Guerre au Soudan : changements au sommet de l'Etat et de l'armée

Le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de facto du Soudan, a limogé vendredi son adjoint devenu son ennemi, pour opérer des changements à la tête de l'Etat et de l'armée, plus d'un mois après le début de la guerre meurtrière entre les deux ex-alliés.

Image
Le Général Abdel Fattah al-Burhan

Le Général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l'armée soudanaise et président du Conseil de souveraineté de transition.

(Sudan Armed Forces via AP)
Partager2 minutes de lecture

Pour le 35e jour consécutif, les combats font rage à Khartoum et surtout au Darfour, frontalier du Tchad, où combattants tribaux et civils armés se mêlent aux combats. Ils ont fait 18 morts jeudi, selon le syndicat des médecins, à Nyala, chef-lieu du Darfour sud où des témoins ont fait état de combats vendredi à l'AFP. 

Au Darfour centre, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo tentent de déloger l'armée du général Burhane de son QG dans le chef-lieu, Zalingei, d'après d'autres témoins.

Dans la banlieue de la capitale Khartoum, des habitants ont fait état de frappes aériennes et de tirs croisés.

Alors que les négociations pour une trêve humanitaire semblent ne mener nulle part, des changements sont opérés au sommet de l'Etat et de l'armée. 

Le général Burhane "a publié un décret constitutionnel nommant Malik Agar au poste de vice-président du Conseil de souveraineté de transition", en remplacement de son ex-adjoint, le général Daglo, a annoncé cette instance dans un communiqué. 

L'état-major soudanais a annoncé de son côté la nomination du général Shamseddine Kabashi, au poste d'adjoint du général Burhane à la tête des forces armées ainsi que celle de deux autres généraux à la direction de l'état-major. 

Changements au sommet

Regroupant militaires et civils, le Conseil de souveraineté avait été mis en place en août 2019, avec pour objectif de mener la transition entre la chute du dictateur Omar el-Béchir, en avril de la même année, et la mise en place d'institutions démocratiques.

Mais le général Burhane, qui en était président, et le général Daglo --dit "Hemedti"--, le vice-président, avaient mené un putsch en octobre 2021, évinçant les civils de cette instance.   

Moins d'un an après, Hemedti avait dénoncé un "échec", et la tension entre les deux généraux n'avait fait que croître.

M. Agar, son remplaçant, est originaire du Nil bleu, Etat frontalier de l'Ethiopie dont il a été gouverneur. Il avait signé en 2020 la paix avec le pouvoir de Khartoum alors qu'il était un chef rebelle. Il est membre du Conseil de souveraineté depuis février 2021.

Son groupe, le SPLA-Nord, avait été formé en 2011 par des membres de la rébellion restés au Soudan après l'indépendance du Soudan du Sud la même année.

Il s'est scindé en 2017 avec d'un côté une aile qui réclamait un Etat laïque comme préalable à un accord de paix, et de l'autre une branche dirigée par M. Agar qui n'en faisait pas une condition.  

Selon des observateurs, sa promotion comme numéro deux du pouvoir ne devrait pas changer la donne dans la guerre pour le pouvoir entre les deux généraux.  

"L'armée peut défaire les rebelles"

"Il n'y a aucun doute sur le fait que les forces armées soudanaises sont capables de vaincre les rebelles", a martelé vendredi Dafallah Al-Haj Ali, l'émissaire du général Burhane à Jeddah, en Arabie saoudite, où il est appelé avec les émissaires des FSR, à dessiner des couloirs humanitaires pour laisser sortir les civils et faire entrer l'aide.

Selon les experts, les deux généraux, sûrs de pouvoir l'emporter militairement mais jusqu'ici à forces égales, ont fait le choix d'une guerre longue plutôt que de concessions à la table des négociations. 

Alors que les pays voisins redoutent une contagion, les Etats-Unis ont annoncé vendredi une aide de 103 millions de dollars en faveur du Soudan et des pays voisins pour faire face à l'ampleur de la crise humanitaire.

Depuis le 15 avril, les combats ont fait près d'un millier de morts, plus d'un million de déplacés et de réfugiés alors que plus d'un Soudanais sur deux a besoin d'aide humanitaire d'après l'ONU.