Guerre en Ukraine : le casse-tête du rapatriement des étudiants africains

Le Maroc et la Tunisie ont commencé à évacuer des ressortissants depuis les pays voisins de l'Ukraine. La Côte d'Ivoire est en train de monter une opération similaire. Des gouvernements africains mettent tout en œuvre pour faciliter le retour des nombreux étudiants africains.
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Réfugiés attendant de prendre un bus à Medyka en Pologne, sur la frontière avec l'Ukraine
Réfugiés attendant de prendre un bus à Medyka en Pologne, sur la frontière avec l'Ukraine. 1er mars 2022
© AP Photo/Markus Schreiber
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Depuis le 24 février, parmi les centaines de milliers d’Ukrainiens tentant de quitter leur pays se trouvent des dizaines de milliers d’étudiants africains. Avec difficultés, ils tentent de passer les frontières vers les pays voisins, Pologne, Slovaquie, Hongrie ou Roumanie.

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Leur nombre est difficile à évaluer. Ils seraient environ 30 000, voire d'avantage. Il y a des Marocains, des Égyptiens, des Tunisiens, des Algériens, des Nigérians, des Ghanéens, des Ivoiriens. Les universités ukrainiennes sont très prisées par les étudiants du monde arabe, notamment pour les études de médecine et d'ingénierie

Leur rapatriement est un casse-tête pour leurs gouvernements. Les premiers vols en direction du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord s’organisent à partir du premier mars.

Tunisie

En Tunisie, un groupe de 106 étudiants est arrivé ce premier mars à Tunis, à bord d'un avion militaire spécialement affrété en provenance de Bucarest. Un rapatriement particulièrement difficile compte-tenu du fait que la Tunisie ne dispose pas d'ambassade en Ukraine.
 
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Ils ont été accueillis à leur arrivée par des parents émus et visiblement soulagés après avoir connu plusieurs jours d'angoisse.

Selon le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jarandi, venu les accueillir à l'aéroport, 480 autres étudiants tunisiens doivent être rapatriés prochainement à bord d'avions en provenance de Roumanie et de Pologne. Le gouvernement va envoyer en Pologne et en Roumanie des avions pour rapatrier ses ressortissants qui souhaitent partir, parmi les 1.700 vivant en Ukraine, dont 80% d'étudiants.

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"On commencera les opérations dès qu'on aura arrêté la liste définitive des Tunisiens qui souhaitent rentrer", déclarait à l'AFP Mohammed Trabelsi, un responsable du ministère des Affaires étrangères. Tunis a pris contact avec l'ONU et la Croix-Rouge internationale pour l'aider à les évacuer par voie terrestre.

"On a vécu un cauchemar, dans des conditions de guerre exceptionnelles", raconte à l'AFP Aymen Badri, étudiant en ingénierie informatique. Hamdi Boussa'a, lui aussi étudiant en ingénierie dans le sud de l'Ukraine, décrit sa traversée de la frontière vers la Roumanie comme "une opération très compliquée, une grande aventure".
"Je suis très heureuse que mon fils soit bien arrivé et j'espère que les autres Tunisiens bloqués vont pouvoir revenir", renchérit sa mère après l'avoir longuement enlacé.

Maroc

Les Marocains forment le principal contingent d'étudiants arabes avec les Égyptiens en Ukraine. Ils seraient au moins 12.000.

Depuis le 25 février, des familles inquiètes se sont rassemblées à Rabat devant le ministère des Affaires étrangères.

Le Maroc doit commencer à rapatrier ses ressortissants qui le désirent à partir du 2 mars avec trois vols spéciaux au départ de Varsovie, de Bucarest et de Budapest. Le Royaume a annoncé mettre en place des vols spéciaux en faveur de ses ressortissants, en majorité des étudiants, au départ des pays voisins de l’Ukraine, à destination de Casablanca et au tarif fixe de 750 dirhams (70 euros), selon le ministère des Affaires étrangères.
 
L'ambassade n'a encore rien fait. Je ne sais pas où aller
Saad Abou Saada, étudiant égyptien en pharmacie
Rania Oukarfi, une étudiante en médecine dentaire de 23 ans à Zaporijia (sud), a pris la route vers la Moldavie, peu après l'invasion russe. Jointe par téléphone par l'AFP, elle raconte avoir vu des "scènes traumatisantes" et "des lieux paisibles défigurés du jour au lendemain"
Nassima Aqtid, 20 ans, étudiante en pharmacie, est bloquée à Kharkiv, dans l'est de l'Ukraine où les combats font rage. "J'ai pensé quitter la ville mais c'est impossible, la frontière la plus proche est celle de la Russie", dit-elle de son côté.

Égypte

Tous les Égyptiens ne sont pas logés à la même enseigne. 

