Coupe arabe 2021, CHAN 2020, CAN 2019, CHAN 2018... Les équipes du Maghreb brillent dans les tournois internationaux et dominent le football africain. La victoire de l'Algérie face à la Tunisie durant une finale 100% maghrébine de cette Coupe arabe en est l'illustration. Retour sur le triomphe du football maghrébin.
Après l'Algérie, le Maghreb est le second grand vainqueur de la Coupe arabe 2021. La compétition vient de s'achever après une finale 100% maghrébine qui opposait l'Algérie à la Tunisie (2-0), ce samedi 18 décembre 2021. Et ce n'est pas la première fois que les pays du Maghreb se démarquent dans l’histoire récente du football africain.
L’Algérie ne fait que confirmer une belle progression depuis sa victoire à la tête de la Coupe d'Afrique de Nations (CAN) en 2019. Durant cette même compétition, la Tunisie a de son côté décroché la quatrième place du classement. Quant au Maroc, il a remporté les deux dernières éditions du Championnat d'Afrique des nations (CHAN) en 2020 et en 2018. Comment expliquer une telle domination ?
Les équipes de la Coupe arabe ne pouvaient pas compter sur certaines de leurs stars, retenus en ce moment dans les championnats européens.
Or, les meilleurs joueurs maghrébins n’évoluent pas seulement en Europe. C’est l’une des explications de la réussite des pays maghrébins à la Coupe arabe et au Chan. Selon Stanislas Frenkiel, historien à l'université d'Artois et auteur du livre Le football des immigrés : France-Algérie, l’histoire en partage, "les joueurs maghrébins ne se déplacent plus uniquement de l’Afrique vers l’Europe."
Premièrement, de plus en plus de joueurs maghrébins font carrière dans les pays du Golfe. Ils acquièrent de l’expérience dans les championnats du Golfe, dont le niveau s’améliore lentement.
Deux raisons les poussent à s’expatrier selon Patrick Juillard, journaliste à Foot365 Afrique et consultant pour différents médias.
Il ne faut pas avoir une vision trop centrée sur l'Europe.
Patrick Juillard, journaliste à Foot365 Afrique et consultant pour différents médias
Premièrement, les contrats sont plus lucratifs dans les pays du Golfe pour les jeunes joueurs. Deuxièmement, les agents maghrébins accèdent aujourd’hui plus facilement à des offres intéressantes qui étaient à l’époque réservées à des joueurs du Moyen-Orient, d’Égypte ou d’Asie.
À (re)voir : Réactions après la victoire de la Coupe arabe
Par ailleurs, les sélectionneurs maghrébins peuvent compter sur de nouveaux joueurs : des binationaux français, allemands ou néerlandais qui viennent tenter leur chance au Maghreb.
« On estime à 10% la proportion de joueurs du Championnat algérien nés en France. Ça n’a pas été prouvé scientifiquement mais ce serait intéressant à étudier », explique Stanislas Frenkiel.
On parle ici de « reverse migration », de « migrations inversées », du Nord vers le Sud. «Des jeunes Français d’origine algérienne, favorisés par la binationalité et un bon niveau de formation, ont des perspectives d’emploi plus intéressantes en Algérie qu’en France. Ils tentent donc leur chance dans le championnat algérien », selon Stanislas Frenkiel.
Les championnats maghrébins sont parfois plus rémunérateurs que certains championnats en France, comme le championnat de France amateur de football (National 2, ex-CFA).Une autre raison explique la réussite du Maghreb dans ces différents tournois (CAN, Coupe arabe, CHAN) : les sélectionneurs, parfois d'anciens joueurs, qui sont davantage tournés vers les joueurs expatriés dans le Golfe ou présents dans les championnats nationaux.
C’est ce qu’a fait Djamel Belmadi, le sélectionneur national algérien. Contrairement à ses prédécesseurs, il a rappelé des joueurs partis dans le Golfe. Son remplaçant lors de la Coupe arabe, Madjid Bougherra, a suivi la même stratégie. Les deux sélectionneurs, quand ils étaient joueurs, ont d’ailleurs passé plusieurs saisons au Qatar.
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Cette stratégie est pourtant l’une des clés de la réussite dans cette Coupe arabe pour le Maghreb, selon Patrick Juillard. « Il ne faut pas avoir une vision trop centrée sur l’Europe et les joueurs binationaux (…). L’équipe qui a gagné à la Coupe arabe est un mélange principalement entre des joueurs du championnat local et des joueurs expatriés dans le Golfe. »
On a maintenant une pluralité de profils et voire de morphotypes qui est importante et qui leur donne de la force.
Patrick Juillard journaliste à Foot 365 et consultant pour différents médias
Les équipes maghrébines sont portées par un mélange d'influences diverses, à l’origine de leur force. Elles sont unies par le maillot national et le rapport au pays d'origine.
La révélation de cette Coupe arabe, le Tunisien Hannibal Mejbri en est un bon exemple. "C'est un joueur formé en France, né en France, quand on l'interroge il parle en français. Mais il a fait le choix de la Tunisie et il se voit donner des responsabilités qu'il n'aurait pas eues s'il avait attendu l'équipe de France", nous explique Patrick Juillard.
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Le journaliste à Foot 365 parle d'une "sorte de créolisation des équipes nationales." Selon lui, cette "créolisation" s’exprimerait jusque dans le profil technique des joueurs.
« On avait l’image du football maghrébin avec de petits gabarits agiles et techniques. On a maintenant une pluralité de profils et voire de morphotypes qui est importante et qui donne de la force aux équipes », nous explique Patrick Juillard.
Toutefois, il rappelle que la Coupe arabe reste une compétition secondaire. La CAN 2021, qui devrait bien avoir lieu aux dates prévues du 9 janvier au 6 février 2022, pourrait venir confirmer cette réussite du Maghreb. L'Algérie, la Tunisie et le Maroc font en tout cas partie des favoris.