Gabon : Sylvie Nkoghe-Mbot dénonce les violences post-électorales et disparaît

Le 6 octobre 2016, Sylvie Nkoghe-Mbot, co-auteure d’un rapport sur les violences post élections présidentielles, est arrêtée au Gabon. Depuis, sa famille est sans nouvelle. Pourquoi ?
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Violences Gabon 2016
Devant un bâtiment gouvernemental après une manifestation post-électorale à Libreville, au Gabon, le 1er septembre 2016.
© AP Photo/Joel Bouopda
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Sylvie Nkoghe-Mbot, 56 ans, médecin, présidente de l’ONG Hippocrate, n’a plus donné signe de vie depuis son interpellation jeudi 6 octobre 2016. D’après sa soeur, Dominique Nkoghe, elle serait détenue à la Direction générale de la contre-ingérence de la sécurité militaire, communément appelée « B2 » : «  Je le sais, quelqu’un sur place me l’a dit », affirme-t-elle à RFI, expliquant s’y être rendue à deux reprises, à chaque fois refusée pour visites non autorisées. 

Son interpellation est intervenue seulement quelques jours après la libération de Jean-Rémy Yama, président de la confédération syndicale Dynamique unitaire (DU), dont est membre Sylvie Nkoghe-Mbot. Le mouvement avait appelé à voter pour l'opposant d'Ali Bongo, Jean Ping, aux dernières élections présidentielles fin août 2016. 

Le problème ? Les raisons de sa détention sont inconnues. Mais d’après son avocat français, Maître Eric Moutet, contacté par RFI, « son arrestation et sa mise sous silence ne fait aucun doute ». Elles seraient directement liées à la publication le 8 septembre 2016, d’un rapport co-rédigé par Sylvie Nkoghe-Mbot, sur les violences post-électorales
 

Que raconte ledit rapport ?


Ce rapport fait état d’exactions qu’auraient commises la Garde républicaine lors des émeutes qui ont secoué le pays, après la réélection contestée du président sortant Ali Bongo Ondimba le 31 août. 

Alors que la version officielle annonce trois morts, le document rapporte six personnes tuées, plusieurs autres blessées, avec photos à l’appui qui seraient issues essentiellement de centres hospitaliers et des maisons mortuaires de la capitale, Libreville.

Il précise que cette liste est loin d’être exhaustive et que le bilan reste provisoire. Et note que d’autres victimes auraient été « immédiatement récupérées et dissimulées par les forces de l’ordre encagoulés. » 

« Il urgent que la communauté internationale réagisse afin d’abréger les souffrances des populations totalement impuissantes face à cette escalade de violence entretenue par le pouvoir en place, juste pour avoir voulu manifester pacifiquement pour réclamer sa victoire avérée et connue de tous, à l’intérieur et à l’extérieur du pays », déclare les auteurs en fin de rapport.
 
Capture écran Gabonreview
Les médias gabonais s'inquiètent de la disparition de Sylvie Nkoghe-Mbot, comme ici le journal Gabonrview. 
© Gabonreview/capture d'écran

 

En direction de la CPI

 

Le rapport en question a été remis à Maître Emmanuel Altit, en charge du dossier instruit à la Cour pénale internationale (CPI) pour le compte de Jean Ping, dont est proche la portée disparue. D'après l'avocat français Eric Moutet, ces témoignages et constats des violences seront très vite déposés sur le bureau des juges de la CPI. Un élément qui alimente un peu plus «  la crainte des autorités (gabonaises) », poursuit-il. 

Depuis le début des violences post-électorales, un millier de personnes ont été arrêtées. Et environ 70 personnes, dont plusieurs figures de l’opposition, étaient toujours détenues fin septembre, a indiqué une source judiciaire à l’AFP. De quoi inquiéter un peu plus les proches de Sylvie Nkoghe-Mbot.