Guinée-Bissau : après une nuit de combat, l'armée dit contrôler la situation

L'armée bissau-guinéenne dit contrôler la situation dans la capitale après une nuit de combats avec des éléments des forces de sécurité auteurs d'une opération qui a fait au moins deux morts et illustré les fractures politique persistantes dans ce pays abonné aux crises.

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Guinée-Bissau : échanges de tirs après la libération par la garde nationale de deux ministres

ARCHIVES - Rue du principal marché de Bandim de Bissau, en Guinée-Bissau, le 27 mai 2012.

©AP Photo/Rebecca Blackwell, File
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Des soldats de la garde nationale de Guinée-Bissau ont libéré dans la nuit de jeudi à vendredi deux membres du gouvernement qui étaient interrogés par la police, avant d'échanger des coups de feu avec les forces spéciales, selon des sources militaires et du renseignement. 

L'état-major bissau-guinéen a affirmé un peu plus tard détenir le chef de l'unité des forces de sécurité impliquée dans cette nuit d'affrontements dans la capitale, et a assuré que l'armée contrôlait la situation. "Le colonel (Victor) Tchongo est entre nos mains. La situation est totalement sous contrôle", a dit le capitaine Jorgito Biague, un porte-parole de l'état-major militaire de ce petit pays pauvre d'Afrique de l'Ouest politiquement instable.

Un responsable militaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat compte tenu de la sensibilité de la situation a dit que le colonel Tchongo, de la Garde nationale, s'était rendu. Une photo censée le montrer entre les mains de l'armée a été envoyée à des journalistes.

Il a indiqué par ailleurs que deux membres du gouvernement que les éléments de la Garde nationale sont soupçonnés d'avoir soustrait à la police alors qu'ils étaient en cours d'interrogatoire avaient été récupérés sains et saufs.

Des tirs, nourris par intermittence, ont retenti une partie de la nuit et vendredi matin dans la capitale Bissau entre les éléments de la Garde nationale d'une part et les forces spéciales de la Garde présidentielle de l'autre, après l'extraction des deux membres du gouvernement des mains de la police, a rapporté un correspondant de l'AFP. 

Les affrontements ont fait deux morts, a dit un responsable militaire sans qu'apparaisse clairement dans quel camp. Il a tenu à rester anonyme compte tenu de la sensibilité de la situation.  Les coups de feu ont commencé jeudi soir aux alentours d'une garnison du quartier de Santa Luzia.

Des membres de la Garde nationale s'y étaient retranchés après avoir libéré le ministre de l’Économie et des Finances, Souleiman Seidi, et le secrétaire d'Etat au Trésor public, Antonio Monteiro, selon des responsables de l'armée et du renseignement de ce pays coutumier des crises.

Des accès bloqués

Tous les accès aux quartiers sud de la ville ont été bloqués par des forces de sécurité. Des habitants ont dit fuir le sud de la ville pour le nord après une nuit de peur. "Mes enfants et moi n'avons pas fermé l'œil à cause des tirs. Les enfants ont peur et se collent à moi chaque fois que les armes crépitent", a dit une institutrice jointe par téléphone et taisant son identité pour sa sécurité, alors que les rafales continuaient à retentir.

Le ministre de l’Économie et le secrétaire d'Etat au Trésor public avaient été convoqués jeudi matin par la justice, puis placés en garde à vue. Ils ont été interrogés pendant plusieurs heures par la police judiciaire à propos du retrait de dix millions de dollars des caisses de l'Etat, selon les mêmes sources.

Souleiman Seidi, questionné lundi sur ce retrait par des députés lors d'une séance à l'Assemblée nationale, avait affirmé qu'il était légal et destiné à soutenir le secteur privé national.

Le colonel Tchongo aux mains des soldats

L'activité a tourné au ralenti dans le centre de Bissau, parcouru par des patrouilles de militaires en pick-ups. La protection a été renforcée aux abords de la présidence, de l'état-major et de la police judiciaire. L'armée a transmis aux médias une photo présentée comme celle du colonel Tchongo entre les mains des soldats sur un pick-up, le vêtement apparemment ensanglanté. Elle a aussi fait circuler une vidéo censée montrer huit captifs de la Garde nationale en uniforme allongés sur le ventre dans une cour de la caserne où ils s'étaient retranchés. On y voit un certain nombre d'armes automatiques saisies par l'armée.

"Le colonel (Victor) Tchongo est entre nos mains. La situation est totalement sous contrôle", a dit le capitaine Jorgito Biague, un porte-parole de l'état-major de ce pays lusophone d'environ 2 millions de personnes en Afrique de l'Ouest, pauvre et politiquement instable. Un responsable militaire a dit que le colonel Tchongo s'était rendu. L'état-major a publié un communiqué pour appeler la population au calme.

Tirs nourris

Les sources de l'armée et du renseignement ont indiqué que les forces spéciales étaient intervenues contre la Garde nationale après plusieurs tentatives de médiation infructueuses. Des éléments de la Force d'appui pour la stabilisation de la Guinée-Bissau, déployés dans ce pays par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), ont été vus vendredi matin en patrouille dans les rues.

Ces événements surviennent alors que le président Umaro Sissoco Embalo, élu en décembre 2019 pour cinq ans, se trouve à Dubaï pour assister à la 28e conférence des Nations Unies sur le climat (COP28). Petit pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, la Guinée-Bissau souffre d'une instabilité politique chronique et a été victime depuis son indépendance du Portugal en 1974 d'une kyrielle de coups de force, le dernier en février 2022.

 

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Les législatives de juin 2023 ont donné la majorité absolue à la coalition d'opposition Pai-Terra Ranka, imposant une cohabitation au président Embalo, dont la famille politique n'est pas représentée au sein du gouvernement.

En septembre, le président Embalo avait nommé deux généraux, Tomas Djassi et Horta Inta, respectivement chef de la sécurité présidentielle et chef d'état-major particulier du président. Ces deux postes, prévus dans l'organigramme officiel, n'étaient plus pourvus depuis des décennies.

Ce renforcement de la sécurité présidentielle est intervenu alors que les coups d'Etat ou tentatives se multiplient en Afrique de l'Ouest, au Gabon, au Niger, au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et, cette semaine encore, en Sierra Leone.