Trois anciens ministres de l'ex-président guinéen déchu Alpha Condé sont brièvement sortis de prison, jeudi 19 mai, sur décision d'une cour anti-corruption. Ils y sont finalement retournés le soir même à la suite d'un appel du Parquet.
La Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), instituée par la junte qui a renversé Alpha Condé en septembre 2021, avait autorisé la remise en liberté sous caution de trois anciens membres du gouvernement de l'ex-président : Ibrahima Kassory Fofana, Oyé Guilavogui et Mohamed Diané. Ceux-ci étaient placés sous mandat de dépôt depuis le mois d’avril pour détournement présumé de fonds publics, en attendant leur procès.
Mais le procureur Aly Touré a toutefois indiqué à l'AFP qu'il avait fait appel et que les trois hommes étaient retournés en prison. "
Nous ne sommes pas d'accord avec la décision du juge, c’est pourquoi nous avons interjeté appel", a-t-il fait valoir.
Me Dinah Sampil, l’un des avocats de la défense,
"c'est un abus qui ne se justifie pas. Lorsqu'un tribunal prononce une décision, un individu, fût-il procureur, ne peut pas s'opposer à l'exécution de ladite décision."
Caution colossale
La CRIEF avait accepté la remise en liberté d'Ibrahima Kassory Fofana, Premier ministre de mai 2018 jusqu'au coup d'Etat de 2021, et de l'ancien ministre de l'Environnement Oyé Guilavogui. Il les avait placés sous contrôle judiciaire, selon Me Dinah Sampil.
Mais ces derniers devaient verser une caution de 20 milliards de francs guinéens (environ 2,1 millions d'euros), avait dit l'avocat à l'issue d'une audience devant la CRIEF.
Mohamed Diané, l'ancien tout-puissant ministre de la Défense de 2015 jusqu'en septembre 2021, également libéré et placé sous contrôle judiciaire, devait quant à lui verser une caution de 30 milliards de francs guinéens (environ 3,2 millions d'euros).
Des sommes qui constituent une fortune colossale dans un des pays les plus pauvres du monde.
Les trois anciens dirigeants ont été inculpés et écroués en avril sans qu'aucune information ne soit rendue publique sur les faits précis qui leur sont reprochés. Un quatrième, l'ancien ministre des Hydrocarbures Zakaria Coulibaly, a été relâché depuis avril et placé sous contrôle judiciaire.
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Les partis politiques crient à l'instrumentalisation
Les militaires, sous la conduite du colonel Mamady Doumbouya, entre-temps intronisé président, ont proclamé la lutte contre la corruption, réputée endémique dans le pays, comme un de leurs grands combats.
Le colonel Doumbouya a assuré qu'il n'y aurait pas de "
chasse aux sorcières". Mais une série d'enquêtes ont été ouvertes contre des personnalités de l'ancien régime et même de l'opposition à l'ancien président Condé.
La justice a annoncé début mai des poursuites contre M. Condé et une trentaine d'anciens hauts responsables sous sa présidence, pour assassinats, actes de torture ou enlèvements.
Les partis politiques crient de plus en plus fort à l'instrumentalisation de la justice et de la CRIEF.La grogne s'est amplifiée avec la décision des autorités, entérinée la semaine passée, de fixer à trois ans la durée de la période de transition censée précéder un retour des civils à la tête de ce pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires ou dictatoriaux.
La junte a annoncé, vendredi 13 mai,
interdire les manifestations de rue.Des dizaines de partis parmi les plus représentatifs ont annoncé, mercredi 17 mai, leur intention de braver l'interdit. Le porte-parole du gouvernement Ousmane Gaoual Diallo a justifié l'interdiction de manifester le lendemain devant la presse."
Les manifestations peuvent amener à un retard notable sur la mise en œuvre du calendrier sur lequel le gouvernement et le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement, la junte) se sont engagés", a-t-il justifié.
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