Jets de pierre, gaz lacrymogène, pillages : dans la capitale kényane Nairobi, l'appel à manifester contre le gouvernement du président Ruto, dans le cadre d'un mouvement de contestation lancé mi-juin, a donné lieu à des échauffourées et dégradations.
Nairobi, 2 juillet 2024.
Des rassemblements de plusieurs centaines de personnes se sont également tenus dans d'autres villes (Mombasa, Kisumu, Nakuru...). A Mombasa, deuxième ville du pays, des voitures ont été incendiées et au moins un commerce vandalisé, selon des images de la télévision kényane.
Le Kenya est secoué depuis deux semaines par une vague de contestation, déclenchée par le projet de budget 2024-25 prévoyant de nouvelles taxes, qui a cristallisé un plus large mécontentement contre William Ruto, élu président en 2022.
Ce mouvement - dépourvu de véritable leader et d'organisation - a viré au bain de sang lors de la journée du 25 juin, qui a notamment vu la police tirer à balles réelles sur la foule qui prenait d'assaut le Parlement.
39 personnes ont été tuées depuis la première manifestation le 18 juin, dont au moins 22 le 25 juin, selon l'agence officielle de protection des droits humains (KNHCR). Human Rights Watch a fait état de 31 morts le 25 juin. Les autorités ont, elles, donné un bilan de 19 morts, sans précision de date.
Malgré l'annonce par le président qu'il retirait le projet de budget, les appels à se mobiliser ont continué mais été diversement suivis, notamment au sein de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997) qui était au coeur du mouvement.
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Comme jeudi dernier, la foule nombreuse, variée et pacifique des premières manifestations a laissé place mardi dans le centre d'affaires (CBD) de Nairobi à des groupes de jeunes hommes jetant des pierres aux forces de l'ordre, qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes.
Dans ce quartier, épicentre du mouvement, de nombreux magasins étaient restés fermés mais les rideaux de fer n'ont pas empêché des pillages. Du mobilier urbain a également été brûlé.
Plusieurs personnes ont été arrêtées, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Les voyous se sont infiltrés", a déploré Hanifa Adan, une des figures du mouvement de contestation, dans un message sur X ponctué de coeurs brisés.
Dans un geste symbolique, certains manifestants ont disposé quelques cercueils sur la principale avenue du CBD, rapidement dégagés par la police.
Hors du CBD, des axes de circulation, comme la voie rapide de Waiyaki Way, ont été temporairement bloqués. La police a libéré les lieux avec gaz lacrymogène et canon à eau.
D'autres manifestations ont eu lieu dans les villes de Mombasa (sud-est), Kisumu (ouest), Nakuru (centre) ou encore Kisii (sud-ouest).
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Les cortèges y dénonçaient la politique fiscale du président, surnommé "Zakayo" (Zachée en swahili), figure biblique du collecteur d'impôts, mais aussi la répression meurtrière du mouvement.
"Nous voulons que justice soit rendue aux Kényans innocents tués par la police lors des manifestations pacifiques", affirme MaryLynn Wangui, manifestante de 24 ans à Nakuru, tenant une pancarte "Ruto Must Go" ("Ruto doit partir").
Dans une interview dimanche, le chef de l'Etat a affirmé n'avoir "pas de sang sur les mains" et que la police "a fait de son mieux" pour maintenir l'ordre.
A Kisumu, troisième ville du pays où aucun heurt majeur n'a été à déplorer, Allan Odhiambo est venu manifester sa déception envers le président, en qui il avait placé "beaucoup d'espoir". "Mais rien ne s'est produit pour changer le Kenya. Qu'il fasse ses valises et parte", lâche le jeune homme de 26 ans.
Elu en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes, William Ruto a depuis pris des mesures d'austérité, créé et augmenté plusieurs impôts et taxes qui ont durement frappé le pouvoir d'achat des Kényans.
Ces mesures sont nécessaires, selon lui, pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté.
Les augmentations de taxes prévues devaient permettre de financer l'ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d'euros) de dépenses, un record.
"Nous aurions dû mieux communiquer", a-t-il estimé dimanche. Retirer le texte aura "de très lourdes conséquences", a-t-il averti: "Cela signifie que nous sommes revenus presque deux ans en arrière et que cette année, nous allons emprunter 1.000 milliards de shillings" (7 milliards d'euros).
La dette publique du pays s'élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d'euros), soit environ 70% du PIB.