Kenya : "massacre de Shakahola", le procès d'une secte évangélique apocalyptique

Le chef d'une secte évangélique apocalyptique et des dizaines de coaccusés ont comparu ce  lundi 8 juillet devant un tribunal de Mombasa. Ils sont jugés pour "terrorisme" après la mort de centaines d'adeptes.

Image
Paul Nthenge Mackenzie l

Le pasteur Paul Nthenge Mackenzie le 1er  décembre 2023 lors d'une première comparution au tribunal. 

AP Photo/Gideon Maundu
Partager2 minutes de lecture

En avril 2023, le Kenya découvrait les premières victimes de ce qui sera baptisé "le massacre de Shakahola", du nom d'une forêt du sud-est du pays où les corps de 429 adeptes de la secte ont été retrouvés. 

Que s'est-il passé ? 

Dans la forêt de Shakahola, vaste zone de "bush" de la côte kényane, le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie aurait incité ses adeptes à mourir de faim afin de "rencontrer Jésus" avant la fin du monde qu'il annonçait pour août 2023.

Un "groupe d'hommes de main" était chargé de veiller à ce que les adeptes ne rompent pas le jeûne ou ne s'échappent de la forêt.

Les autopsies ont révélé que la majorité des victimes sont mortes de faim mais certaines, dont des enfants, ont été étranglées, battues ou étouffées.

Qui est Paul Nthenge Mackenzie ? 

Chauffeur de taxi qui s'est proclamé pasteur, Paul Nthenge Mackenzie fonde l'Eglise internationale de Bonne Nouvelle en 2003, ouvrant des branches dans la capitale Nairobi et sur la côte kényane. En 2017, il lance sa chaîne YouTube, diffusant des vidéos mettant en garde ses abonnés contre les pratiques "démoniaques", comme le port de perruques et les paiements mobiles.

Après avoir enfreint la loi pour ses prêches apocalyptiques, il affirme avoir fermé son église en 2019 et déménage à Shakahola, zone reculée à l'ouest de la ville côtière de Malindi. Père de sept enfants nés de trois mariages, Paul Nthenge Mackenzie était également "codirecteur d'un organe de presse qui servait à délivrer des sermons apocalyptiques", selon des documents judiciaires consultés par l'AFP.

Sa date de naissance est incertaine. Les services d'état civil ont déclaré devant une commission d'enquête qu'il possède deux documents d'identité, l'un affirmant qu'il est né en 1973, l'autre en 1976.

Combien de corps ont été retrouvés ? 

Jusqu'à présent, 429 corps ont été retrouvés dans des fosses communes dans la forêt de Shakahola. Ce bilan est encore provisoire, de nouvelles exhumations étant prévues cette année. Seuls 34 des 429 corps ont été identifiés via des tests ADN, faute de matériel, et 25 ont été restitués aux familles.

Un total de 67 adultes et 25 enfants, âgés de 1 à 17 ans, ont été secourus.

Quelles poursuites judiciaires ? 

Avec 94 co-accusés (54 hommes et 40 femmes), Paul Nthenge Mackenzie est accusé de "terrorisme", "assassinat" de 191 enfants (dont trois nourrissons), "homicide involontaire", "torture" et "cruauté" sur enfants. 

Le pasteur autoproclamé et ses co-accusés, dont son épouse, ont plaidé non coupable.

Les nouvelles audiences qui ont commencé lundi doivent se poursuivre jusqu'au 11 juillet, et à nouveau du 22 au 25 juillet, selon les médias locaux.

Les auditions dans l'affaire d'homicide involontaire devraient commencer en août.

Les suspects ont été détenus pendant neuf mois avant d'être inculpés, ce qui constitue la détention provisoire la plus longue depuis la promulgation de la Constitution en 2010.

 Quelles suites à attendre ? 

Des rapports d'une commission sénatoriale et d'une organisation officielle indépendante de défense des droits humains ont pointé du doigt la police et la justice, accusées d'avoir ignoré les avertissements qui auraient pu éviter ces décès.

Des responsables régionaux des services de sécurité ont été mutés, mais aucun n'a fait l'objet de poursuites. 

Le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki, qui a décrit les "massacres de Shakahola" comme la pire faille de sécurité de l'histoire du pays d'Afrique de l'Est, a annoncé que la forêt de 325 hectares serait transformée en un "lieu de mémoire" dédié aux victimes.