Kenya : en campagne, les candidats à la présidentielle laissent de côté les victimes de la sécheresse

La Corne de l’Afrique connaît actuellement sa pire sécheresse depuis 40 ans. Dans les régions désertiques au Nord du Kenya, les populations locales sont au bord de la famine. Des élections présidentielles et parlementaires doivent avoir lieu le 9 août prochain dans le pays. Pourtant la sécheresse fait figure de grand absent des programmes. 
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Kenya sécheresse juillet 2022
Le 23 juillet 2022 à Kachoda dans le nord du Kenya, un villageois porte un sac de nourriture livré par l'USAID, l'agence américaine pour le développement international.
© AP Photo/Desmond Tiro
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Le nord du Kenya n'a plus vu une goutte de pluie depuis trois ans. Dans ce désert de poussière, il ne reste plus que des baies sauvages à manger. Loka Metir nourrit ses cinq enfants de ces baies même si elle sait que ça les rend malades. "C'est le seul moyen de survivre", explique cette mère de famille à l’AFP. Ses enfants et elle vivent dans le hameau de Purapul dans l'aride comté de Marsabit au Nord du pays. Leur hutte se situe à deux jours de marche de la ville la plus proche.

Face à la sécheresse, le nord du Kenya est au bord de la famine

La Corne de l'Afrique connaît sa pire sécheresse depuis 40 ans. Dans la région, au moins 18 millions de personnes connaissent une situation de faim extrême. 

Au Kenya, quatre saisons consécutives de pluies insuffisantes ont créé les conditions les plus sèches depuis le début des années 1980. Les rivières s'assèchent, les pâturages se transforment en poussière causant la mort de plus de 1,5 millions de têtes de bétail dans le pays. 

Ces catastrophes ont des impacts immédiats. Dans le pays, la faim concerne 4 millions de personnes. Dans les régions désertiques du nord, près de 950.000 enfants de moins de cinq ans et 134.000 femmes enceintes ou allaitantes souffrent de malnutrition aiguë.
Dans les trois comtés les plus durement touchés, dont celui de Marsabit, les conditions frôlent la famine.

La sécheresse, absente des programmes présidentiels

De prochaines élections présidentielles et parlementaires doivent avoir lieu le 9 août prochain au Kenya. Éclipsée par les problèmes de "vie chère", la sécheresse figure à peine sur l'agenda des candidats selon l'AFP.

La principale économie d’Afrique de l’Est se remet tout juste des effets de la pandémie de coronavirus. Sa reprise fragile est à nouveau freinée par la sécheresse et les impacts de la guerre en Ukraine selon la Banque mondiale. 

À l'échelle nationale, le sort du lointain nord kényan est passé "sous le tapis", estime l'économiste Timothy Njagi, contacté par l'AFP. "Comme c'est une année électorale, nous aurions [pourtant] pu imaginer que ce serait un sujet de discussion-clé" regrette le membre de l'Institut Tegemeo de politique et de développement agricoles à Nairobi.

Dans les grandes villes, les populations menacent de boycotter le scrutin du 9 août prochain. Les citoyens exigent une baisse des produits essentiels (denrées alimentaires, essence…) aux cris de “pas de nourriture, pas d'élections". 

Une perte de confiance dans les pouvoirs publics

Des carcasses d'animaux jonchent les étendues rocailleuses autour de Purapul. Dans ce village du Nord du pays les familles d'éleveurs tentent de survivre sans lait, ni viande, ni monnaie d'échange pour se procurer de la nourriture.

Iripiyo Apothya, éleveuse de la région, a vu ses chèvres maigrir, puis mourir. "Maintenant, je mange ce que les singes mangent", soupire cette femme de 73 ans en montrant une poignée de baies. Elle les fait bouillir et réduire en une pâte amère mais s’inquiète pour sa survie : "Même ça ça s'épuise. Que peut-on faire ?"

Le village est isolé comme souvent dans ces régions septentrionales oubliées. Il n’y a ni école, ni route, ni magasin, ni dispensaire. La ville la plus proche, Loiyangalani, se trouve à 60 kilomètres.

Les deux principaux candidats à la présidence, William Ruto et Raila Odinga, sont bien venus en hélicoptère faire campagne dans ces régions frappées par la sécheresse. Ils promettent infrastructures et développement mais leur séjour est resté bref dans ces endroits où peu de voix sont à gagner. 

L’état de catastrophe nationale dû à la sécheresse est déclaré depuis septembre dernier. Depuis cette période, le gouvernement affirme avoir dépensé plus de 9 milliards de shillings kényans (76 millions de dollars). Le préfet adjoint de Loiyangalani dans le Nord Ouest du pays assure : “Nous traversons une période économique difficile. Nous faisons tout notre possible, dans la mesure des moyens du gouvernement pour soutenir les communautés". Les deux candidats doivent assumer le bilan des autorités sortantes. William Ruto est vice-président depuis près de dix ans et Raila Odinga est soutenu par le président sortant. 

"C'est donc du perdant-perdant pour quiconque évoque le sujet", estime Karuti Kanyinga, de l'Institut d'études sur le développement de l'Université de Nairobi.

Selon Claire Nasike, de Greenpeace Afrique, les promesses des deux candidats d'investir dans l'approvisionnement en eau et l'agriculture restent très vagues. "Les détails concrets sur la manière dont ils vont faire face aux crises climatiques n'ont pas été abordés", résume-t-elle.

Une faible mobilisation internationale pour ses terres oubliées

Si les prévisions d'une prochaine saison des pluies défaillantes se confirment, cette sécheresse historique pourrait se poursuivre en 2023. Pourtant la mobilisation de la communauté internationale reste faible sur cet enjeu. Aujourd’hui un appel pour des fonds d'aide en Ukraine récolte 1.92 milliard de dollars, soit près de 86% de son objectif, selon l'ONU. A l'inverse, l'appel bien moindre pour la sécheresse au Kenya n’est pourvu qu’à 17%. 

World Vision est l'une des rares organisations caritatives à fournir de l'aide sur place. James Jarso, l’un de ces représentants déclare : “Le type d'aide que nous apportons n'est qu'une goutte dans l'océan".

  • (Re)voir - Kenya : Survivre à la sécheresse
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