Kenya : après le massacre de Shakahola, que peut-on attendre du procès ?

Un an après la découverte des premiers corps dans la forêt de Shakahola, le chef de l’Église internationale de Bonne nouvelle, une secte évangélique apocalyptique, est jugé à partir de ce lundi 22 juillet pour "terrorisme". Le pasteur autoproclamé serait responsable de la mort de plus de 400 adeptes.

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Le révérend Paul Mackenzie

Le révérend Paul Mackenzie, deuxième à gauche, chef de la commune religieuse basée dans la forêt de Shakahola à Malindi, comparaît devant le tribunal de Malindi, dans la ville de Malindi, sur la côte kenyane, le 2 mai 2023.

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Au moins 429 morts. Un chiffre qui ne cesse de croître à mesure que de nouvelles fouilles donnent lieu à de nouvelles découvertes macabres. 

Un peu plus d’un an après son arrestation, le leader de la secte, le pasteur auto-proclamé Paul Nthenge Mackenzie, est jugé devant un tribunal de Mombasa pour “terrorisme”, "homicide involontaire”, "torture", "cruauté" et "assassinat" de 191 enfants… 

La liste des chefs d’accusation est à la hauteur de la découverte, En avril 2023, dans les profondeurs de la forêt de Shakahola, cette vaste zone de "bush" de la côte kényane, les autorités découvrent des dizaines d’adeptes de l’Église internationale de Bonne nouvelle.  

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Des femmes, des hommes, des enfants… morts de faim ou de déshydratation pour beaucoup. Le pasteur, qui prophétisait la fin du monde, les avait convaincus de jeûner indéfiniment, pour rejoindre Jésus et le paradis avant l’apocalypse. 

Mais les autopsies révèlent que certaines victimes, notamment les enfants, ont été battues à mort, étouffées ou étranglées. Et selon des documents judiciaires, des organes manquaient sur plusieurs corps. 

Sacs mortuaires

Des sacs mortuaires sont disposés sur les lieux où des centaines de corps ont été retrouvés dans des fosses peu profondes dans le village de Shakahola, près de la ville côtière de Malindi, dans le sud du Kenya, le 24 avril 2023.

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À mesure que les recherches avancent, des dizaines de fosses communes sont découvertes et le bilan est, à ce jour, de 429 morts. Et ce chiffre devrait continuer d’augmenter selon les autorités kényanes, qui prévoient de nouvelles fouilles dans la forêt cette année. 

Au procès, les familles en deuil en quête d’une impossible justice

Incarcéré depuis avril 2023 Paul Nthenge Mackenzie doit désormais répondre de ses crimes devant les autorités kényanes, aux côtés de 94 co-accusés. Tous ont plaidé non-coupable des accusations de "terrorisme" au cours d'une audience en janvier.

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Pour les familles et les proches des victimes, ce procès doit apporter des réponses à plusieurs questions restées en suspens. 

Car plus d’un an après la découverte des premières victimes, faute de matériel, seuls 34 des 429 corps ont été identifiés via des tests ADN. Et seulement 25 ont été restitués aux familles.

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"Nous sommes toujours dans le flou", peste Mapenzi Kombe, 31 ans, dont la sœur a disparu après avoir rejoint la secte. "Notre mère pleure tous les jours et ses larmes ne s'arrêtent pas", affirme-t-il, montrant une femme âgée assise un peu plus loin, les yeux dans le vide.

Pas de visite, pas de soutien psychologique (...). Le gouvernement nous a complètement abandonnés à notre sort. Roseline Asena, membre de la famille d'adeptes

"Nous sommes dévastés par la lenteur du processus ADN", confie Roseline Asena, dont le frère et la belle-sœur sont en détention pour avoir aidé Mackenzie à affamer des adeptes, parmi lesquels leurs cinq enfants.

La jeune femme assure n'avoir eu aucun contact avec les autorités depuis mai 2023 : "Pas de visite, pas de soutien psychologique (...). Le gouvernement nous a complètement abandonnés à notre sort", lâche-t-elle.

La régulation des cultes, un enjeu national  

Cette affaire pèse lourd sur les épaules du gouvernement kényan, critiqué de toute part. Un rapport d'une commission sénatoriale a mis en exergue les "défaillances" de la police et de la justice locales, qui n’ont pas agi. 

Le massacre de Shakahola est la pire faille de sécurité dans l'histoire de notre pays. Kithure Kindiki, ancien ministre de l'Intérieur

Pourtant, des chefs religieux et de la communauté locale avaient déposées des plaintes “dès 2017”. Ils dénonçaient "la radicalisation d'adultes pour qu'ils démissionnent de leur travail et rejoignent l'église" ou le fait de "retenir des gens en otage". 

"Le massacre de Shakahola est la pire faille de sécurité dans l'histoire de notre pays", avait reconnu l'an dernier Kithure Kindiki, alors ministre de l'Intérieur. Il promettait des réformes pour "maîtriser les pasteurs véreux" qui pullulent au Kenya, pays majoritairement chrétien comptant pas moins de 4 000 "églises"

Les réformes au point mort

Le président William Ruto avait promis de se pencher sur la régulation des nombreuses églises et sectes qui flirtent avec la criminalité. Mais les seules mesures prises depuis ont été les fermetures de quatre églises et la mutation de responsables des services de sécurité. 

Plus récemment, suite à des manifestations populaires contre le projet de loi de finances, tout le gouvernement, dont Kithure Kindiki et le procureur général, Justin Muturi, ont également été limogés, mais aucune poursuite n’a été engagée. 

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Selon la commission sénatoriale, la législation actuelle est "inadaptée" au besoin de régulation de ces églises. Elle appelle donc le parlement à "adopter le projet de loi de 2023 sur les organisations religieuses, afin de fournir un cadre législatif pour la réglementation des organisations religieuses".

Un groupe de travail chargé de "l'examen du cadre légal et réglementaire régissant les organisations religieuses" a bien été créé à la demande du président Ruto, mais les précédentes tentatives d'encadrement des cultes se sont heurtées à une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte.

Et alors que la crise politique se prolonge au Kenya, toute avancée législative semble au point mort. La population, en revanche, semble à bout de patience face à la multiplication d’affaires mettant en lumière les failles de la police et de la justice.