Fil d'Ariane
Malgré l'interdiction du chef de la police, les manifestations contre la vie chère continuent au Kenya. La police a tiré des gaz lacrymogènes ce 12 juillet. Elle affirme qu'il y aurait six morts parmi les manifestants.
Manifestations contre la vie chère à Nairobi. Une manifestante avec une pancarte qui dit en swahili "Ruto, mais à quoi tu penses ? On en a marre" .
Les commerces étaient fermés et la capitale Nairobi placée sous haute surveillance policière ce 12 juillet. Dans le bidonville de Mathare, la police a tiré des grenades lacrymogènes sur des manifestants, qui jetaient des pierres. Elle en a également fait usage pour disperser des manifestants dans la ville portuaire de Mombasa (sud).
"Nous avons trois morts à Mlolongo" près de la capitale Nairobi, "où un groupe de manifestants avait bloqué la route pour protester et nous en avons aussi deux autres à Kitengela et un à Emali", respectivement à 30 km et 120 km au sud de la capitale, a déclaré une source policière, qui a requis l'anonymat. Le bilan a été confirmé le 12 juillet dans ces trois villes par une autre source policière.
La semaine dernière, le 7 juillet, lors de manifestations dans plusieurs villes du pays à l'appel du leader de l'opposition, Raila Odinga, au moins trois personnes ont été tuées. La Commission nationale des droits de l'homme du Kenya a appelé le lendemain à l'ouverture d'une "enquête approfondie" sur tous les cas signalés de "brutalités policières".
Le vétéran de l'opposition kényane, Raila Odinga, plusieurs fois candidat malheureux à la présidentielle, à l'origine de la mobilisation, accuse le 12 juillet lors d'une conférence de presse la police d'avoir "tiré, blessé et tué des manifestants", notamment à Nairobi. "Nous avons toujours dit que ces réunions restent pacifiques jusqu'à ce que la police décide de les disperser avec des balles et des gaz lacrymogènes", affirme-t-il.
Ces incidents interviennent quelques jours après d'autres manifestations meurtrières contre le gouvernement du président William Ruto dans plusieurs villes du pays. Au moins six personnes y ont été tuées, selon le ministère de l'Intérieur, et des ONG ont dénoncé une violente répression policière.
Le 11 juillet, le chef de la police nationale avait interdit les manifestations appelées de nouveau ce mercredi par l'opposition, au motif que cette dernière n'en aurait pas prévenu les autorités, et invité la population à ne pas se joindre à ces "rassemblements illégaux".
Le 7 juillet dernier, des manifestations avaient eu lieu dans plusieurs villes à l'appel de Raila Odinga.
À Nairobi, la police avait tiré des gaz lacrymogènes contre le convoi du chef de l'opposition. Elle avait fait de même pour disperser des rassemblements à Mombasa (sud) et Kisumu (ouest).
Le samedi 8 juillet, des militants ont affirmé que la police avait tiré des gaz lacrymogènes sur des représentants de la société civile, dont l'ancien juge en chef Willy Mutunga, qui réclamaient la libération de dizaines de personnes arrêtées lors des manifestations.
"Nos activités sont protégées par la constitution qui garantit les droits de protester, manifester, se rassembler et exprimer des revendications", a souligné auprès de l'AFP le porte-parole d'Odinga, Dennis Onyango.
L'alliance Azimio de Raila Odinga, défaite par le candidat Ruto à la présidentielle d'août 2022 et qu'elle estime lui avoir été "volée", entend organiser des manifestations chaque semaine contre la politique menée par le gouvernement.
De nombreux Kényans, frappés de plein fouet par les hausses de prix et taxes, disent ne pouvoir supporter les perturbations causées par les manifestations, et n'entrevoient guère d'amélioration de leur situation à court terme.
"Avant, j'attendais les manifestations, je voyais cela comme la seule manière de nous faire entendre, mais rien ne change, ça empire même", déclarait à l'AFP Ruth Nyakundi, un employé de ménage de 41 ans, à la veille des nouvelles manifestations.
"On sait tous comment cela va se terminer, on a déserté les rues et la police patrouille dans la ville. Laissez-moi juste rentrer chez moi et regarder ce qui va se passer à la télé", explique à l'AFP Lameck Mwangi, un commerçant de Nairobi de 34 ans, qui a fermé son magasin d'électronique pour la journée.
Début juillet, le président Ruto a promulgué une loi de finances qui instaure une série de nouvelles taxes, malgré les critiques de l'opposition et de la population de ce pays touché par une forte inflation.
Le texte prévoit notamment une hausse de la TVA sur les carburants de 8 à 16%, ainsi qu'un impopulaire prélèvement sur les salaires afin de financer un programme de logement à bas prix. Initialement prévu à 3%, il a été réduit à 1,5%.