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Propos recueillis par Mohamed Kaci
© TV5MONDE
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Génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 : "ce que la France a fait est inacceptable"

Dans son dernier livre "Rwanda, la fin du silence" l'ex-officier français Guillaume Ancel revient sur les menaces qu'il a reçues depuis qu'il a rompu l'omerta sur le dossier sensible du rôle de la France durant le génocide des Tutsis. L'ancien lieutenant-colonel raconte en détail le déroulement de sa mission entre le 25 juin et 5 août 1994, ainsi que les "errements" de cette intervention militaire controversée.

Dans son livre "Rwanda, la fin du silence", Guillaume Ancel (qui a quitté l'armée de terre en 2005 pour rejoindre le monde des entreprises) pointe notamment les menaces dont il a été la cible. Car il estime qu'après le "temps du secret opérationnel", il faut -"comme les anglo-saxons"- faire preuve de transparence, il raconte qu'on a essayé de l'empêcher de parler.

De parler de quoi ? De ce qu'il considère comme un soutien de la France au gouvernement génocidaire, celui du président assassiné Juvénal Habyarimana. Soutien notamment sous la forme de distribution d'armes, y compris jusque dans des camps de réfugiés au Zaïre voisin, l'actuelle République démocratique du Congo.
Pour quelles raisons ? Mystère, selon Guillume Ancel qui met en cause tout particulièrement Hubert Védrine, conseiller à la présidence française au moment du génocide. Celui qui sera par la suite ministre des Affaires étrangères raconte "des fables" selon l'ancien officier qui ne comprend pas que, 24 ans après les faits, la France s'obstine à parler d'opération humanitaire à propos de l'opération Turquoise.
Aujourd'hui, par le biais de ce livre, et malgré les menaces, Guillaume Ancel parle donc. Car, dit-il, "on ne pourra plus effacer mon témoignage".

Entre la France et le Rwanda, 24 ans de bataille diplomatique

Entre Kigali et Paris, des divergences et surtout des accusations. A Kigali, le pouvoir FPR de Paul Kagame ne pardonne pas à la France son attitude et ses dénis.
 

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Récit : Sophie Roussi, montage : Hervé Garcia


Pourquoi 24 ans après le génocide des tutsis, autant de zones d'ombres, d'accusations et contre-accusations, de plaintes, d'enquêtes entourent-elles toujours les relations entre la France et le Rwanda? Pourquoi le rôle du gouvernement français dans ce pays meurtri en 1994 reste-il tabou et polémique ?

Aucun pays n'est assez puissant - même s'il pense l'être - pour changer les faits, après tout les faits sont têtus.

Paul Kagame, avril 2014

Dans sa ligne de mire la France. Mais de quels faits parle Paul Kagame?
Pour certains chercheurs journalistes ou témoins la France aurait été complice au minimum d'avoir fermé les yeux au pire d'avoir soutenu le régime génocidaire. 
Sur ces images les forces françaises déployées sous mandat onusien. Quelle est leur mission exacte ? Le général Jean-Claude Lafourcade raconte : "La France a fait le maximum pour sauver, protéger les populations. Il a fallu un courage politique fort au président Mitterrand, pour engager la France dans une opération difficile, en toute impartialité, avec un mandat de l'ONU. Et pour les soldats, qui étaient sur le terrain, c'était très compliqué."

Bisesero, juin 94 : sur cette colline des centaines de Tutsis se terrent. Ils croisent des soldats de l'armée française et leur demandent de l'aide. Les Français mettront plusieurs jours avant de revenir les sauver, faute d'ordre. Pourtant certains soldats désobéiront.
 

Lorsqu'on est soldat et qu'on désobéit, c'est un acte important qui est accompli. Ces gens-là ont été extrêmement courageux, beaucoup ont quitté l'armée après le Rwanda. En revanche les Officiers, les donneurs d'ordre, eux, qui ont assumé une forme de collaboration avec les tueurs, ont tous été promus.

Patrick de Saint Exupéry, journaliste

Autre accusation portée à l'encontre de la France, des miliciens hutus, des génocidaires auraient pu passer la frontière pour se réfugier au Zaïre voisin profitant du couloir humanitaire créé par l'opération Turquoise. Voire des armes auraient été fournies aux forces rwandaises.


Les décideurs de l'époque se défendent. Hubert Védrine conseiller du président Mitterrand : "C'est la suite de l'engagement d'avant, la France considérant que pour imposer une solution politique il fallait bloquer l'offensive militaire. Cela n'a jamais été nié et ce n'est pas la peine de le présenter comme une pratique abominable masquée."

En 1998 une mission parlementaire niera l'implication de la France dans le génocide mais critiquera des erreurs de jugement. En visite à Kigali en 2010, le président Nicolas Sarkozy confirmera.

Depuis, peu d'avancées. L'éternel dossier judiciaire de cet attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana empoisonne les relations diplomatiques. Des proches de Paul Kagame sont toujours mis en examen en France. Conséquence, aucun ambassadeur français n'est accrédité à Kigali. Un lourd et long contentieux dont a hérité Emmanuel Macron.