C’est une grande victoire pour les défenseurs des droits humains. Le 23 janvier dernier, l’Angola a supprimé de son code pénal un article qui condamnait les « vices contre-nature ». Une disposition héritée du Portugal, l’ancienne puissance coloniale, et qui, de fait, était interprétée comme une interdiction des relations sexuelles entre personnes de même sexe.
On tourne une page pour tous les citoyens homosexuels qui sont désormais une entité reconnue par l’Etat.
Carlos Fernandes, association Iris Angola.
Les autorités angolaises ont aussi inscrit dans la loi, l’interdiction des discriminations à l’égard des personnes LGBT+ (lesbienne, gay, bi et trans). Dans une déclaration à nos confrères de l’AFP, Carlos Fernandes, de l’association Iris Angola qui lutte pour les droits des personnes LGBT+, affirme : « On tourne une page pour tous les citoyens homosexuels qui sont désormais une entité reconnue par l’Etat, ce qui donne encore plus de légitimité aux interventions de notre organisation. »
L’Angola rejoint ainsi la liste, encore restreinte, des pays qui ont cessé d’ériger en infraction les relations consenties entre personnes de même sexe. Sur le continent africain, l’Afrique du Sud a été le premier pays à bannir de sa constitution de 1996, les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle.
Dans la foulée, le pays de Nelson Mandela a aboli les dispositions contre la sodomie dans les lois annexes. Puis, en 2002, l’adoption par les couples de même sexe est autorisée. Ensuite, en 2004, une loi sur la reconnaissance juridique du genre est votée. Et deux ans plus tard, il a autorisé le mariage entre personnes de sexe identique. Entre 2000 et 2010, d’autres pays comme le Cap-Vert, les Seychelles, Sao-Tomé-et-Principe, Maurice, le Botswana ou encore le Mozambique, ont également fait évoluer leurs législations.
Sur les 45 pays que compte l'Afrique subsaharienne aujourd'hui, 28 disposent toujours de législations qui répriment ou interdisent l'homosexualité. Au sud de la Somalie, dans les territoires contrôlés par les Chabab (ou Shebab en anglais), les islamistes liés Al-Qaïda, les personnes homosexuelles sont mises à mort. En Tanzanie, elles risquent au minimum 30 ans de prison, voire la perpétuité. En Ouganda, au Tchad ou encore en Zambie, l'homosexualité est punie de peines pouvant aller jusqu'à de prison, assorties parfois de très fortes amendes.
Cependant, les violations des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées, sont toujours légion en Afrique subsaharienne. Dans un rapport paru en 2013, Amnesty International rappelle que plus d’une trentaine de pays du continent « continuent d’ériger en infraction les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe. » Depuis 2009, l’Ouganda par exemple, tente de faire adopter un projet de loi contre l’homosexualité, qui serait alors punie de la peine de mort.
D’ailleurs, en Mauritanie, comme dans le nord du Nigeria, ou encore au sud de la Somalie, les rapports entre personnes de même sexe sont passibles d'une condamnation à la peine capitale. Et comme le souligne Amnesty International : « L’existence de lois et politiques punitives, fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, n’est pas le seul problème auquel sont confrontés les LGBT+ en Afrique subsaharienne. Les violences, sexuelles notamment, liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre sont endémiques à certains endroits. »
Et si un niveau élevé de violences existe encore aujourd’hui à l’encontre des personnes LGBT+, c’est parce que dans de nombreux pays du continent, une partie de la population continue d’affirmer que l’homosexualité vient de l’Occident. Et dans ces pays, le sentiment homophobe est très largement répandu. Au Cameroun, par exemple, certains journaux instrumentalisent très régulièrement la question homosexuelle.
Les personnes LGBT+ sont ainsi devenues les boucs émissaires d’une société où les valeurs morales sont en perte de vitesse, où les égoïsmes prennent le pas sur les solidarités ancestrales, où l’argent est roi, quelle que soit la manière dont il est gagné, où la majorité de la population est en proie à d’incommensurables difficultés économiques et sociales. Dans toutes les couches sociales, l’homophobie s’affiche désormais au grand jour.
Pis, les amalgames entre homosexualité, pédophilie, pédérastie, franc-maçonnerie, Rose-Croix, prostitution, tourisme sexuel et pratiques perverses de toutes sortes se multiplient. Un peu partout sur le continent, le débat est souvent difficile, voire impossible. Les positions sont manichéennes. Il faut être pour ou contre. Et dans leur immense majorité, les populations locales estiment que l’homosexualité est une inclination contraire aux « traditions africaines ».
