France - Maroc : quelles relations diplomatiques ?

Après deux jours de pourparlers à Paris entre les ministres de la Justice français et marocain, Rabat a appelé "à tourner la page" de la crise diplomatique entre le Maroc et la France qui dure depuis un an environ. Les deux pays ont signé un accord qui rétablit leur coopération judiciaire. Elle était jusqu'alors suspendue après les plaintes déposées en France contre de hauts responsables marocains. Retour sur les événements. 
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France - Maroc : quelles relations diplomatiques ?
Le premier ministre marocain Abdelilah Benkirane et le président Francois Hollande à l'Elysée, à Paris, le 6 décembre 2013. © AP
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Il y a près d'une semaine, le Premier ministre français Manuel Valls déclarait devant l'Assemblée nationale : « La France est l’ami du Maroc et le Maroc est l’ami de la France ». Ce weekend, c'est le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, qui a appelé à "tourner la page" de la crise diplomatique entre son pays et la France. 
En effet, depuis un an environ, les deux Etats entretiennent des relations tendues. « Ce n'est pas une crise banale, surtout entre deux pays qui ont toujours connu un très haut niveau de relation », assure Pierre Vermeren, historien spécialiste du Maghreb. 
La brouille a pour origine une plainte de l’ONG française ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, active en France et dans le monde) contre Abdellatif Hammouchi, chef des services de renseignement marocains, accusé de torture par des opposants. Le 20 février 2014, la police française se rend à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris pour lui notifier une demande d’audition de la justice française à Monsieur Hammouchi. C'est le point de départ de la crise.
Reprise de la coopération
En réaction à cet événement, et au fait que la France ne soit pas passée par les canaux diplomatiques, le Maroc décide, en février dernier, de suspendre sa coopération judiciaire avec l’Hexagone. Celle-ci vient d'être rétablie au terme de deux jours de pourparlers entre les ministres français et marocain de la Justice. « Au-delà des « mauvaises manières », la descente policière chez l’ambassadeur donne un signal : tout un tas de protections dont bénéficiait le Maroc peuvent désormais tomber », déclare à l’AFP Pierre Vermeren.   
La brouille s’est ensuite envenimée après plusieurs autres plaintes, ainsi que certains gestes inamicaux. En mars 2014 par exemple, lors d'un transit à l'aéroport parisien de Roissy Charles De Gaulle, le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, se fait fouiller inopinément, malgré son passeport diplomatique. Un acte vécu comme une humiliation de la part du Maroc et qui oblige Laurent Fabius a présenter ses excuses à M. Mezouar 
Présent le 11 janvier dernier à Paris pour la cérémonie d’hommage aux victimes de Charlie Hebdo, M.Mezouar a, par ailleurs, refuser de prendre part à la marche républicaine à cause de « caricatures blasphématoires du prophète » présentes dans le cortège. « La question du blasphème est très importante en France. Au Maroc, ce droit au blasphème n'existe pas », souligne Pierre Vermeren. 

Le décryptage de Slimane Zeghidour

30.01.2015Présentation : Mohamed Kaci / Editoraliste : Slimane Zeghidour
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Tous ces événements ont également entaché la coopération sécuritaire entre le Maroc et la France, alors que les deux pays sont engagés dans la lutte contre djihadisme. « Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il faut une coopération : plusieurs milliers de jeunes français et marocains combattent au Moyen Orient, dont plusieurs centaines de franco-marocains ou résidents en France. Si la France ne coopère ni avec les autorités syrienne, ni avec les autorités marocaines sur ce terrain-là, la situation sera négative pour tout le monde », affirme Pierre Vermeren. Salaheddine Mezouar vient de confirmer un rétablissement de cette lutte antiterroriste commune. 
Pour George Morin, spécialiste du Maghreb, interrogé par l’AFP, « en plus de ces couacs, le gouvernement français cumule malgré lui deux 'défauts' aux yeux de Rabat. Il a un président socialiste et ce dernier est considéré comme un 'pro-algérien'. Le Maroc a toujours préféré voir la droite française au pouvoir. Il se sent plus proche des valeurs défendues par les partis conservateurs ». Ces "tensions anciennes" entre une partie du parti socialiste français et la monarchie marocaine, Pierre Vermeren les confirme.  
Autre problème pour la France selon George Morin : savoir se positionner vis-à-vis des pays de la région. « Pour tous les présidents français, en fait, le souci a été le même : savoir séduire le Maroc sans vexer l’Algérie, et savoir séduire l’Algérie sans vexer le Maroc ».
Rapprochement franco-algérien 
Depuis la visite du président français François Hollande à Alger en décembre 2012, les deux pays mettent de côté le passé et tentent un rapprochement. Mais ce rapprochement est vu d'un très mauvais oeil par le Maroc, en conflit avec son voisin algérien depuis des décennies sur le sujet du Sahara occidental. « A l’origine, il y a une relation très forte entre la France et le Maroc et, de fait, ce rapprochement crée des tensions », note Pierre Vermeren. 
Alliés de longue date 
Le Maroc et la France sont, en effet, des alliés de longue date. Mais selon Pierre Vermeren, « la relation s’est distendue. Pendant 20 ans, le France a eu des égards très particuliers pour le Maroc. Ce n’est plus le cas. » Pourtant, les liens économiques, culturels et humains entre les deux pays sont nombreux. Paris est le premier partenaire économique du royaume où vivent entre 60 000 et 80 000 Français tandis que plus de 1,3 millions de Marocains résident en France.