Quelle succession ?
Peut-on imaginer l'après-Bongo sans Bongo ? En tout cas sans son système, mélange de clientélisme et de corruption, assurant à son initiateur une cohabitation sans vagues pendant quatre décénnies. Omar Bongo laisse un pays économiquement exangue et politiquement corrompu. Le Gabon saura-t-il tourner la page, ou s'embourbera-t-il dans un chaos politique inédit ?
“Tous ceux que Bongo a arrosé de sa générosité de corrupteur vont tout faire pour maintenir ce système“
Entretien avec Eyoum Ngangué, journaliste camerounais, fondateur de la JAFE, Journalistes Africains en Exil.
Quel bilan tirez-vous des 41 ans de présidence d’Omar Bongo ? C’est un bilan globalement négatif. Un règne comme celui-ci qui dure trop longtemps ne peut pas apporter grand-chose. C’était un pouvoir personnel, autocratique. Il ne pouvait pas résoudre les problèmes d’un peuple. C’était une démocratie de façade, une démocratie cosmétique. Il a créé un système avec une classe de privilégiés qui vivait grâce à lui, qui lui devait tout. Il a notamment transformé son village natal en Bongoville. C’était une vraie dictature bananière. Il y avait beaucoup de paraître. On a brassé beaucoup d’air pendant 41 ans mais sans résultat. On a aussi dit de Bongo que c’était un homme de paix. C’est faux. On se souvient par exemple que Bongo a aide à ravitaillé les sécéssionnistes du Biafra au début des années 60. Comment se porte le Gabon aujourd’hui, économiquement, socialement ? Le Gabon est un pays très peu peuplé et très riche. On aurait pu s’attendre à mieux. Mais le pays s’est appauvri, n’a pas ou très peu d’infrastructures, à part celles financées par les étrangers. La réalité n’est pas brillante. A l’époque de Bongo, chaque gabonais aurait pu avoir un baril de pétrole si les richesses avaient été distribuées correctement. Aujourd’hui il ne reste presque plus de pétrole au Gabon. Mais il y a encore des matières premières, comme le bois, la manganèse, le fer, mais qui ne sont pas encore exploitées. S’il y avait eu sous Bongo un débat sur la gestion des richesses ça aurait été différent. La population a délaissé des secteurs essentiels comme la pêche et l’agriculture pour l’appât du pétrole. Résultat, les gabonais se sont appauvris en 41 ans. Aujourd’hui ils consomment des produits venant du Cameroun et de France, vendus très cher. Libreville est d’ailleurs dans le top 3 des villes les plus chères d’Afrique, alors qu’il y a aussi des bidonvilles infects. Qui sont les candidats à la succession de Bongo ? Son fils Ali Ben Bongo est-il le favori ? Enfin, à votre avis, cette succession se fera-t-elle de manière légale ? Je ne pense pas qu’il y aura des élections libres. Ce sera une succession à la togolaise, dans la famille, et ce sera très grave pour le pays. Cela va endormir le Gabon, ils ont déjà perdu 42 ans, l’enjeu est trop grand. Mais tous ceux que Bongo a arrosé de sa générosité de corrupteur, au Gabon et à l’extérieur, vont tout faire pour maintenir ce système Bongo. Ali Ben Bongo a été préparé pour la succession. Il est Ministre de la Défense depuis 10 ans, député–maire de Bongoville et président de la Communauté islamique du Gabon. C’est une situation très monarchique qui semble arranger les puissances occidentales. Propos recueillis par Laure Constantinesco 22 juin 2009
La présidence Bongo : “un lavage de cerveau pendant 42 ans“
Il est "le" blogueur de Libreville.
Grégory Ngbwa Mintsa n'appartient à aucun parti politique, mais sur son blog, il ose dire tout le mal qu'il pense du régime de feu Omar Bongo. Une position qui le rend bien seul au Gabon surtout en cette période d'unanimisme nécrologique.
Entretien accordé à Jean-Luc Eyguesier, Ivana Jurisa et Olivier Dali 18 juin 2009 - 4'21 “Au-delà du front de mer et des voitures de luxe, allez voir comment vivent les gabonais !“
Peu de gabonais osent tirer un bilan critique des années Bongo, même dans le principal parti d'opposition, l'Union du peuple gabonais. Il n'est guère que Grégory Ngbwa Mintsa, un blogueur qui a porté plainte dans l'affaire des "biens mal acquis", pour avoir un discours tranché sur le règne du président. Reportage à Libreville de Jean-Luc Eyguesier, Ivana Jurisa et Olivier Dali 18 juin 2009 - 1'48
Analyses
Quelle succession ?
Les réponses de Vincent Hugeux, grand reporter à l'Express
Peut-on imaginer l'après-Bongo sans Bongo ? La question taraude depuis la disparition du président gabonais. Pour lui succéder, on cite les membres de la caste familiale (Ali et Pascaline Bongo, ses enfants), et quelques caciques ambitieux du régime. Que deviennent les opposants radicaux au défunt président ? 9 juin 2009
La fin d'une époque ?
Les réponses de Jean-Baptiste Placca, journaliste et chroniqueur à RFI
Après quarante ans de règne sans partage, peut-on partir sans laisser de trace ? Les gabonais ont-ils désormais la possibilité de désigner leur futur dirigeant ? La succession est ouverte. Et la Françafrique ? Que restera-t-il de ce vieux réseau très controversé ? 9 juin 2009
Chiffres - clés
Age moyen de la population : 18,6 ans Espérance de vie : 53 ans Mortalité infantile : 51,78 décès pour mille naissances. 85% de la population vit en zone urbaine. 74% de la population a accès à l'eau potable. 37% de la population est analphabète. 5,9% de la population est atteinte du virus du sida. 25% de la population vit sous le seuil de pauvreté (moins de deux dollars par jour). 21% de la population est au chômage. Le secteur du pétrole recouvre plus de 50% du PIB. Indicateur de développement humain : 119ème place sur 177 Source : CIA, PNUD