Une infirmière se prépare à administrer un vaccin contre la fièvre jaune, à Kampala, en Ouganda, le 2 avril 2024.
Fil d'Ariane
Le directeur général de l’agence de santé publique de l'Union africaine veut fabriquer au moins 60 % des vaccins sur le continent d'ici 2040. Il l'a affirmé, à Paris lors du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, coorganisé avec l’Union africaine (UA) et l’Alliance mondiale du vaccin (GAVI).
Jean Kaseya au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales, à Paris le jeudi 20 juin 2024.
TV5MONDE : Quels sont vos objectifs dans les prochaines années ?
Jean Kaseya, directeur d’Africa CDC (Centres africains pour la surveillance et la prévention des maladies) : Mon rôle principal est d'être le policier de la santé publique en Afrique. Donc de m’assurer que les 1 milliard 400 millions d'habitants en Afrique sont couverts par une politique sanitaire appropriée et ont accès à des soins de santé adaptés. Pour cela, les vaccins jouent un rôle extrêmement important. Pour rappel, à l'heure actuelle, nous fabriquons moins de 1 % de nos vaccins et nous voulons en 2040 en fabriquer au moins 60 %.
Plus de 70 % des fonds de l'alliance mondiale du vaccin (GAVI) sont destinés au continent africain. Certaines études ont déjà démontré qu’avec le financement que GAVI a prévu d’accorder à l’Afrique, nous devrions éviter près de 10 millions de morts supplémentaires.
J’appelle cela la deuxième indépendance d'Afrique.
Nous avons donc lancé plusieurs initiatives majeures qui changeront la face de l’Afrique. La première est la fabrication locale de nos vaccins, médicaments, diagnostics et autres produits de santé.
J’appelle cela la deuxième indépendance d'Afrique, puisque cette fabrication locale nous permettra d'assurer notre sécurité sanitaire, mais aussi d'accroître notre économie et d'assurer des créations d'emplois.
La deuxième initiative a été de renforcer la sécurité sanitaire en Afrique, avec des mécanismes comme le renforcement de la surveillance. Nous avons créé un certain nombre de laboratoires qui n'existaient pas en Afrique.
Qu'est ce que GAVI ?
Créée en 2000, GAVI est l'alliance mondiale du vaccin. Elle réunit des acteurs privés et publics pour financer des programmes de vaccination à travers le monde. En partenariat avec l'Organisation mondiale de la santé, l'UNICEF, ou encore la Banque mondiale, GAVI est présente dans 78 pays. Depuis sa création, jusqu'en 2022, l'Alliance mondiale du vaccin a permis à plus d'un milliard d'enfants d'être vaccinés.
TV5MONDE : Où en est la fabrication locale de vaccins en Afrique ?
Jean Kaseya : C'est un agenda assez complexe, mais il avance. Nous sommes conscients que les 55 pays africains ne peuvent pas tous fabriquer des vaccins. Nous avons donc mené une étude au niveau d'Africa CDC pour recenser les pays et les compagnies les plus avancés dans cet agenda.
Pour fabriquer les vaccins, il faut tout d’abord avoir les transferts de technologie. Deuxièmement, renforcer les capacités des personnes qui doivent utiliser cette technologie. Troisièmement, il faut mettre en place les infrastructures, ce qui nécessite d’importants moyens financiers. Quatrièmement, il faut s'assurer que le produit que l'on fabrique soit accepté qualitativement. C’est que l’on appelle la régulation.
Enfin, le marché doit exister. En Afrique, nous avons un milliard 400 millions d'habitants. Il s'agira du plus grand marché au monde d'ici 2040 en termes de projections de population. En combinant tous ces aspects, nous savons aujourd'hui quels sont les pays moteurs dans la fabrication des vaccins.
(Re)voir : Santé : "La fabrication locale de vaccin, c’est la deuxième indépendance de l’Afrique"
TV5MONDE : Quels sont ces pays ?
Jean Kaseya : Il y a l'Afrique du Sud où plusieurs compagnies sont à la pointe dans la production. Le Sénégal, où l'Institut Pasteur de Dakar fabrique déjà le vaccin contre la fièvre jaune et bientôt celui contre la rougeole. Nous avons l'Egypte qui s'est aussi lancée. D’autres pays, comme le Ghana, le Rwanda, ou le Maroc ont une ambition assez affirmée. Ce sont des pays qui, à l'heure actuelle, fournissent un effort pour avancer dans cette direction .
Une infirmière se prépare à administrer un vaccin contre la fièvre jaune, à Kampala, en Ouganda, le 2 avril 2024.
TV5MONDE : Quels vaccins représentent une priorité pour l'Afrique aujourd’hui ?
Jean Kaseya : La priorité, ce sont les vaccins contre les maladies qui tuent le plus.
Il y a bien sûr le vaccin contre le paludisme. Il n‘y a aucune raison que ces vaccins soient fabriqués sur un autre continent pour être ensuite exportés en Afrique. J'ai toujours milité pour qu'il y ait des transferts de technologies et que ces vaccins soient fabriqués en Afrique.
Il y a bien sûr d'autres maladies. Depuis l'année passée, on a déjà eu plus de 5000 morts dus au choléra. Nous avons également la fièvre jaune. Il faut renforcer les capacités de l’Institut Pasteur de Dakar pour fabriquer ce vaccin à grande échelle. Je voudrais pousser très fort pour le vaccin contre le VIH, puisque le VIH reste un gros problème chez nous. Il y a également le vaccin contre la tuberculose.
Nous avons des maladies prioritaires comme celles-ci. Donc nous sommes en train de discuter avec nos pays membres et avec nos partenaires pour accélérer la fabrication.