Génocide des Tutsi au Rwanda : feu vert à la remise de Félicien Kabuga à la justice internationale

La justice française a émis un avis favorable sur la remise à la justice internationale de Félicien Kabuga. Celui qui est accusé d'être le "financier" du génocide des Tutsi au Rwanda a été arrêté le 16 mai dernier en banlieue parisienne. Il tente d'être jugé en France après plus de 25 ans de cavale.
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Félicien Kabuga
L'avis de recherche de Félicien Kabuga sur le site du département d'Etat américain.
© Libre de droit
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La justice française a émis un avis favorable le 3 juin sur le transfert de Félicien Kabuga vers le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI) afin qu'il y soit jugé pour génocide et crimes contre l'humanité commis entre avril et juillet 1994.

Le MTPI est la structure chargée d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

L'octogénaire, longtemps l'un des fugitifs les plus recherchés au monde, invoque son état de santé et la crainte d'une justice partiale pour refuser son transfert à Arusha, en Tanzanie, où siège le tribunal de l'ONU qui doit le juger pour génocide et crimes contre l'humanité.

Ce dernier, assis sur une chaise roulante, est resté impassible à l'énoncé de la décision, demandant seulement où il pouvait être transféré. "Je m'attendais à cette décision, on est dans un contexte extrêmement politique", a déclaré à la presse Me Laurent Bayon, un de ses avocats, à l'issue du délibéré.

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Félicien Kabuga a été arrêté le 16 mai près de Paris, après 25 ans de cavale. Ses avocats qui veulent qu'il soit jugé en France, ont annoncé saisir la Cour de cassation, qui aura deux mois pour se prononcer. En cas de rejet, il y aura encore un délai d'un mois pour le remettre au MTPI.

Lors de l'audience du 27 mai, les avocats de l'homme d'affaires avaient demandé à la justice de suspendre sa décision pour transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Selon eux, la loi française viole la Constitution en ne prévoyant pas un contrôle plus approfondi des mandats d'arrêt de la justice internationale.

Félicien Kabuga est notamment accusé d'avoir créé, avec d'autres individus, les milices hutu Interahamwe, principaux bras armés du génocide des Tutsi de 1994 qui fit, selon l'ONU, 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi. Et d'avoir mis sa fortune à contribution pour acheminer des milliers de machettes aux miliciens.

Mais l'ancien président de la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui diffusa des appels aux meurtres des Tutsi, conteste l'intégralité des sept chefs d'inculpations.
 

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Controverse sur son état de santé

"Tout cela ce sont des mensonges. Les Tutsi, je les ai aidés dans tout ce que je faisais, dans mes affaires, je leur faisais crédit. Je n'allais pas tuer mes clients", a déclaré Félicien Kabuga, à l'audience du 27 mai.

Lors des deux heures et demi de débats, le vieil homme, âgé de 84 ans selon le mandat d'arrêt, de 87 ans selon lui, est resté assis sur un fauteuil roulant au centre de la salle, à proximité de sa famille, quasi immobile, mais régulièrement contraint d'ôter son masque pour cracher et se moucher.

L'état de santé de Félicien Kabuga, qui a subi l'an dernier une ablation du côlon dans un hôpital parisien et souffre de "délires" selon ses avocats, est d'ailleurs au coeur des contestations de la défense.

Le Président du collectif des parties civiles, Alain Gautier, s'inquiète que le procès de Félicien Kabuga n'ait pas lieu en raison de son état de santé.

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Celle-ci met en avant le cas de sept accusés du TPIR mal soignés, dont un décédé avant son procès. Outre les maladies endémiques et l'état du système de santé tanzanien, les avocats invoquent aussi la crise sanitaire liée au Covid-19.

Pour tenir compte de la pandémie, le procureur du MTPI avait d'ailleurs demandé à un juge de modifier le mandat d'arrêt pour organiser une remise du suspect à l'antenne du tribunal international de La Haye, aux Pays-Bas. Requête refusée, ce qui n'empêche toutefois pas une escale dans cette ville, le temps d'organiser un transfert sûr vers la Tanzanie.

Enfin, les avocats de la défense craignent que, une fois en Tanzanie, le MTPI ne décide de remettre leur client aux autorités rwandaises, contournant ainsi le refus de la France de livrer les suspects du génocide à Kigali.

C'est pourquoi la défense a écrit mardi 2 juin au MTPI pour lui demander officiellement de se dessaisir au profit de la justice française, qui a déjà jugé et condamné trois génocidaires.