Fil d'Ariane
L'Union européenne souhaite négocier avec l’Égypte et le Maroc des partenariats similaires à celui qu'elle vient de conclure avec la Tunisie, portant sur la lutte contre l'immigration irrégulière.
Le président tunisien Kais Saied, et le présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au palais présidentiel à Carthage, en Tunisie, le 16 juillet 2023.
L'UE et la Tunisie ont signé ce dimanche 16 juillet à Tunis un protocole d'accord pour un "partenariat stratégique", qui concerne aussi le développement économique du pays et les énergies renouvelables.
Sur le volet migratoire, il prévoit une aide européenne de 105 millions d'euros destinée à empêcher les départs de bateaux de migrants vers l'UE depuis les côtes tunisiennes et lutter contre les passeurs.
Mais aussi à faciliter les retours dans ce pays de Tunisiens qui sont en situation irrégulière dans l'UE, ainsi que les retours depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine de migrants d'Afrique subsaharienne.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dit souhaiter que ce partenariat soit un modèle pour de futurs accords avec les pays de la région.
L’Égypte et le Maroc sont deux pays qui pourraient être concernés, a indiqué un haut responsable européen s'exprimant sous couvert de l'anonymat, soulignant les bénéfices de ce type de partenariat pour les deux rives de la Méditerranée.
Mais cet accord avec Tunis a aussi suscité des critiques en raison du traitement des migrants d'Afrique sub-saharienne dans ce pays du Maghreb. Des centaines de migrants ont été arrêtés en Tunisie puis "déportés" par la police, selon les ONG, vers des zones inhospitalières aux frontières avec Algérie et Libye.
Des femmes et des enfants ont été abandonnés en plein désert sans eau, ni nourriture ni abri, selon des témoignages recueillis.
L'ONG Amnesty International a dénoncé dans un communiqué un accord "signé malgré des preuves de plus en plus nombreuses de graves violations des droits de l'Homme par les autorités", qui équivaut à une "acceptation par l'UE d'un comportement de plus en plus répressif du président et du gouvernement tunisiens".
Jugeant l'UE "complice des souffrances qui en résulteront inévitablement", l'ONG l'a accusé "de concentrer ses financements sur l'externalisation du contrôle des frontières plutôt que sur la garantie d'itinéraires sûrs et légaux".
"Les dirigeants de l'UE se lancent une fois de plus dans des politiques qui ont échoué, basées sur un mépris total des normes fondamentales des droits de l'Homme", a ajouté Amnesty.
Il ne s'agit "pas de signer un chèque" aux autorités tunisiennes, a expliqué le responsable européen, indiquant que l'accord prévoyait des contrats avec différents acteurs, notamment le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM).
Le protocole conclu entre l'UE et la Tunisie, en présence de Ursula von der Leyen et des chefs de gouvernement italien Giorgia Meloni et néerlandais Mark Rutte, devra être approuvé par l'ensemble des Etats membres.
Si l'Italie souhaitait renvoyer en Tunisie des migrants ayant simplement transité par ce pays, Tunis a clairement fait savoir qu'il ne voulait "pas être un pays d'installation de migrants en situation irrégulière". L'accord ne porte donc que sur le renvoi de Tunisiens se trouvant en situation irrégulière dans l'UE.
Le protocole signé prévoit cependant de consacrer 15 millions d'euros -sur les 105 millions- au retour "volontaire" de quelque 6000 migrants d'Afrique sub-saharienne depuis la Tunisie vers leurs pays d'origine. "Un système d'identification" va être mis en place qui concernera aussi "les migrants irréguliers déjà présents en Tunisie".
Le Croissant rouge tunisien a déjà démarré un "profilage" de migrants récupérés la semaine passée à la frontière avec la Libye et seulement 200 sur plus de 630 acceptaient d'être rapatriés.