Boké, dans l'ouest de la Guinée, a vécu deux jours d'émeutes mardi et mercredi derniers, après le décès d'un conducteur de moto-taxi, percuté par un camion de transport de bauxite. Un manifestant est mort et l'on compte 28 blessés. Cette ville abrite des mines de ce minerai, principale ressource du pays, et concentre les exaspérations contre les investisseurs étrangers et le pouvoir en place.
Tout a commencé lundi 24 avril après un accident de la route qui a causé la mort d'un conducteur de moto-taxi. L'homme est percuté par un camion transportant de la bauxite, minerai indispensable à la production d'aluminium. Les populations qui assistent à cette scène se soulèvent et quand les forces de l'ordre interviennent, l'altercation se termine par plusieurs blessées, à l'hôpital. Le lendemain, débutent deux jours d'émeutes. Des bâtiments publics sont caillassés, des pneus incendiés et des barricades érigées. Un manifestant est également tué par balles.
L'exaspération des habitants de Boké
A Boké, ville de 100.000 habitants qui abrite une dizaine de sociétés minières, les pénuries d'électricité et d'eau sont récurrentes et le chômage endémique. Pourtant, la région est riche en bauxite dont la Guinée détient -avec 25 milliards de tonnes- près d'un tiers des réserves mondiales.
La Société minière de Boké (SMB) est gérée par un consortium regroupant notamment un géant chinois de l'aluminium et Fadi Wazni, un homme d'affaires proche du chef de l'Etat et la population locale ne comprend pas pourquoi les retombées économiques sont aussi rares. Selon le correspondant du journal Le Lynx, le préfet, le gouverneur et le maire se sont réfugiés à Kamsar dès la montée en puissance des manifestations, mardi. Abdulaye Magassouba, le ministre des Mines, s'est rendu dans cette ville située à 25 km à l'ouest de Boké. Il a demandé aux manifestants de le rejoindre pour négocier, ce que la délégation officielle a refusé : "Les manifestations se sont déroulées à Boké, il faut venir, on ne négociera pas ailleurs".
Une crise symptômatique des villes minières
Ce n'est pas la première fois que des émeutes ou des grèves éclatent dans des villes minières. La dernière d'ampleur date du 23 novembre 2015, dans la préfecture aurifère de Siguiri, à plus de 700 km au nord-est de Conakry, la capitale. On avait déploré beaucoup de dégâts matériels et une chasse à l'homme engagée contre des expatriés, mais il n'y a eu aucune perte humaine. D'autres villes, comme Simandou et Boffa ont également connu des grèves et autres soulèvements.
Les travailleurs de ce secteur se plaignent régulièrement des conditions de travail et des salaires imposés par les sociétés minières, administrées par des salariés.
Autre inquiétude : les problèmes de pollution des cours d'eau, de l'air et des sols. Depuis des années, les habitants de Boké dénoncent le transport de bauxite par le centre-ville qui empoisonne l'air. Amadou Bah, de l'ONG Action Mines Guinée indique qu'"il n'y a pas encore de statistiques mais les populations se plaignent très souvent de problèmes respiratoires. Les maraîchers relèvent également que la fertilité des sols n'est plus ce qu'elle était". Cette ONG a réalisé en 2016, un film documentaire sur les méfaits de l'exploitation de la bauxite à Boké.
il n'y a pas encore de statistiques mais les populations se plaignent très souvent de problèmes respiratoires. Les maraîchers relèvent également que la fertilité des sols n'est plus ce qu'elle était. Amadou Bah, ONG Action Mines Guinée.
Depuis vendredi, la tension est retombée et la circulation a repris à Boké. Mais les manifestants entendent bien faire entendre leurs revendications. Ils ont établi une liste de 35 points parmi lesquels, la fourniture d'eau et d'électricité, l'emploi des jeunes dans les nombreuses sociétés minières de la ville, le bitumage de toute la voirie urbaine. Mais également la construction d'une route qui contourne la ville pour éviter les camions de transport de bauxite qui libèrent des poussières et engendrent des accidents de la circulation.