Le tracé d'une nouvelle route à travers Kibera, l'un des plus grands bidonvilles du continent africain, provoque la polémique à Nairobi. Lundi 23 juillet 2018, des milliers d'habitants ont assisté à la destruction de tout un quartier... Des familles entières se retrouvent désormais à la rue, sans recours.
Les bulldozers sont arrivés par surprise. Au petit matin. Désormais, de ce quartier de Kibera, il ne reste plus rien. Rien qu'un immense amas de décombres... Caroline Katumanga vit ici depuis 20 ans, avec son mai et ses enfants. La mère de famille, qui travaille comme ménagère, a tout perdu... jusqu'à son poste de télévision, son seul bien de valeur.
On nous a dit qu'une route était en cours de construction, mais que notre maison ne serait pas démolie. Tôt ce matin, alors qu'on dormait encore, on ne savait pas ce qui se passait, les enfants n'avaient même pas petit-déjeuné, on a entendu les camions détruire nos biens et on s'est précipité dehors.Caroline Katumanga, habitante de Kibera
Comme Caroline Katumanga, ils sont des milliers à se retrouver à la rue. Sans compensation financière, ni projet de réinstallation. Leur seul tort est de vivre sur le tracé d'une nouvelle route, appelée Missing ink Twelve. Quatre kilomètres de voies, un contrat de 17 millions d'euros, destiné à fluidifier le trafic à Nairobi qui souffre d'embouteillages monstres. Les autorités affirment avoir proposé de l'argent et des solutions aux habitants, sans succès.
Ce qui s'est passé, c'est qu'ils ont refusé. Ils ont refusé de venir, Ils ont refusé de coopérer. Et ce n'est que maintenant, avec cet avis d'expulsion mis en branle deux ans après la date prévue, qu'ils se rendent compte que le gouvernement est très sérieux et qu'il n'y a aucun moyen d'y échapper.John Cheboi, porte-parole de l'Autorité kényane des routes
Kibera, c'est l'un des plus grands bidonville du continent africain, réputé loger un à deux millions de personnes. Un recensement en 2010 a cependant fait état d'une population de 170 000 personnes seulement et depuis aucun nouveau décmpte n'est venu réactualiser ce chiffre.
Entassés dans des cabanes insalubres, sans électricité, sanitaires, ni eau potable, les habitants n'ont aucun droit sur ces terres qu'ils occupent parfois depuis des décennies.
On est né ici. Et pendant tout ce temps, on savait que c'était notre terre mais il n'y a pas de titres de propriété à Kibera, alors le gouvernement arrivera toujours à obtenir ce qu'il veut.Mafisa Burhan, habitante de Kibera
Les habitants ont porté l'affaire devant les tribunaux à deux reprises mais ils ont été déboutés par la justice qui qualifie la route de projet d'
"intérêt général".
On condamne cette action. Je pense que 30,000 ménages, entreprises, écoles, cliniques, centres communautaires et centres de jeunesse, ont été rasés, le tout en l'espace de cinq ou six heures. On avait à peine commencé le décompte des gens qui vivent sur ces terres, que les bulldozers sont arrivés sous haute sécurité. Irungu Houghton, directeur d'Amnesty International France
L'ONG
Amnesty International estime que ces expulsions forcées violent les droits humains des habitants. Elle exige l'arrêt immédiat des démolitions.