Fil d'Ariane
Il a été désigné vendredi 18 août candidat unique de l'opposition gabonaise en vue de l'élection présidentielle prévue le 26 août prochain. Ancien ministre de l’Éducation sous Omar Bongo, ce professeur d'économie de 69 ans est présenté par ses soutiens comme un "intellectuel de haut vol déterminé". Portrait
Libreville, vendredi 18 août 2023. Albert Ondo Ossa, au centre de l'image, a été désigné candidat "consensuel" de l'opposition au Gabon pour la présidentielle de 2023. Il affrontera le président sortant Ali Bongo lors du scrutin du 26 août prochain.
Les vacances scolaires durent jusqu’au 29 août au Gabon. Pourtant, ce samedi, le collège Ntchoréré de Libreville est rempli. Tôt ce matin, l’établissement a été investi par les membres du Coted, le consortium des organisations de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon.
C’est là qu’ils ont décidé de présenter le candidat unique de l'opposition pour l’élection présidentielle prévue le 26 août prochain. Il s’agit d’Albert Ondo Ossa. Agé de 69 ans, il a été choisi vendredi 18 août pour faire face au président sortant Ali Bongo.
"Je suis particulièrement ému et je voudrais remercier tous les présidents de partis", a-t-il déclaré après l’annonce de sa victoire, promettant de représenter "tous ceux qui ont souffert de ce système".
Albert Ondo Ossa est originaire du Woleu-Ntem, l'une des neuf provinces du Gabon située dans le nord du pays et frontalière du Cameroun et de la Guinée équatoriale. Catholique pratiquant, il est marié et père de cinq enfants. Après avoir entamé des études supérieures au Gabon, il s’installe d’abord en France pour suivre un doctorat en sciences économiques puis au Sénégal, où il devient professeur agrégé d’économie. À son retour à Libreville au début des années 80, Albert Ondo Ossa enseigne cette même matière à l'université de Libreville Omar Bongo Ondimba.
À ce titre, l’intéressé a publié de nombreux rapports sur l’avenir de l’économie africaine, notamment pour le compte de l’Unicef ou encore la banque des États de l'Afrique centrale (BEAC). “C’est un intellectuel de haut vol. Quand on travaille avec lui, on apprend beaucoup de choses”, loue son principal soutien Marc Ona Essangui. Le fondateur de l'ONG environnementale Brainforest côtoie Albert Ondo Ossa depuis la dernière campagne présidentielle de 2016. Aujourd’hui, il le présente même comme “un expert des questions économiques et sociales”.
Albert Ondo Ossa lors d'un point presse
Cette année, l'opposition gabonaise s'est réunie autour d'Alternance 2023, une coalition des principaux partis chargée de désigner un candidat commun pour le scrutin du 26 août. Une initiative lancée pour éviter la dispersion des suffrages dans une élection où s'affrontent pas moins de 18 prétendants.
Désigné parmi six autres figures issues des principaux partis de l’opposition au Gabon, Albert Ondo Ossa est aujourd'hui présenté comme un “candidat consensuel”. Mais son nom ne faisait pourtant pas partie des favoris. Dans cette course pour représenter l'opposition à la prochaine présidentielle, Albert Ondo Ossa était notamment opposé à trois ex-ministres. Alexandre Barro Chambrier, représentant du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), Paulette Missambo, de l'Union nationale (UN), Raymond Ndong Sima, ancien Premier ministre d'Ali Bongo.
Après plusieurs semaines de tractations, tous les membres de la coalition d'opposition se sont engagés à retirer leur candidature au profit d’Albert Ondo Ossa, a assuré le président d'Alternance 2023, François Ndong Obiang, après l’annonce du nom du vainqueur.
Une annonce qui a étonné jusqu’aux plus proches de l’opposant. “C’est vrai que c’était une surprise. Il n’était pas du tout favori. On ne s’attendait pas à ce que ce soit lui”, confirme son soutien Marc Ona Essangui. Et selon lui, “Albert est consensuel parce que c’est quelqu'un de déterminé. C’est un universitaire, c’est un expert, c’est une figure emblématique. C’est pour ça que tous les autres candidats l’ont choisi lui”.
En février dernier, un forum de concertation avait permis de modifier la Constitution. La principale évolution concerne la durée du mandat présidentiel au Gabon, passant de sept à cinq ans. Cette réforme constitutionnelle instaure également un scrutin à un tour unique.
Dès lors que je serai élu, je dissoudrai le parlement pour convoquer les électeurs à de nouvelles législatives.
