France : la vente d'un masque fang jugée conforme par la justice, le Gabon débouté

La justice française a tranché : la vente aux enchères d'un rarissime masque sculpté africain pour 4,2 millions d'euros, initialement acheté 150 euros par un brocanteur à un couple d'octogénaires a été validée. Réclamant la restitution de l'oeuvre spoliée pendant la colonisation, l'Etat gabonais, tierce partie au procès, a été débouté.

 

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masque fang

Le masque Fang a été adjugé 4,2 millions d'euros à l'Hôtel des ventes de Montpellier.

AFPTV
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Le tribunal d'Alès dans le sud de la France a estimé que les propriétaires initiaux du masque, un homme de 88 ans et son épouse de 81 ans, qui avaient fait appel à un brocanteur à Montpellier pour se débarrasser des vieilleries accumulées dans leur résidence secondaire, "n'ont fait preuve d'aucune diligence pour apprécier la juste valeur historique et artistique du bien".

"Leur négligence et leur légèreté caractérisent le caractère inexcusable de leur demande", ajoute la décision, qui rejette leur demande de pouvoir annuler la vente et de récupérer le montant payé par l'acheteur, resté anonyme.

Il reste seulement une dizaine de masques fang dans le monde

Parmi ces objets apparemment sans valeur se trouvait un masque en bois sculpté ayant appartenu à un aïeul, ancien gouverneur colonial en Afrique, qu'ils allaient finalement brader 150 euros en septembre 2021, en même temps que des lances, un couteau à circoncire, un soufflet et des instruments de musique.

Le brocanteur n'avait aucune connaissance spécifique en matière d'art africain.

Jugement du tribunal d'Alès

À l'occasion d'une vente d'objets d'art africain, le brocanteur avait pris attache avec l'Hôtel des ventes de Montpellier (sud) qui, après des analyses poussées ayant permis de dater ce masque Fang du XIXe siècle. Il en avait estimé la valeur à entre 300.000 et 400.000 euros. Les premières estimations demandées par le brocanteur étaient entre 100 et 600 euros.

Ce masque n'est pas une objet anodin. Son esthétique a influencé des artistes comme Picasso ou Modigliani. Il n'en resterait qu'une dizaine dans le monde. Haut de 55 centimètres, en bois, le masque a une très belle patine kaoline.

Le tribunal a donc estimé qu'il n'était pas démontré que le brocanteur, "antérieurement à la vente, (...) avait connaissance de la valeur singulière du masque vendu".

Rejet de la demande du Gabon.

Le brocanteur en avait fixé le prix "en s'appuyant sur des sites Internet dédiés" et sur des avis de commissaires priseurs "qui ne voulaient pas de l'objet", avait précisé lors du procès fin octobre Me Patricia Pijot, son avocate, soulignant que son client "n'est pas un professionnel de l'estimation ni de l'art africain".

Le brocanteur "n'avait aucune connaissance spécifique en matière d'art africain", a confirmé le tribunal dans son jugement. Intervenue à l'audience pour réclamer l'annulation de la vente et le rapatriement du masque, la République gabonaise a vu sa demande jugée irrecevable par le tribunal.

Le catalogue de la salle des ventes de Montpellier lors de la vente précisait que cet objet rare avait été «collecté vers 1917, dans des circonstances inconnues, par le gouverneur colonial français René-Victor Edward Maurice Fournier (1873-1931), probablement lors d'une tournée au Gabon ».

Le Collectif Gabon Occitanie s'était également saisi de l'affaire et avait porté plainte. L'association de la diaspora de cette région du sud de la France réclame toujours le retour du masque au Gabon.