Guerre en Ukraine : face à la montée des prix de blé, quels substituts possibles en Afrique ?

La guerre en Ukraine aggrave un problème déjà existant en Afrique : l'explosion des prix du blé. Il devient vital pour ces pays africains de remplacer les farines de blé importées par des farines locales. Tour d’horizon de substituts possibles en Afrique.
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Graine de blé
Illustration - Face à l'explosion des prix du blé, plusieurs pays africains se tournent vers le développement de cultures locales pour se libérer de la farine de blé. 
Nasser Nasser/ AP
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La question de la dépendance des pays africains au blé russe ne date pas d’hier. La guerre en Ukraine vient d’aggraver lourdement cette situation à l’échelle mondiale, et plus particulièrement en Afrique. La Russie est le premier exportateur mondial de blé et l’Ukraine, le quatrième. Face aux préoccupations climatiques, plusieurs pays d’Afrique avaient déjà engagé des initiatives destinées à mettre fin à leur dépendance à la farine de blé. 

Une substitution partielle de celle-ci par des céréales locales telles le sorgho peut constituer une alternative intéressante en termes de coûts bénéfices par rapport aux graines importées. Voici quelques pistes de substituts possibles.

À (re)voir : Ukraine-Russie: "Le blé est devenu une arme en Afrique au même titre que les bombes"
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La banane plantain

Selon le Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), dix millions de tonnes de bananes plantains sont produites chaque année en Afrique centrale et de l’Ouest.
 
Les bananes vertes, une fois récoltées, ne se conservent pas longtemps, car elles sont facilement endommagées lors de la manipulation et du stockage. Il est difficile de commercialiser toute sa production en temps voulu. Transformer le reste des stocks en farine représente donc une alternative intéressante.
Champs de banane de plantain
Illustration - La farine de plantain peut être substituée à la farine de blé.
AP /Fernando Vergara
Pour être transformée en farine, la banane est déshydratée puis broyée. On la mélange ensuite à de la farine de blé pour produire du pain ou des pâtisseries. Selon le Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil agricole (France), la farine de plantain peut remplacer jusqu'à 30% de farine de blé dans la production de pain, ce qui n’est pas négligeable.
 
La farine de plantain reste aujourd’hui toutefois plus chère que celle du blé. En effet, celle-ci n’est pas produite en quantité suffisante.

Le niébé, un haricot riche en protéine

Les légumineuses peuvent également être mélangées avec de la farine de blé pour produire du pain. Le niébé est une des principales légumineuses produites sur le continent africain. Issue de la famille des lentilles et des pois-chiches, elle est une importante denrée de base en Afrique subsaharienne, particulièrement dans les savanes arides de l'Afrique de l'Ouest.
 
Le niébé est particulièrement connu pour sa richesse en protéines (21 % contre 12 % pour les pâtes de blé) et en fibres.
Culture de Niébé

Culture de niébé irriguée par jarres enterrées

    Wikimedia commons
    L'entrepreneuse camerounaise, Annie Adiogo, en a même fait son fonds de commerce. En créant la start-up Glim Africa, elle troque le blé contre le niébé pour créer une gamme de farine de pâtes labélisées "Made in Africa" (produites en Afrique). Dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique, elle affirme que le blé russe est contreproductif et ne permet pas au continent d’accéder à l’autonomie alimentaire. Sa démarche reste toutefois marginale au Cameroun.

    Le sorgho, la céréale de demain

    En Afrique, le Nigeria et le Soudan sont les principaux pays producteurs de sorgho, céréale de la famille des Poacées tout comme le blé, le riz ou le millet. Environ soixante millions de tonnes de sorgho sont récoltées sur la planète.

    Le sorgho apparaît comme la céréale de demain parce que la plante est plus résistante à la montée des températures, en particulier aux épisodes de sécheresse. Par rapport au riz et au maïs, la culture du sorgho est moins gourmande en eau. 
     
    Transformée en farine, la céréale se retrouve déjà sur les tables du petit-déjeuner ivoirien sous la forme d’une bouillie, servie avec une sauce à base de tomates, poivrons, gombos (fruit exotique) et oignons. En Tunisie et en Algérie, on le transforme en crème après avoir fait bouillir du lait.
     
    Culture de sorgho
    Illustration - La culture de sorgho est moins gourmande en eau et plus résistante à la montée des températures.
    Sue Ogrocki / AP

    Farine de manioc

    Le manioc est la troisième source de calories dans les tropiques, derrière le riz et le maïs. Plus de 600 millions de personnes en dépendent en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. Ce turbercule est une culture très résistante et facile à cultiver. 

    La farine de manioc de haute qualité par exemple peut être fabriquée très facilement. On retire les racines pour les décortiquer, les laver abondamment et les écraser au pilon. La pâte ainsi obtenue sert à la préparation de farine de manioc, nommée foufou au Cameroun et au Congo.

    Manioc
    Plus de 600 millions de personnes dépendent du manioc en Afrique, en Asie et en Amérique Latine.
    Andre Penner/ AP

    La farine de manioc est un aliment très riche en fécule (75 % d’amidon et de sucre) mais pauvre en protéine (2%). Elle est panifiable mais l’absence de gluten limite son emploi pour le pain à 30% ou 40% du dosage. En RDC, depuis un an, la loi préconise d’incorporer 10% de manioc dans la farine de boulangerie. Le manioc reste toutefois plus cher que le blé importé.

    Il existe bien d'autres substituts au blé afin de produire de la farine comme le voandzou, la troisième légumineuse alimentaire sur le continent. 

    Les diverses tentatives de se libérer de la farine de blé se sont le plus souvent soldées par un échec et constituent encore une démarche qui peut être qualifiée de marginale. L’hostilité de la filière classique (moulin-boulangerie), l’incertitude d’approvisionnement régulier en céréales locales et les habitudes alimentaires des consommateurs sont un frein au développement des cultures locales. Le réchauffement climatique et la guerre en Ukraine pourraient changer la donne alimentaire.

    À (re)lire : Guerre en Ukraine : face à la hausse des prix du blé les pays africains tentent de s'adapter