Fil d'Ariane
L'écrivain franco-algérien, lauréat du prix Goncourt pour son roman sur la décennie noire algérienne est désormais visé par deux mandats d'arrêts internationaux. Le ministère des Affaires étrangères a été informé et affirme suivre "la situation avec attention".
Le 4 novembre 2024 à Paris, Kamel Daoud répond à la presse.
En novembre dernier, un tribunal algérien avait accepté une première plainte contre l'écrivain et son épouse psychiatre pour avoir dévoilé et utilisé l'histoire d'une patiente pour l'écriture de son roman "Houris", Prix Goncourt 2024, récompense la plus prestigieuse de la littérature française.
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Deux recours avaient alors été déposés contre Kamel Daoud et son épouse qui a soigné Saâda Arbane, une rescapée d'un massacre pendant la décennie noire de guerre civile en Algérie (1992-2002, 200.000 morts). Cette dernière les accuse d'avoir utilisé son histoire sans son consentement. Suite à son dépos de plainte, l'Organisation nationale des victimes du terrorisme a aussi porté plainte.
L'émission d'un mandat d'arrêt fait partie de la procédure d'usage selon le code de procédure pénale algérien. "Si l'inculpé est en fuite ou s'il réside hors du territoire de la République", le juge d'instruction peut émettre un mandat d'arrêt international, dit la loi régissant ce cas de figure.
Apprenant être visé par ces mandats d'arrêt, l'écrivain a indiqué par la voix de son avocate qu'il allait les contester auprès d'Interpol.
Kamel Daoud "vient également d'être informé, sans autre précision, de ce que deux mandats d'arrêt auraient été délivrés à son encontre par la justice algérienne", a réagi Maître Jacqueline Laffont-Haïk, sollicitée par l'AFP. "Les motivations de tels mandats algériens ne pourraient qu'être politiques et s'inscrire dans un ensemble de procédures menées pour réduire au silence un écrivain dont le dernier roman évoque les massacres de la décennie noire en Algérie", a déploré l'avocate.
"Une requête sera donc déposée sans délai auprès de la Commission de contrôle des fichiers d'Interpol (CCF) pour s'opposer à la diffusion de ces mandats d'arrêt manifestement abusifs", a-t-elle assuré.
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"Houris" est un teme qui désigne dans la foi musulmane les jeunes filles promises au paradis. Ce roman sombre se déroule en partie à Oran et est centré autour du personnage d'Aube, une jeune femme muette depuis qu'un islamiste lui a tranché la gorge le 31 décembre 1999.
Le livre ne peut pas être édité en Algérie, car il tombe sous le coup d'une loi interdisant tout ouvrage sur la décennie noire entre 1992 et 2002, qui a fait au moins 200.000 morts, selon des chiffres officiels.
Le roman fait aussi l'objet d'une procédure devant la justice française : l'écrivain a été assigné pour non-respect de la vie privée par Saâda Arbane.
Une première audience se tient ce 7 mai devant le tribunal judiciaire de Paris dans cette affaire civile.
Kamel Daoud avait affirmé mi-décembre sur France Inter que cette histoire était "publique" en Algérie mais aussi que son roman "ne raconte pas (la) vie" de Saâda Arbane.
Son éditeur Gallimard avait lui dénoncé les "violentes campagnes diffamatoires orchestrées (contre l'écrivain) par certains médias proches d'un régime dont nul n'ignore la nature".