Fil d'Ariane
C’est ce mardi 22 mars que se sont ouvertes à Conakry, en Guinée, les Assises nationales annoncées l’année dernière dans son discours de la Saint-Sylvestre par le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya. Des rencontres qui visent à construire un nouveau cadre institutionnel dans le pays. Considérées par le président de la transition comme des journées du « pardon et de la vérité », ces Assises concernent essentiellement le processus de réconciliation au sein de la population guinéenne.
Dans son discours d’ouverture, le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya a déclaré : « […] Les Assises nationales sont au-dessus de toutes les considérations politiques, ethniques et religieuses de notre nation. Elles faciliteront sans doute le vivre ensemble auquel nous aspirons. J’en appelle à l’implication des acteurs politiques, culturels, religieux et socio-professionnels pour conférer à cet événement toute la réussite qu’il mérite […] Chacun de nous, ici, dans ce pays, a subi une brutalité. Les plaies sont là, béantes. Il est temps qu’on les nettoie, qu’on y apporte les pansements. Pour qu’on guérisse. Evidemment, des cicatrices resteront. Elles seront le témoin de nos folies passées, pour que celles-ci ne se répètent plus. Mais, elles seront surtout l’expression la plus nette de nos pardons respectifs. »
Depuis sa prise de pouvoir en septembre dernier, le CNRD, le Comité nationale du rassemblement pour le développement, présidé par le colonel Mamadi Doumbouya, multiplie en effet les initiatives « populaires ». Après les consultations nationales organisées en septembre dernier et la tournée de concertation du CNT, le Conseil national de transition, place aujourd’hui aux Assises nationales. Cependant, cet activisme peine encore à convaincre une partie de l’opinion guinéenne, qui y voit même une stratégie destinée à prolonger la transition.
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Dans une déclaration publiée le 18 mars dernier, une douzaine d’ONG et de personnalités de la société civile guinéenne alertent les autorités sur la tenue de ces Assises. « Etant donné le manque de clarté du concept des Assises Nationales, peut-on lire dans ce document, l’imprécision de ses termes de référence par ceux qui les instituent, nous exprimons nos craintes légitimes quant à la réussite d’une réconciliation vraie et sincère à travers les Assises Nationales telle que recommandée par ses initiateurs. Ne désirant pas servir de cautions en nous associant à des événements aux objectifs indéfinis et imprécis, nous tenons à exprimer des exigences que nous posons pour notre participation effective à ces Assises. »
Il ne faut pas que nous servions de caution morale à un processus dont nous ne connaissons pas les objectifs.
Alseny Sall, chargé de communication de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen.
Signataire de la déclaration du 18 mars, l’OGDH, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen ne s’est pas rendue aujourd’hui à ces Assises. Au cours d’une interview téléphonique qu’il nous a accordée, Alseny Sall, chargé de communication de l’OGDH affirme : « Il ne faut pas que nous servions de caution morale à un processus dont nous ne connaissons pas les objectifs. Nous trouvons cette initiative louable, elle est même à saluer, mais c’est la démarche adoptée qui est préoccupante. Parce qu’il y a une absence totale de visibilité sur le contenu de ces assises […] Par ailleurs, il faut que nous sachions à quoi nous nous engageons avec ces Assises. Quel est leur contenu ? Qui doit les conduire ? Sur quelle période ? Pour quelle durée ? Avec quels acteurs ? Et à quelle fin ? Donc il y a toutes ces questions qui se posent, et auxquelles nous n’avons pas vraiment eu de réponses.»
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Absente elle aussi pour le lancement de ces Assises, une délégation du FNDC, le Front national pour la défense de la constitution, a néanmoins été reçue ce lundi, à Conakry, par le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. L’occasion pour le FNDC, de suggérer la mise en place d’un cadre de dialogue supervisé par la CEDEAO, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, avec comme interlocuteurs le CNRD, le CNT, les partis politiques, la société civile…
Le FNDC souhaite en effet inscrire à l’ordre du jour de ce dialogue, les questions liées à la durée de la transition, au processus électoral à venir, à la rédaction de la Constitution ou encore à la justice pour les victimes des manifestations contre le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé.
Par ailleurs, pour le FNDC comme pour la plupart des ONG qui critiquent ces Assises, il est impératif de s’appuyer sur le travail initié en 2011 par l’ex-président Alpha Condé, et effectué par la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, co-présidée alors par El Hadj Mamadou Saliou Camara, premier imam de la grande mosquée Fayçal et Mg Vincent Koulibaly archevêque de Conakry.
Ibrahima Diallo, responsable des opérations du FNDC nous a précisé qu’au cours de leur rencontre avec le ministre de l’Administration du territoire, ils ont « clairement indiqué qu’il y avait un travail déjà effectué par une commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, qui a documenté les crimes commis sur la période allant de 1958 à 2015, et qu’il fallait, en lieu et place de ces Assises, réactiver le mandat de cette commission, pour qu’elle s’attelle à faire un travail pour la période allant de 2016 à 2021. »