D’où la résurgence du vieux mythe selon lequel l’homosexualité aurait été introduite en Afrique par les Occidentaux. Or ce qui est vrai, c’est qu’à leur arrivée en Afrique, les premiers explorateurs, tout comme les missionnaires, considéraient les pratiques sexuelles africaines comme le comble de la dépravation. Et, sans avoir réalisé la moindre étude sur le sujet, ils affirmèrent que l’homosexualité n’existait pas sur le continent.
Au Zimbabwe, une peinture rupestre vieille de 2 000 ans, montre des relations sexuelles entre hommes.
Amnesty International
Or, dans son rapport daté de 2013, Amnesty International précise que : « Des conceptions différentes du "sexe" dans certaines parties d’Afrique avant la colonisation semblent avoir permis une certaine tolérance à l’égard des relations entre personnes de même sexe. En outre, des mariages entre femmes ont été recensés dans plus de quarante groupes ethniques en Afrique, répartis dans toute l’Afrique méridionale, au Bénin, au Nigeria, au Kenya et au Soudan du sud. Au Zimbabwe, une peinture rupestre vieille de 2 000 ans, montre des relations sexuelles entre hommes. On sait que les sociétés zoulou, haoussa, ou yoruba acceptaient les hommes qui ne se conformaient pas à la norme en matière de genre – dont beaucoup avaient des rapports sexuels entre hommes. »
Au nord de l’Ouganda, les Langis désignaient par l'expression mudoko dako, des hommes qui étaient traités comme des femmes et qui pouvaient se marier avec d’autres hommes. Ce qui conduit nombre de chercheurs à affirmer que durant des siècles, dans certaines régions d’Afrique, « les différences d’orientation sexuelle et d’identité de genre ont été tolérées avant la colonisation. »
Et comme le souligne une fois de plus Amnesty International dans son rapport : « Les Africains ont été encouragés par [les puissances coloniales ] et leurs religions, à considérer que le mépris et la peur à l’égard des personnes exprimant une orientation sexuelle ou une identité de genre non conventionnelle, étaient un signe de progrès et de civilisation. »
Mieux, la quasi-totalité des pays africains ont également hérité des codes pénaux avec des dispositions souvent punitives sur les comportements sexuels.
Et contrairement aux idées reçues, ces lois qui sont encore appliquées dans de nombreux pays subsahariens, ne sont pas une émanation des coutumes et traditions locales. Et, lorsqu’on sait qu’en Afrique l’univers de la sexualité est encore entouré de nombreux tabous, alors l'on comprend aisément les controverses que peuvent susciter ces questions. D’ailleurs, l’on oublie trop souvent que pour tous les êtres humains, la construction de l’identité sexuelle est un processus complexe, qui intègre des facteurs psychologiques, sociologiques et culturels.
Dans un ouvrage intitulé « La question homosexuelle en Afrique. Le cas du Cameroun», paru en 2006, chez L'Harmattan, le sociologue d'origine camerounaise Charles Gueboguo, montre que l'homosexualité a toujours été de toutes les cultures. Seule sa conceptualisation change en fonction des univers sociaux.
ans l'histoire de l'homosexualité sur le continent, il distingue ainsi quatre grandes catégories de situation. La première concerne l'homosexualité liée aux classes d'âge et aux jeux érotiques. Chez les Bafia du sud du Cameroun par exemple, l'on considérait autrefois que pour avoir une bonne croissance, les garçons devaient franchir trois étapes. Au cours de la première, tous les garçons âgés de 6 à 15 ans vivaient entre eux, à l'écart des jeunes filles ; d'où une grande promiscuité, qui amenait nombre d'adolescents à avoir, parfois, des relations sexuelles avec les plus jeunes.
La deuxième catégorie appartient aux rites initiatiques, dont certains incluaient des pratiques homosexuelles. Ces rites servaient soit à resserrer les liens au sein du groupe, soit à initier les hommes à l'art de la guerre, ou encore à permettre le passage de l'adolescence à l'âge adulte.
Toujours dans le sud et le centre du Cameroun, deux rites ancestraux, le Mevungu chez les Beti et le Ko'o chez les Bassa, comprenaient notamment des attouchements à caractère homosexuel entre femmes.
La troisième catégorie concerne les relations entre personnes de même sexe, qui découlent soit de l'absence prolongée d'hommes ou de femmes, soit d'une frustration envers son partenaire. En Afrique australe, lorsqu'elles étaient mariées, les jeunes femmes herero justifiaient leurs pratiques homosexuelles, désignées par le terme epang, par l'insatisfaction à laquelle elles étaient confrontées dans leurs foyers. Enfin, la dernière catégorie c'est celle de l'homosexualité identitaire. Il s'agit des hommes et des femmes qui préfèrent avoir des relations avec des personnes de sexe identique. Dans le sud de l'actuelle Zambie, par exemple, ces personnes étaient appelées mwaami dans la langue ila.