Fil d'Ariane
Même sans s'arrêter, impossible de les manquer. Des visages de l'histoire du panafricanisme. Mais au premier plan, celui de Sékou Touré dérange, sur ce lieu de triste mémoire, ce pont du 8 novembre, dit des pendus, sous le régime du premier président de Guinée.
Nous avions demandé à ce que l'on fasse une stèle à ce niveau-là pour commémorer justement toutes ces pendaisons. Ceci n'a pas été fait malgré les promesses de l'époque. Alors quand aujourd'hui on se rend compte que ce sanguinaire, le bourreau, est magnifié sur un pan de ce pont, là où il a pendu des êtres humains, je pense que c'est quand même trop cher payé.
Fodé Marega, membre de l'association des victimes du Camp Boiro
C'était le 25 janvier 1971, quatre hauts responsables guinéens accusés de complot et sortis du tristement célèbre camp Boiro pour être exécutés, comme des dizaines de milliers de prisonniers politiques. Une page sombre effacée par ces figures des indépendances, Thomas Sankara pour le Burkina Faso, Amilcar Cabral pour la Guinée Bissau, Kwame Nkrumah pour le Ghana. Mais en Guinée, personne ne peut nier les faits historiques.
Si mon père avait été pendu, est-ce que j'aurais les mêmes réactions? Voilà les questions que nous aussi nous nous posons au sein de notre mouvement. Donc nous sommes très sensibles à leurs cris de cœur mais on veut leur demander qu'ensemble, chaque Guinéen doit se donner la main pour qu'on ait un pardon vrai. Parce que les parents sont morts, on ne peut plus les ramener à la vie. Mais on peut leur donner tout un honneur. On peut humaniser ces morts-là.
Soninké Diané, membre du mouvement Les Sékoutouréïstes
Le pardon, c'est aussi ce que demande l'auteur de la fresque aux victimes du camp Boiro.
C'est l'art. On est en train de faire quelque chose qui est beau. Les gens viennent pour prendre des photos. Donc chaque pays a son histoire aussi. Mais nous on l'a pas fait pour vexer l'association, cette association-là. Au contraire, si ça les a touchés on demande pardon. Parce que ce n'est pas notre intention. Ce n'était pas un truc politique. Ce n'est pas quelqu'un qui nous a financé.
Chimère Ndiaw, artiste graffeur peintre
Art, histoire et mémoire, s'entrechoquent ici, sous ce pont du 8 novembre, à l'entrée de la commune de Kaloum, dirigée depuis peu par la fille aînée de Sékou Touré.