Kenya : lourdes sanctions pour les médias qui diffament le Parlement
Les médias kényans ont accueilli avec consternation, jeudi 15 octobre, l'adoption par l'Assemblée nationale d'un projet de loi qui pourrait valoir aux journalistes de lourdes amendes ou une peine de prison s'ils sont reconnus coupables d'avoir "diffamé" le Parlement.
Sur cette photo du 6 mars 2013, un employé du Centre national de décompte de Nairobi (Kenya) lit un journal dont le titre évoque les problèmes de comptage de votes durant l'élection présidentielle.
AP Photo/Ben Curtis
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Un article interdit la publication de tout écrit jugé "diffamatoire envers le Parlement" et prévoit pour les contrevenants des amendes pouvant atteindre 500.000 shillings (4.245 euros) ou une peine de deux ans de prison.
Haron Mwangi, directeur du Media Council of Kenya (Conseil des médias du Kenya), l'organe régulant la presse dans le pays, a dénoncé une loi "qui porte atteinte à la liberté d'expression et aux médias"."Cela aura l'effet néfaste d'entraver les médias et de les empêcher d'exercer leur vigilance au service de la société", a-t-il ajouté."C'est un crime de dire quoi que ce soit qui déplait aux députés", a pour sa part titré en Une le journal Daily Nation. L'autre grand quotidien kényan The Standard a regretté "une journée noire dans la guerre contre la corruption" et estimé que les parlementaires avaient "ouvertement montré leur haine de la liberté de la presse".
Le projet de loi doit encore être approuvé par le Sénat et promulgué par le président Uhuru Kenyatta avant d'entrer en vigueur. Des restrictions similaires à la liberté de la presse avaient été adoptées en 2013, avant d'être renvoyées au Parlement. Les députés ont défendu la future loi. Elle permettra au Parlement de ne plus être sujet à la "vindicte populaire", a estimé l'un d'eux, Nicholas Gumbo, cité dans le Standard. "Allons-nous autoriser des informations mensongères et scandaleuses juste parce que nous sommes députés?", s'est-il demandé.
Le Kenya figure à la 100e place sur 180 au classement de la liberté de la presse de l'ONG Reporters sans frontières. Le régime actuel est perçu par les médias comme très hostile à leur égard, dans un pays où la liberté d'expression est pourtant plutôt bien ancrée.
Au Kenya, un mandat électif est souvent perçu comme un moyen d'enrichissement personnel. En juillet, un rapport du controleur général du Kenya a jeté une lumière crue sur l'ampleur de la corruption qui gangrène le pays: à peine 1% des dépenses du gouvernement y répondent aux règles comptables. Dans l'Indice de perception de la corruption 2014 de l'ONG Transparency International, le Kenya est classé 145e sur 174 pays.