L’auteure Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga s'est vue remettre le prix de la Paix de la foire du Livre de Francfort. Ce prix très prestigieux, doté de 25 000 euros, a été instauré en 1950 et est remis traditionnellement le dimanche qui clôture la manifestation, une des plus importantes du monde de l’édition.
Ecrivaine, cinéaste, femme politique, Tsitsi Dangaremba née en 1959 dans ce qui était encore la Rhodésie, est un personnage hors norme.
Le jury du Prix de la paix, Freidens preis, a justement a voulu la récompenser car
"elle allie à un sens inimitable du récit un point de vue universellement irrésistible dans une œuvre qui en fait une artiste incontournable, non seulement dans son pays, mais aussi une voix africaine, populaire et reconnue dans la littérature contemporaine."Après avoir entamé des études de médecine à Cambridge au Royaume-Uni, Tsitsi Dangarembga est retournée au Zimbabwe avec ses parents à l'indépendance en 1980. Elle démarre alors des études de psychologie à l'Université du Zimbabwe, avant d'étudier le cinéma en Allemagne.
Elle débute en 1987 avec une pièce de théâtre
She no longer weeps (Elle ne pleure plus), écrite dans sa langue maternelle, le shona, qui la fait connaître immédiatement. Dans la foulée, elle écrit
Nervous condition, traduit en français par
A fleur de peau, qui remporte en 1989 l’important prix littéraire du Commonwealth. Il marque le début d'une trilogie racontant le parcours d'une jeune fille au Zimbabwe. C’est le premier livre écrit par une femme noire africaine publié en anglais.
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Après des études de cinéma à Berlin, elle abandonne l'écriture pour produire des films. Elle se lance dans la réalisation de
"Neria" sorti en 1993, qui raconte la dure condition d’une femme habitant dans la banlieue d’Harare.
Revenue au Zimbabwe en 2000, elle continue de faire des films et s’engage en politique en 2010 dans le Mouvement pour le changement démocratique. Elle n’a de cesse de dénoncer la situation dramatique de son pays.
Dans sa dernière œuvre,
This Mournable Body, qui était nominé pour le Goncourt anglophone - le Booker prize en 2020, Tsitsi Dangarembga dépeint un Zimbabwe après l'indépendance, sombre. Elle dit raconter
"ce que je vois arriver".Le Zimbabwe est englué depuis une vingtaine d'années dans une crise économique catastrophique, qui se traduit par une inflation galopante et des pénuries de nombreux produits de première nécessité.
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"La plupart des Zimbabwéens sont dans la misère. Ils vivent des situations compliquées, difficiles et épuisantes qui marquent psychologiquement", explique Mme Dangarembga.
"L'espoir disparait", regrette-t-elle, évoquant
"un mal qui brûle lentement au Zimbabwe".
"Nous n'avons pas réussi à construire un gouvernement civil. Nous avons construit quelque chose qui ressemble à un Etat-guérilla", regrette celle qui estime que le parti au pouvoir, le ZANU-PF, s'est transformé en
"guérilla nationaliste".
C’est la demi-sœur aînée du président Barack Obama , Auma Obama, qui a l’honneur de lui remettre son prix.
En félicitant Tsitsi Dangarembga, l'écrivaine kenyane lance un plaidoyer vibrant pour la littérature africaine :
"Lisez de la littérature africaine s’il vous plaît ! Regardez au-delà de votre horizon. Nous sommes là, nous sommes forts. Lisez ce qui est écrit sur le continent. Ne faites pas en sorte que cela reste un fait isolé. Lisez des livres africains. Merci !"