Elle maintient environ 2 500 militaires dans la région et redéploie ses forces principalement au Niger et les pays côtiers.