Fil d'Ariane
En dépit de déclarations de bonnes intentions, Washington ne montre pas de volonté de s'impliquer davantage dans le règlement de la guerre à l'Est de la RD Congo où le groupe armé antigouvernemental M23 appuyé par le Rwanda a conquis plusieurs territoires et des grandes villes. L'émissaire du président Trump en visite dans la région des Grands Lacs, Massad Boulos, défend avant tout les intérêts américains.
L'émissaire du président américain Donald Trump pour l'Afrique, Massad Boulos, s'exprime lors de sa visite à Kigali où il a rencontre le président rwandais Paul Kagame, 8 avril 2025.
Les États-Unis "apprécient" les discussions visant à mettre fin au conflit dans l'est de la RDC mais ne s'impliquent pas dans ces "affaires internes", a déclaré mardi à Kigali l'émissaire américain pour l'Afrique.
Le département d’État américain avait annoncé la semaine dernière la visite du conseiller spécial, l'homme d'affaires Massad Boulos, dans le cadre d'une mission visant à "favoriser les efforts en vue d'une paix durable dans l'est de la RDC" et "promouvoir les investissements du secteur privé américain dans la région".
"Je peux confirmer et affirmer que les États-Unis restent engagés dans cet effort et sont prêts à faciliter la fin de ce conflit, évidemment une fin pacifique", a déclaré lors d'une conférence de presse M. Boulos, qui avant de s'entretenir avec le président rwandais Paul Kagame mardi à Kigali, avait rencontré son homologue congolais Félix Tshisekedi à Kinshasa, ainsi que les présidents kényan William Ruto et ougandais Yoweri Museveni.
"Le président Trump veut voir la paix s'installer. Il veut que ce conflit prenne fin et rapidement", a encore expliqué l'émissaire américain, dont le fils est marié à une fille du président Donald Trump et qui a été nommé récemment son conseiller pour l'Afrique.
Questionné sur les modalités de cette paix, alors que le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par Kigali et son armée, s'est emparé en janvier et février de Goma et Bukavu, les deux principales villes de l'est de la RDC, M. Boulos a botté en touche.
"Nous apprécions le dialogue en cours", mais "nous ne sommes pas impliqués dans ces détails. Ce sont des questions internes sur lesquelles ils dialoguent. Ce n'est pas une question de pression (...) mais de paix", a-t-il estimé.
La visite de Massad Boulos en RD Congo a pourtant eu une conséquence concrète : le transfert aux autorités américaines ce mardi des ressortissants américains condamnés à mort pour leur participation dans une tentative ratée de coup d'État. Elle intervient à la suite de la rencontre entre l'émissaire du président américain et le président congolais Félix Tshisekedi. Leur peine a été commué en prison à vie afin d'être purgée aux États-Unis. "Ils ont été transférés (..) et sont sous notre garde", a déclaré la porte-parole du département d'Etat, Tammy Bruce.
Qui sont les détenus américains transférés aux États-Unis ?
Les trois ressortissants Marcel Malanga, Tyler Thompson et Benjamin Zalman-Polun, étaient détenus à la prison militaire de Ndolo, située à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo.
Les trois jeunes hommes âgés de 23 à 37 ans font partie d'un groupe de plusieurs dizaines d'hommes armés qui avaient attaqué le 19 mai 2024 le domicile de l'actuel président de l'Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Les assaillants avaient ensuite investi le palais de la Nation, bâtiment abritant des bureaux du président Tshisekedi et s'étaient filmés en train de proclamer la fin du régime.
La porte-parole a réitéré la condamnation des Etats-Unis de ces attaques et dit "soutenir les autorités de la RDC dans leurs efforts pour que les responsables répondent de leurs actes".
"En même temps, nous cherchons à obtenir un traitement cohérent, compatissant et humain, ainsi qu'une procédure judiciaire équitable au nom de ces citoyens américains", a-t-elle dit.
Par ailleurs, Washington a obtenu l'accord de Kinshasa pour être dédommagé des dégâts occasionnés par des manifestants congolais qui avaient attaqué l'ambassade des États-Unis.
Un autre aspect entre dans la balance dans les relations entre Washington et Kinshasa : les richesses minières congolaises, indispensables pour l'industrie des téléphones mobiles mais aussi des voitures électriques et dont la Chine est particulièrement demandeure. Le mois précédent, un sénateur congolais avait fait le voyage aux États-unis pour évoquer l'idée d'un accord sur les minerais en échange de garanties de sécurité pour la RD Congo. D'autres échanges ont eu lieu sur le sujet, selon Massad Boulos. "Vous avez entendu parler d'un accord sur les minerais. Nous avons étudié la proposition du Congo et le président et moi sommes d'accord pour avancer dans sa réalisation", a-t-il déclaré après sa rencontre avec le président Tshisekedi à Kinshasa. Le projet pourrait concerner des investissements de plusieurs milliards de dollars avec des compagnies américaines, avance Boulos.
Où en sont les négociations entre belligérants ?
Région riche en ressources et frontalière du Rwanda, l'est de la République démocratique du Congo (RDC) est en proie à des conflits depuis trente ans mais la crise s'est intensifiée ces derniers mois.
Depuis l'offensive du M23, les appels de la communauté internationale au retrait du groupe armé et des troupes rwandaises sont restés sans effet. Et les tentatives diplomatiques pour résoudre la crise, notamment une médiation menée par l'Angola, ont toutes échoué jusqu'à l'intervention surprise le mois dernier du Qatar, qui a réussi à réunir MM. Tshisekedi et Kagame à Doha.
Les deux chefs d'Etat, à l'invitation de l'émir Tamim ben Hamad Al-Thani, ont évoqué un cessez-le-feu. Dès le lendemain, le M23 faisait toutefois la conquête d'une nouvelle ville, Walikale, dans une zone riche en or et en étain.
Le groupé armé a néanmoins envoyé une délégation à Doha la semaine dernière, en vue de possibles pourparlers avec Kinshasa annoncés pour le 9 avril, selon une source au sein du M23. Kinshasa n'a pas confirmé cette date.
(Re)voir RD Congo : la détresse des habitants de Walikale