Albert Ondo Ossa, candidat de l'opposition à la présidentielle
Le projet porté par l’exécutif gabonais a été massivement rejetée par les principaux dirigeants de l'opposition. Ses détracteurs avaient dénoncé une manœuvre destinée à faciliter la réélection d'Ali Bongo à l’aide d’une majorité relative. "Dès lors que je serai élu, je dissoudrai le Parlement pour convoquer les électeurs à de nouvelles législatives", a assuré Albert Ondo Ossa à nos confrères de l'AFP, évoquant également sa volonté de réviser la Constitution.
S’il est élu, Albert Ondo Ossa promet de décentraliser le pouvoir. Dans son programme pour la présidentielle, il entend accorder plus de pouvoir aux “assemblées départementales, élus locaux, maires, chefs de regroupement et de village”. “Il veut que les Africains puissent prendre leur destin en mains”, renchérit Marc Ona Essangui.
Albert Ondo Ossa a été désigné candidat du consensus de l'opposition.
Aujourd'hui figure phare de l'opposition gabonaise, cet universitaire a été ministre de l’Éducation et de l'Enseignement supérieur de l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba. Décédé en 2008, le père de l’actuel président du pays a dirigé le Gabon pendant quatre décennies.
“Cela n’a rien d’étonnant”, tranche catégoriquement Marc Ona Essangui lorsqu'il est interrogé sur le parcours politique d’ Albert Ondo Ossa. Selon cette figure de la défense de l'environnement au Gabon, “quasiment toute l’opposition gabonaise a servi la famille Bongo”. "La seule différence, c’est que lui, quand il a été nommé ministre, c’est parce que c’était un expert. Et puis de toutes les façons il l’a quitté, ce gouvernement et il n’est plus jamais revenu”, achève Marc Ona Essangui.
Le 8 juin 2014, Albert Ondo Ossa réchappe de peu à une violente attaque au couteau alors qu’il se trouve dans sa voiture à Libreville. "Il avait les intestins presque dehors. Le choc était très violent. Ils l’ont fait dans le but de le tuer", rapporte à l’époque un témoin interrogé par le site gabonais d’informations Libreville.com
En 2016, lors de la dernière élection présidentielle, Albert Ondo Ossa devient président de la plateforme Union sacrée pour la victoire. À l'époque, la coalition de l'opposition voulait empêcher l’actuel dirigeant Ali Bongo de briguer un second mandat.
Si le scrutin présidentiel prévu le 26 août concentre l'attention, des élections législatives et locales se tiendront simultanément le 26 août. Un décret paru début août instaure un "bulletin unique" pour toutes ces élections.
Avec ce système, les électeurs voteront une seule fois pour ces deux scrutins. Autre nouveauté : ils se positionneront obligatoirement en faveur d'un candidat à l'élection présidentielle et d'un candidat à l'élection législative issus du même parti, selon les informations transmises par le Centre gabonais des élections (CGE) à nos confrères de l'AFP.
L'opposition, vent-debout contre cette réforme, l'a critiqué d'une même voix. Elle dénonce notamment une violation de la "séparation des pouvoirs". "L'adoption d'un bulletin unique viole la liberté de choix de nombreux électeurs", a par exemple fustigé le président d'Alternance 2023 François Ndong Obiang, vendredi 18 août.
Les détracteurs de la réforme ont déposé des recours devant la Cour constitutionnelle pour faire part de leur mécontentement. Tous ont été rejetés lundi 14 août.
Comme en 2016, les principaux ténors de l'opposition gabonaise ont opté, sept ans plus tard, pour l'union. Une opposition gabonaise qui avançait jusqu'à présent en ordre dispersé. Notamment depuis la défaite in extremis de leur ancien leader Jean Ping lors du dernier scrutin présidentiel face à Ali Bongo. L’actuel dirigeant gabonais de 64 ans avait été élu pour la première fois en 2009 à la mort de son père Omar Bongo et réélu de justesse en 2016.
Nous devons avoir des élections sans mort.Albert Ondo Ossa, candidat de l'opposition à la présidentielle
Le résultat de l'élection était si serré que la contestation avait été sans précédents. Au lendemain du scrutin de 2016, des violences dans la capitale Libreville avaient fait au moins cinq morts selon le gouvernement, mais une trentaine, tués par balles par les forces de l'ordre, selon l'opposition.
"Nous devons avoir des élections sans mort (...)", a exhorté Albert Ondo Ossa. "Le Gabon et les Gabonais ont payé de leur sang. C'est le moment ou jamais, nous devons gérer le pays autrement", a ajouté le désormais principal rival d'Ali Bongo.