Fil d'Ariane
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C’est donc pour convaincre Yahya Jammeh de quitter le pouvoir que quatre chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest lui ont rendu visite mardi 13 décembre. Mais après une journée de discussions, la délégation de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a reconnu qu'aucun accord n'avait encore été obtenu sur le départ du président.
Our meeting with President Yahya Jammeh, at the State House pic.twitter.com/y6EHp5RG1Z
— Muhammadu Buhari (@MBuhari) 13 décembre 2016
Cette délégation de la Cédéao était conduite par la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et comprenait le président nigérian Muhammadu Buhari, le Ghanéen John Dramani Mahama battu à la dernière présidentielle et le chef de l’Etat sierra-léonais Ernest Bai Koroma. Le représentant spécial de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, participait également à la mission.
En cas d'échec de la diplomatie préventive, la Cédéao envisagera des décisions plus draconiennes
Marcel Alain de Souza, président de la Commission la Cédéao
"Nous ne sommes pas venus pour un accord, nous venons aider les Gambiens à organiser la transition. Ce n'est pas quelque chose qui peut aboutir en un seul jour, il faut y travailler", a déclaré Mme Sirleaf, affirmant que la mission allait rendre compte de ces discussions lors du sommet de la Cédéao, samedi 17 décembre, à Abuja.
Dans la région, le président sénégalais Macky Sall a également appelé "au respect du choix du peuple ami et souverain, dans la paix et le dialogue". L'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power, a estimé qu'il s'agissait d'un "moment très dangereux" pour ce petit pays de moins de deux millions d'habitants, en raison notamment du soutient dont jouit encore dans l'armée le président sortant.
En cas d'échec de la "diplomatie préventive", la Cédéao "envisagera des décisions plus draconiennes", a assuré sur RFI le président de la Commission de l'organisation régionale, Marcel Alain de Souza, sans écarter l'option militaire.
En #Gambie j'en appelle au respect du choix du peuple ami et souverain, dans la paix et le dialogue
— Macky SALL (@Macky_Sall) 10 décembre 2016
Je pense que Yahya Jammeh était sincère au début. Ce n’est pas un démocrate avéré, donc il aurait pu manipuler les choses dès le début. Il aurait pu, comme il en a l’habitude, mettre les gens en prison, tripatouiller les résultats. Là, il est allé jusqu’à reconnaître sa défaite en appelant son adversaire au téléphone, en souhaitant le meilleur pour la Gambie… Je pense qu’il y avait une part de sincérité. Mais certaines imprudences des partisans d’Adama Barrow qui promettaient la CPI à Jammeh, une chasse aux sorcières... l'ont convaincu de changer d’avis.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1994, Yahya Jammeh avait été élu une première fois en 1996, puis largement réélu tous les cinq ans depuis. Durant 22 ans, il a tenu le pays d’une main de fer.
Son régime est accusé par de nombreuses ONG et associations de disparitions forcées, de harcèlements de la presse et des défenseurs des droits de l’homme. Dans son rapport annuel 2015-2016, Amnesty International pointait justement du doigt ces violations des droits de l’homme.
Preuve de son autorité, lors de l’élection présidentielle du 1er décembre, Internet était coupé et les télécommunications fortement perturbées. Une manière d’empêcher la diffusion de résultats non-officiels.
Cependant, certains Gambiens reconnaissent qu’il a œuvré dans les domaines de l’éducation et de la santé.
C'est une erreur de la part des adversaires de promettre l'enfer à Yahya Jammeh. Les "faucons du système" se sont engouffrés dans cette brèche pour avertir l’actuel président sur les risques qu’il encourait en partant ainsi du pouvoir. Ils l’ont fait changer d’avis. Ce travail a été effectué avec beaucoup d’ardeur et de détermination par l’ensemble du système Jammeh : forces armées, services de renseignements qui sont très puissants, l’appareil sécuritaire, etc… Jammeh n’a eu aucun autre choix que de changer d’avis.
La communauté internationale aussi a été imprudente. Elle aurait dû très vite apporter des garanties au président sortant et lui vendre l’idée qu’on va lui trouver un sauf-conduit, qu’on va l’aider à partir du pays…
Charles Taylor (ancien président du Libéria, ndlr) a été convaincu de quitter le pouvoir parce qu’on lui avait promis qu’on ne lui ferait rien. Il s’est retrouvé en exil au Nigeria et c’est à partir de ce pays qu’il avait été arrêté puis poursuivi. On aurait pu avoir la même stratégie pour Jammeh : lui vendre l’idée qu’il n’allait rien lui arriver, user d'un subterfuge pour le convaincre de quitter le pouvoir. Mais tout cela n’a pas été fait et on se trouve dans cette situation dont on ne connaît pas l’issue.
Je ne suis pas sûr que l'on puisse convaincre Yahya Jammeh