C'est une hausse vertigineuse aux conséquences sociales et économiques rarement observés. En un an le prix du baril a doublé. Le 9 mars 2022, le cours du pétrole Brent s’élevait à 127, 29 dollars. Un an plus tôt, le baril était côté à 62.44 dollars. La reprise économique post-covid a nourri cette hausse dans un premier temps. La guerre en Ukraine provoque également des tensions sur les prix. Outre les hydrocarbures, dont la Russie est le deuxième exportateur mondial, les prix des matières premières agricoles sont aussi fortement touchés. Le 7 mars, une tonne de blé coûtait 450 euros, un prix inédit.
De ce fait, les prix des produits fabriqués à partir de ces matières premières augmentent : le plein d’essence coûte plus cher, de même que certaines denrées alimentaires. Tout ceci n'est pas sans conséquences sur le continent africain. Mais tout les pays ne sont pas égaux devant ces difficultés. Il est préférable d'être un producteur de pétrole ou de gaz.
Au Maroc, les transporteurs routiers se sont ainsi mis en grève le 7 mars pour protester contre la flambée des prix du gasoil. Le taux de mobilisation frôlait les 75% pour les transporteurs de marchandises à l’échelle nationale au deuxième jour du conflit, selon le Syndicat national des professionnels du transport routiers. À Casablanca, les pompes à essence affichent des prix records. Le tarif du litre d’essence sans plomb approchait les 13 dirhams (1,21 €) le 8 mars. Le prix du gasoil dépassait les 11 dirhams (1,02 €). Le salaire moyen au Maroc est de
Les prix des carburants ne sont pas les seuls à augmenter au royaume. Des manifestations contre la vie chère ont également eu lieu de manière éparse dans tout le pays, en raison d’une hausse des prix des denrées de base. Par ailleurs, près des trois quarts de la production de blé locale est mise à mal par une sécheresse.
Premier importateur mondial de blé, l’Égypte est très inquiète des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. En effet, 85% des importations de blé égyptiennes viennent d’Ukraine et de Russie. Actuellement, le pays possède environ 4 mois de consommation nationale de stock de blé. Les Égyptiens payent moins cher que le prix réel leurs céréales, car l'État subventionne une grande partie du prix local. Cependant, cette subvention pèse beaucoup sur les comptes du pays et donc sur ses capacités d’importations. Si les prix des céréales continuent d’augmenter, l’Égypte pourrait se retrouver dans l’impossibilité de continuer à en acheter. En Algérie, la fin des subventions sur les produits de base avait provoqué d'importantes pénuries alimentaires en début d'année.
Cependant, le pays espère financer l'achat de cérales avec leur production de gaz. En 2015, le pays a découvert le champ gazier de Zohr dans la Méditerranée. Il est présenté comme le plus important champ gazier de la région. Les réserves de ce gisement sont évaluées à près de 850 milliards de mètres cubes de gaz. Il a été inauguré en 2018. L’une des augmentations des prix les plus spectaculaires liées à la guerre en Ukraine est celle du gaz. Le 7 mars, le TTF néerlandais atteignait 345 € par mégawatt, contre 214 € le mégawatt trois jours plus tôt. De ce fait, l’Égypte pourrait se retrouver avantagée dans l’exportation de gaz grâce à Zohr.
En proie à une importante crise politique et financière, la Tunisie fait face à une pénurie de produits alimentaires de base, comme la semoule, le sucre, le riz et la farine. Cette pénurie est aggravée par la guerre en Ukraine. En effet, la Tunisie est très dépendante de l’étranger pour se procurer des denrées alimentaires. Le pays importe la moitié de ses besoins en blé. La majorité de ces importations provient d’Ukraine.
Le président Kais Saïed a assuré vouloir mener "une guerre acharnée dans le cadre de la loi contre les spéculateurs et les criminels." Régulièrement, les autorités annoncent la saisie d’aliments touchés par la pénurie dans des dépôts illégaux. Le ministère du Commerce a notamment indiqué avoir saisi "912 tonnes de riz, semoule, farine, sucre et autres produits" dans des entrepôts disséminés dans tout le pays entre le 2 et le 4 mars.
De son côté, malgré son importante production d'hydrocarbures, l'Algérie a décidé de suspendre ses opérations d'exportations des produits de large consommation. Elle doit également réexaminer le dispositif en vigueur réglementant l'exportation des denrées alimentaires.
Sur le continent africain, tous les pays ne subissent pas les conséquences de la guerre de la même manière. Pour faire face à la flambée des prix des hydrocarbures de Russie, les pays européens cherchent à se tourner vers d’autres fournisseurs. En Afrique, l’Algérie, la Libye et le Nigeria, principaux producteurs d’hydrocarbures du continent, pourraient voir leurs recettes gonfler.
En raison de la pandémie de Covid-19, les prix du pétrole avaient fortement diminué. Le 30 mars 2020, alors que la majorité des pays de la planète prenaient des mesures de confinement pour limiter la propagation de l’épidémie, le Brent se trouvait à 22,76$, son plus bas taux depuis 18 ans. Huit mois plus tard, le Nigeria est entré en récession, son PIB ayant reculé deux trimestres de suite.
Plus important producteur de pétrole d’Afrique, le Nigeria espère pouvoir remonter la pente en exportant vers des pays touchés par la flambée des prix. La Libye, deuxième producteur de pétrole du continent, produit aussi du gaz, tout comme l’Algérie. Le 8 mars, la Commission européenne a exprimé son intention de diversifier ses approvisionnements de gaz. Pour cela, elle discute avec les principaux pays producteurs, dont l’Algérie. L’objectif est de réduire de ⅔ les importations de gaz russe dans l’Union Européenne.
Outre ces trois pays, qui sont les principaux producteurs du continent, d’autres espèrent attirer les importateurs européens. Dans le top 10 des premiers producteurs africains de pétrole, selon les chiffres de l’OPEP, on retrouve l’Angola, l’Egypte, la République du Congo, le Gabon, le Ghana, la Guinée Équatoriale et le Tchad. Cependant, l’Afrique subsaharienne reste la région du monde la plus dépendante des aides humanitaires. La liste d’urgence 2022 publiée par le Comité de Secours International (International Rescue Committee) en décembre 2021 montre que dans 20 pays, dont une grande partie en Afrique et au Moyen-Orient, 274 millions de personnes sont dépendantes de l’aide humanitaire.