Franc CFA : le polémiste franco-béninois Kémi Séba arrêté au Burkina Faso, sa garde à vue prolongée

Le militant anticolonialiste franco-béninois Kémi Séba, fondateur et président du mouvement Urgences panafricanistes, a été condamné à "deux mois de prison avec sursis", pour "outrage" au président Roch Kaboré, au terme d’une audience en "comparution immédiate". Il a été interpellé samedi 21 décembre à la suite d'une conférence à Ouagadougou, au Burkina Faso.
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kemi seba
Kémi Séba en interview lors de la remise du prix MJA à Bamako le 16 juillet 2017
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C'était le 21 décembre 2019. Kémi Seba participe à une conférence contre le franc CFA et la présence militaire française au Sahel. Cette date coïncide avec l’anniversaire de Thomas Sankara, héros de la révolution burkinabè et ancien président, que Kémi Séba présente comme "modèle" à célébrer. Cette conférence offre une tribune libre au militant anticolonialiste, face à des journalistes et étudiants.


Acclamé à son arrivé, il a pendant plus d’une heure répondu aux questions sur la présence de la France au Sahel et sur la réforme du franc CFA. Le militant compare "la république française" à un "grand terroriste" et "[les] présidents africains" à des "terroristes endogènes", en questionnant la souveraineté des pays africains : "Je me demande s'ils ne sont pas les esclaves volontaires de l'impérialisme français", déclare-t-il.

Il assure ensuite, micro à la main, que Roch Marc Christian Kaboré est "un gruyère", et "une passoire  politique" qui devrait "prendre ses responsabilités" (à partir de la 28e minute sur la vidéo).


Mais il ne s'arrête pas là. Questionné sur la réforme du franc CFA, annoncée le jour même par les présidents ivoirien Alassane Ouattara et français Emmanuel Macron à Abidjan, Kémi Séba qualifie de “changement cosmétique” la transition vers l’Eco. Pour lui, il s’agit d’un “semi-compromis”, qui ne peut être présenté “comme une victoire”.

 

"Injure à l'encontre du chef de l'État"

"Kémi Séba a été interpellé à son hôtel dans l’après-midi du samedi par la gendarmerie nationale", a indiqué à l’AFP Hervé Ouattara, le responsable du "Front anti-CFA" qui organisait le débat.

"Au début, il a été amené à la compagnie de gendarmerie pour des raisons de sécurité parce que, semblerait-il, il y avait des jeunes du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir) qui voulaient porter atteinte à son intégrité physique", a expliqué l’avocat de Kémi Séba, Me Prosper Farama.

Plus tard, sur de nouvelles instructions du procureur, une procédure a été engagée contre lui pour "injure à l'encontre du chef de l'État", a-t-il indiqué. "On lui reproche d’avoir tenu des propos outrageants contre le président du Faso et une tentative de démoralisation des éléments engagés dans la lutte contre le terrorisme", a déclaré M. Ouattara. 

Kémi Séba "a été entendu" dimanche et "l’agent enquêteur nous a signifié qu’il allait transmettre le plus tôt possible les procès-verbaux au procureur", a ajouté Me Farama, affirmant ne pas pouvoir préciser "ce qu’il risque".

"Une notification de poursuite lui sera faite par le parquet", a déclaré à l'AFP une source sécuritaire, précisant que "M. Séba est toujours en garde à vue". "Le procureur ne l’a pas reçu et il doit encore rester sur place", fait savoir son avocat. 

Selon ses propos rapportés par son avocat, Kémi Séba se défend d’avoir utilisé volontairement certaines expressions pour “choquer”. “C’est sa manière d’interpeller en soulevant des polémiques à travers ses propos”, explique Me Farama. 

Kémi Séba, de son vrai nom Stellio Capochichi, se présente comme un "polémiste et conférencier panafricain". Il a, ces dernières années, organisé ou participé en Afrique à plusieurs manifestations hostiles au franc CFA.

Il a déjà été interpellé ou expulsé de pays africains, comme la Côte d'Ivoire, et le Bénin en mars 2019, pour “risques de troubles”, et “incitation à la haine”. En 2018, il est refoulé à son arrivée en Guinée. Auparavant, il avait été expulsé du Sénégal vers la France, pour avoir brûlé publiquement un billet de 5 000 francs CFA (7,6 euros). Il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour "incitation à la haine raciale" en France dans le passé.