Fil d'Ariane
Routes désertes, écoles et commerces fermés: la capitale guinéenne Conakry est à l'arrêt ce lundi 26 février pour le premier jour d'une grève générale illimitée. Celle-ci a valeur de test pour les militaires au pouvoir depuis 2021. Ils interdisent toute manifestation et musèlent l'opposition.
Mamady Doumbouya en déplacement à Bamako lors de la fête de l'indépendance au Mali le 22 septembre 2022.
L'appel lancé par les centrales syndicales des secteurs public, privé et informel du pays vise à obtenir la baisse des prix des denrées de première nécessité, la fin de la censure médiatique et la libération d'un syndicaliste de presse.
Elles ont reçu le soutien des principaux partis politiques et de la plupart des organisations de la société civile.
Cette mobilisation est lancée dans un climat de tension sociale grandissante et en l'absence de gouvernement, depuis que la junte a annoncé contre toute attente sa dissolution il y a une semaine sans en donner les raisons, mais en ordonnant le gel des comptes bancaires de ses membres et la saisie de leurs passeports.
Le mot d'ordre a été suivi. Conakry ressemble à une ville morte ce lundi 26 février. Les routes, habituellement bondées, sont vides. Les banques, écoles, commerces sont fermées. Les administrations et hôpitaux offrent un service minimum, a constaté un correspondant de l'AFP.
Le grand marché de Madina, poumon économique de Conakry, est désert. Depuis dimanche soir, des jeunes ont installé des barricades sur certains grands axes. La présence policière reste discrète en milieu de journée.
"Cette grève est la bienvenue, elle va obliger les autorités à comprendre qu'ils ne sont pas des Dieux sur terre", a déclaré un cadre d'un ministère qui a requis l'anonymat à l'AFP.
La contestation est devenue exceptionnelle sous le général Mamadi Doumbouya, aujourd'hui à la tête de ce pays parmi les moins développés au monde en dépit de ses ressources naturelles.
Le général Doumbouya n'a pas pris la parole depuis le début de l'année 2024, malgré un contexte tendu et aggravé dans la capitale par une explosion et un incendie meurtriers dans le principal dépôt d'hydrocarbures du pays fin décembre, qui a paralysé la Guinée plusieurs semaines.
La junte a interdit toute manifestation. Elle a réprimé l'opposition, largement réduite à l'impuissance.
Les militaires au pouvoir ont aussi récemment sévi contre un certain nombre de médias en supprimant des chaînes de télévision des principaux bouquets de distribution et en brouillant des fréquences radio, provoquant des manifestations de colère, en particulier de journalistes.
L'un d'eux, Sekou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), a été condamné vendredi à six mois de prison doit trois avec sursis. Les syndicats exigent sa libération.
La fin des restrictions d'accès à Internet imposées depuis trois mois était l'une des autres revendications syndicales. Elles ont été levées dans la nuit de jeudi et vendredi.
La junte a consenti, sous la pression internationale, à annoncer qu'elle allait rendre la place à des civils élus d'ici à fin 2024, le temps, dit-elle, de mener de profondes réformes. Dimanche 25 février, la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest a annoncé la levée de sanctions économiques contre la Guinée.
En janvier-février 2007, les syndicats avaient orchestré des grèves générales très suivies. La répression de cette contestation historique contre la corruption et l'ingérence du pouvoir dans la justice sous le régime autoritaire du président Lansana Conté avait fait 186 morts selon des ONG.