Kenya : meurtre d'un militant des droits LGBTQ, les 5 suspects en détention

Le corps d'un militant des droits des personnes LGBTQ a été découvert le 4 janvier 2022 dans une malle. Un tribunal kényan a ordonné ce 9 janvier la mise en détention de cinq suspects. L'ONU est "secouée" par ce meurtre.
Image
Activiste LGBTQ
AP Photo/Ben Curtis
Un activiste LGBTQ tient un drapeau arc en ciel dans la salle d'audience de la Cour suprême de Nairobi, au Kenya, le 24 may 2019 (image d'illustration)
Chargement du lecteur...
Partager5 minutes de lecture

Après la découverte dans une malle du corps du militant et mannequin Edwin Chiloba, le tribunal d'Eloderet au Kenya a décidé le maintien en détention pendant trois semaines de cinq suspects.

(Re)voir : Kenya : le choc après la mort d'un militant de la cause homosexuelle

Edwin Chiloba
Le militant des droits LGBTQ Edwin Chiloba. 
Lawrence Leteipa via AP

Le corps d'Edwin Chiloba, un designer et mannequin âgé de 25 ans, a été retrouvé le 4 janvier 2023 sur le bas-côté de la route à quelque 40 km de la ville d'Eldoret, dans la vallée du Rift. Selon une source policière ayant requis l'anonymat, la victime a été "étranglée" après avoir été "torturée". Un porte-parole de la police, Resila Onyango, indique au quotidien The Star que le mobile du meurtre était pour l'heure inconnu. "Les experts enquêtent sur le sujet", dit-il.

Les cinq suspects ont comparu devant le tribunal d'Eldoret, ville de la vallée du Rift, mais ne se sont pas exprimé. Le magistrat Richard Odenyo leur a ordonné de revenir devant le tribunal le 31 janvier.

Parmi ces suspects se trouve Jacktone Odhiambo, un photographe indépendant, qui selon des informations de presse était un amant de la victime et qui est accusé de l'avoir tuée. 

Les quatre autres suspects maintenus en détention sont soupçonnés d'avoir aidé Jacktone Odhiambo à se débarrasser du corps de Chiloba, retrouvé à 40 kilomètres d'Eldoret, a indiqué la police dans des documents judiciaires consultés par l'AFP.

La voiture qui aurait transporté la malle métallique dans laquelle le corps a été retrouvé a été mise à la fourrière mais "doit encore être soumise à un examen médico-légal", a précisé la police. 

Une autopsie devrait être pratiquée sur le corps de la victime le 9 janvier.

La police a demandé au tribunal un délai supplémentaire pour examiner les images de vidéosurveillance d'un club où Chiloba et Jacktone Odhiambo avaient été vus en train de faire la fête avant le meurtre.

"L'affaire a suscité beaucoup d'intérêt de la part du public et il est probable que les suspects subiront des préjudices s'ils sont en liberté conditionnelle", a déclaré David Fedha, avocat principal du ministère public, dans des documents déposés au tribunal. 

L'ONU "secouée" par le meurtre 

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk se dit "secoué" par le meurtre d'Edwin Chiloba. Il appelle à renforcer la protection de ces militants dans le monde. Volker Türk s'est dit sur Twitter "secoué par le meurtre du militant des droits humains Edwin Chiloba", exprimant sa "profonde tristesse".

Il témoigne sa "solidarité envers les activistes LGBTQI+ à travers le monde" et souligne "l'urgente nécessité de redoubler d'efforts pour leur protection".

De nombreuses discriminations envers les personnes LGBTQ

Les militants des droits LGBTQ ont appelé à ce que l'enquête avance rapidement. Au Kenya, les personnes LGBTQ sont confrontées à la précarité et aux discriminations dans une société majoritairement chrétienne et conservatrice où l'homosexualité est taboue, comme dans de nombreux pays d'Afrique.   

Les relations sexuelles entre personnes de même sexe sont punies par la loi, avec des peines pouvant aller jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. "Continuer à voir une escalade dans la violence visant les Kenyans LGBTQ+ est préoccupant", déclare dans un communiqué la Commission kényane des droits humains. "Tous les jours, les droits des personnes LGBTQ+ sont violés sans vrai conséquence pour les auteurs", dénonce-t-elle. La Commission exhorte la police "à mener de rapides investigations et faire en sorte que les tueurs soient appréhendés et poursuivis".

Le Forum féministe LGBTQ, dans l'ouest du Kenya, où vivait Edwin Chiloba, souligne que le designer avait utilisé "la mode pour déconstruire le genre et promouvoir les droits de la communauté marginalisée". "Nous voulons savoir, en tant que communauté, ce qui est arrivé à Edwin, pourquoi il a été assassiné et qui a déposé son corps sur les lieux", indique la directrice des programmes du groupe, Becky Mududa. En avril l'an dernier, un autre militant LGBTQ avait été retrouvé assassiné au Kenya.
 

L'assassinat d'Edwin Chiloba vient s'ajouter à d'autre meurtres de militants qui ne sont toujours pas résolus selon la selon la Commission nationale kényane des droits humains.

Sheila Lumumba, 25 ans, a été retrouvée morte dans son appartement à Karatina, dans le comté de Nyeri le 17 avril 2022. Elle a été agressée par six hommes qui l'ont torturée et violée le 14 avril. Sheila n'avait parlé de son orientation sexuelle, elle se définissait comme lesbienne non binaire, qu'à quelques amis. Elle travaillait comme hôtesse dans un hôtel. Ses agresseurs n'ont toujours par été arrêtés. 

Erica Chandra se définissant comme femme transgenre a été brutalement assassinée. Son corps a été retrouvé dans un fossé le 30 août 2021. Erica faisait partie d'une ONG "JINSiANGU" qui milite pour le respect des minorités sexuelles.

Joash Mosoti, 29 ans, a été assassiné le 10 mai 2021. Il a été attaqué, torturé et étranglé par des inconnus chez lui à Mombasa. C'était un militant actif de l'association HAPA, une ONG pour les minorités sexuelles et soutenant les personnes atteintes du SIDA.


Selon la presse, la famille d'Edwin Chiloba prévoit des funérailles samedi 14 janvier.