Fil d'Ariane
Le coup d'envoi des rencontres de concertation entre la junte au pouvoir en Guinée, et les forces vives de la nation, sera donné ce mardi 14 septembre, au palais du peuple, à Conakry.
Quarante-huit heures après l'annonce faite à la télévision nationale par le colonel Amara Camara, le CNRD, le Comité national pour le rassemblement et le développement, va recevoir les leaders des partis politiques, les représentants des quatre coordinations régionales [organisation coutumières et traditionnelles, NDLR] et enfin, les chefs des différentes confessions religieuses.
Devraient ensuite se succéder, à raison de deux heures par entité et ce jusqu’au vendredi 17 septembre, les présidents des organisations de la société civile, les représentations des missions diplomatiques, les associations des Guinéens de l’étranger, les patrons des sociétés minières implantées dans le pays, les présidents des organisations patronales, les directeurs des banques primaires et sociétés de microfinance, et enfin les représentants des centrales syndicales.
(Re)voir : "Guinée : la junte lance la concertation"
Un véritable marathon, accueilli favorablement par la plupart des partis politiques. Ainsi, pour Aliou Condé, l’un des vice-présidents de l’UFDG, l’Union des forces démocratiques de Guinée, principal parti d’opposition guinéen : « Cette initiative va dans le bon sens. On voudrait associer tous les Guinéens à la résolution des problèmes et des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Mais on ne peut présumer de ce que cela va donner, parce que pour le moment, nous n’avons pas d’agenda. » De son côté, le RPG, le Rassemblement du peuple de Guinée, du président déchu Alpha Condé, s’interroge sur sa participation.
C’est comme si la junte avait choisi de ne pas endosser cette responsabilité. Parce que quoi qu’il advienne, elle pourrait être accusée de partialité.
Boubacar Sanso Barry, fondateur du site guinéen d’information ledjely.com
La junte au pouvoir depuis le 5 septembre dernier n’a pas précisé, pour l’instant, l’objet de ces rencontres. Elle a aussi choisi de ne pas dresser une liste exhaustive des forces vives concernées par ces entrevues. Tout le monde ou presque est donc convié. Pour Boubacar Sanso Barry, fondateur du site guinéen d’information ledjely.com : « C’est comme si la junte avait choisi de ne pas endosser cette responsabilité. Parce que quoi qu’il advienne, elle pourrait être accusée de partialité. Par mesure de prudence, elle semble donc avoir décidé de renvoyer cette tâche difficile et ingrate aux différentes organisations des forces vives. »
Si l’initiative de la junte semble appréciée pour sa volonté affichée d’inclure toutes les composantes de la société guinéenne, certains s’interrogent sur son efficacité. « Lorsque je prends par exemple les partis politiques, souligne Alseny Sall, chargé de communication de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen, il y en a plus de 300 qui sont agréés en Guinée. Si vous les invitez tous, avec deux heures pour chacun, sans qu’ils ne sachent sur quoi ils vont être consultés, je me demande ce que cette rencontre peut apporter en termes de productivité. C’est pareil pour la société civile. »
Pour l’heure, les interrogations restent nombreuses tant sur les objectifs des rencontres de concertation qui débutent cette semaine, que sur la transition en cours. Au sein des partis politiques et de la société civile guinéenne, certains pensent qu’il faudrait prendre le temps d’organiser cette transition, tandis que d’autres estiment qu’il faut aller vite dans la mise en place de ses organes et la tenue des élections. Sur toutes ces questions, les intentions de la junte et son chef, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, ne sont pas connues pour le moment.
Depuis le 5 septembre, nous ne connaissons que le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, qui est le commandant des forces spéciales
Alseny Sall, Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen
Le chef de la junte a certes promis la formation prochaine d’un gouvernement de transition, mais nul ne sait qui sera à sa tête, et encore moins sa composition et le rôle que devraient y jouer les militaires. Mais d’ores et déjà, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen se dit préoccupée par l’absence d’information sur la composition du CNRD lui-même, le Comité national pour le rassemblement et le développement.
« Depuis le 5 septembre, précise Alseny Sall, son chargé de communication, nous ne connaissons que le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, qui est le commandant des forces spéciales. Il faut vraiment plus de clarté, afin qu’on sache qui fait quoi et comment. Parce que le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya ne pourra pas gérer seul tous les problèmes du pays. »