Fil d'Ariane
L’ONU craint une mortalité « sans précédent » des enfants au Soudan. Dans un rapport publié ce mois-ci, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’alors que le conflit se poursuit, plus de 5,3 millions de personnes ont été nouvellement déplacées, dont plus d’un million contraintes de fuir vers les pays voisins.
Sur cette photo du 1er juillet 2023, des réfugiés soudanais, originaires en majorité de Khartoum et du Darfour occidental, qui ont fui le conflit au Soudan, se retrouvent ici dans le camp de réfugiés de Zabout, à Goz Beida, au Tchad.
Dans un communiqué conjoint rendu public ce mardi 19 septembre à Genève, en Suisse, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « tirent à nouveau la sonnette d'alarme sur la dégradation de la situation sanitaire causée par la crise au Soudan. »
Selon les équipes du HCR, entre le 15 mai et le 14 septembre, plus de 1200 enfants réfugiés de moins de cinq ans sont décédés dans l’Etat du Nil Blanc, au sud du Soudan, en raison des effets conjugués d’une épidémie de rougeole et d’un taux élevé de malnutrition. La plupart de ces enfants sont originaires d’Ethiopie et du Soudan du Sud, précise l’agence onusienne.
Les Sud-Soudanais qui ont fui le Soudan sont assis devant une clinique nutritionnelle, dans un centre de transit, à Renk, au Soudan du Sud, le 16 mai 2023.
Dans un contexte de risque épidémique accru, plus de 3100 cas présumés de rougeole ont également été signalés, tout comme plus de 500 cas présumés de choléra dans d’autres parties du pays.
Malgré les efforts des cliniques locales et des agences humanitaires, la situation de guerre actuelle a entraîné l’effondrement des soins de santé sur l’ensemble du territoire national. Depuis le début du conflit, les attaques répétées contre les établissements de santé, ne permettent pas d’assurer convenablement les services de soins aux patients.
En août dernier déjà, Martin Griffiths, le coordinateur des Nations unies pour les affaires humanitaires tirait déjà la sonnette d’alarme. « Ce conflit qui s’étend – ainsi que la faim, les maladies et les déplacements de population qu’il entraîne – menace désormais d’emporter tout le pays », affirmait-il.
« Un conflit prolongé au Soudan pourrait faire basculer toute la région dans une catastrophe humanitaire », avait aussi déclaré Martin Griffiths. Dans son dernier rapport sur la situation au Soudan, le HCR affirme que plus de 5,3 millions de personnes ont été nouvellement déplacées, dont plus d’un million contraintes de fuir vers les pays voisins.
Le HCR faisait déjà observer en juillet dernier qu’après 100 jours de conflit au Soudan, le nombre de personnes déplacées continuait de s’accroître. A ce moment-là, il y avait déjà plus de 3,3 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays et au-delà des frontières.
Et parmi ces déplacés, l’on comptait alors plus de 740 000 réfugiés et un nombre croissant de rapatriés. Par ailleurs, à cette date, ce sont plus de 185 000 réfugiés accueillis par le Soudan qui avaient été contraints de se déplacer vers des zones plus sûres à l’intérieur du pays.
En raison de la lutte acharnée pour le pouvoir depuis avril dernier entre le chef de l’armée, le général Abdel Fatah al-Burhane, et son rival, le général Mohamed Hamdan Daglo, leader des Forces de soutien rapide (FSR), une partie des populations locales est en effet contrainte de quitter les zones de conflit pour des régions plus sûres, ou de se réfugier dans les pays frontaliers tels que le Tchad, le Soudan du Sud, l’Egypte, l’Ethiopie ou encore la République centrafricaine.
Dans leur immense majorité, ces réfugiés échouent dans des zones frontalières isolées et ne disposant que de très peu d’infrastructures ou de services pour leur venir en aide. Ces personnes déplacées sont aussi pour la plupart des femmes, des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées ou ayant des problèmes de santé.
Au 12 septembre, le HCR estime qu’un total de 418 126 réfugiés soudanais ont été enregistrés par ses services au Tchad. Il y a parmi ces personnes 93% de femmes et d’enfants, et surtout 22% d’enfants de moins de cinq ans. A ce jour, l’agence onusienne a procédé à la relocalisation de 176 019 personnes dans sept anciens camps et quatre nouveaux camps de réfugiés.
En fait sur le Darfour, on a le sentiment que c’est le conflit qui dure depuis 20 ans et que finalement il ne s’est jamais arrêté.
Christophe Garnier, coordinateur d’urgence de Médecins sans frontières (MSF) au Tchad
Le Tchad partage en effet près de 1360 km de frontières avec le Soudan. Une douzaine de camps de réfugiés sont installés dans l’est de ce pays depuis 2003. Ces derniers ont notamment permis d’accueillir les nombreux réfugiés de la guerre civile, qui est souvent présentée comme opposant depuis vingt ans les tribus « arabes » aux populations « noires-africaines » non arabophones.
Sur cette photo d'archive du samedi 25 septembre 2004, des femmes soudanaises transportent de l'eau à travers le camp de réfugiés d'Iridimi, près d'Iriba, dans l'est du Tchad.
Le conflit actuel entre les généraux Abdel Fatah al-Burhane et Mohamed Hamdan Daglo, a évidemment débordé au Darfour, région vaste comme la France et frontalière du Tchad. « En fait sur le Darfour, on a le sentiment que c’est le conflit qui dure depuis 20 ans et que finalement il ne s’est jamais arrêté. », nous a confié Christophe Garnier, coordinateur d’urgence de Médecins sans frontières (MSF) au Tchad.
Toujours selon MSF, il y a un flux continu de nouveaux arrivants en provenance du Darfour, même s’il n’est plus que d’environ deux milles personnes par semaine, au lieu du même nombre par jour en début de crise en avril dernier.
« Au niveau de l’est du Tchad, principalement dans les trois régions que sont le Sila, le Wadai et le Wadi Fira, on a plus de 400 000 nouveaux réfugiés qui viennent s’ajouter à 400 000 anciens réfugiés », souligne Christophe Garnier, coordinateur d’urgence de Médecins sans frontières (MSF) au Tchad.
Et il ajoute : « Il y a toujours eu des afflux de réfugiés. On estimait à environ 400 000 le nombre de réfugiés qui étaient déjà présents sur l’est du Tchad. Aujourd’hui, on peut dire qu’on a plus de 800 000 réfugiés au total. »