Saad Abou Saada, 25 ans, étudiant en pharmacie à Kharkiv, essayait samedi de prendre un train. "L'ambassade n'a encore rien fait. Je ne sais pas où aller", dit-il à l'AFP, assurant être resté avec quatre autres camarades dans sa résidence universitaire qui hébergeait d'autres étrangers "partis sans nous".

L'ambassade d'Égypte, pays qui compte 6.000 ressortissants en Ukraine dont plus de la moitié sont des étudiants en majorité inscrits à Kharkiv, a affirmé sur Facebook coordonner l'évacuation de ses ressortissants vers Roumanie et Pologne.

Algérie et Lybie

L'Algérie et la Libye ont pour leur part mis en place un dispositif pour faciliter le départ vers des pays limitrophes de l'Ukraine, mais aucun vol de rapatriement n'est prévu à ce stade.

La Libye a prévu des points de ralliement en Ukraine et des évacuations vers la Slovaquie pour une diaspora estimée à près de 3.000 personnes, selon son ambassade en Ukraine.

L'Algérie, qui compte un millier d'étudiants en Ukraine et est liée à la Russie par des accords militaires, s'est distinguée en n'appelant pas à ses ressortissants à quitter le pays. Mais elle les a exhortés à "une extrême prudence et à ne sortir de chez eux qu'en cas d'urgence".

(RE)voir : Guerre en Ukraine : un étudiant algérien mort à Kharkiv

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Ghana

Un premier groupe de 17 étudiants ghanéens évacués d'Ukraine est arrivé le premier mars à Accra, la capitale. Les étudiants ghanéens étaient joyeux à leur descent d'avion à Accra et ont dit vouloir retrouver leurs familles au terme d'un voyage éprouvant.

C'est une expérience que je ne souhaite à personne
Esther Edze, étudiante

En tout, plus de 500 étudiants doivent être rapatriés, selon les autorités ghanéennes.

"J'avais peur pour ma vie donc j'ai décidé de partir. Certaines villes étaient bombardées près de chez moi et j'ai parlé avec mes parents qui m'ont demandé de partir", a expliqué à l'AFP Priscilla Adjai, à son arrivée à Accra.

"Cela n'a pas été facile mais Dieu merci, nous avons réussi à partir et nous sommes enfin arrivés au Ghana."

Une autre étudiante, Esther Edze, a affirmé que le groupe avait été aidé par l’Église de la Pentecôte, basée à Accra et présente dans une centaine de pays, et rejoint par des diplomates ghanéens de l'autre côté de la frontière. "C'est une expérience que je ne souhaite à personne".

Un total de 527 ressortissants ghanéens ont franchi les frontières ukrainiennes pour rejoindre plusieurs pays européens et seront bientôt rapatriés s'ils le souhaitent, a déclaré la ministre des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey.

Nigeria

Le Nigeria déclare qu'il commencerait à évacuer dès le 2 mars des centaines de ses ressortissants ayant trouvé refuge dans les pays voisins de l'Ukraine.

Le ministre des Affaires étrangères Geoffrey Onyeama met tout en œuvre pour évacuer dès plus de 1.500 de ses ressortissants ayant trouvé refuge en Pologne, en Hongrie et en Roumanie.

Geoffrey  Onyeama s'est entretenu avec les autorités ukrainiennes et polonaises pour s'assurer que les Nigérians ne se verraient pas refuser le droit de traverser la frontière.

Certains Nigérians qui ont franchi la frontière ont décrit leur voyage dans l'obscurité jusqu'aux frontières bondées où des fonctionnaires donnaient la priorité aux femmes et enfants ukrainiens. 

Désormais en Pologne, Stéphanie Agekameh, étudiante en médecine, affirme que les responsables du poste-frontière de Medyka s'occupaient d'abord des Ukrainiens : "un des officiers est venu et nous a dit que c'est plus dur pour nous, les étrangers, parce qu'ils doivent contacter notre gouvernement dans différents pays".

Pour l'heure, plus de 260 Nigérians ont été accueillis par les ambassades, éparpillés entre Roumanie, Hongrie et Pologne. Près de 200 autres sont attendus lundi, d'après le ministère nigérian des Affaires étrangères.

RDC

Le ministre des Affaires étrangères de République démocratique du Congo (RDC), Christophe Lutundula, a de son côté affirmé qu'il recevrait ce 1er mars l'ambassadeur de Pologne pour favoriser le passage de quelque 200 ressortissants de RDC actuellement en Ukraine.

"Ils sont à la frontière où on n’accepte pas qu'ils accèdent à ces pays" voisins, a affirmé le ministre.

Côte d'Ivoire

La Côte d'Ivoire, qui compte environ 500 ressortissants en Ukraine d'après les médias locaux, a également indiqué prendre des dispositions pour leur évacuation. 

Kenya

D'après le ministère kényan des Affaires étrangères, 201 Kényans sont en Ukraine, majoritairement des étudiants. Le ministère a récemment indiqué qu'ils étaient tous sains et saufs, même si certains restaient bloqués à la frontière polonaise en raison de restrictions de visa.