Le Kenya vient de subir deux attentats en moins de trois jours sur son littoral. Le bilan est d’au moins 60 morts. Les attaques ont été revendiquées par les islamistes somaliens : les Shebabs. Le président kenyan, Uhuru Kenyatta, accuse, lui, des « réseaux politiques locaux ». Ces groupes sèment la terreur dans le pays qui vit essentiellement de l’activité touristique.
Encore sous le choc de l’attentat du centre commercial Westgate de Nairobi en septembre 2013 qui avait fait 67 morts, les Kenyans viennent de subir deux nouvelles attaques meurtrières en l’espace de trois jours : les plus spectaculaires depuis celle de Nairobi. A l’origine de ces événements : les Shebabs somaliens, groupe islamiste lié à Al-Qaïda. Au moins 15 personnes (20 selon les Shebabs) auraient été tuées dans la nuit du lundi 16 au mardi 17 juin, dans le village de Poromoko, près de la côte kenyane. Il s’agirait bien du même commando que celui de dimanche qui a tué près de 50 personnes dans la localité de Mpeketoni, près de la ville touristique de Lamu, classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Tensions Les Shebabs affirment que les attentats sont une réponse « à la répression brutale du gouvernement kenyan contre les musulmans au Kenya » et « le massacre de musulmans innocents en Somalie ». Depuis que l’armée kenyane est entrée en Somalie, en octobre 2011, pour y combattre les Shebabs au sein de l’Union Africaine, le pays a été visé par plusieurs attaques terroristes. Ces attaques réveillent également les tensions inter-ethniques et religieuses internes au Kenya. Certains témoins affirment que les Shebabs voulaient abattre des chrétiens et que ceux qui ne pouvaient pas réciter la profession de foi de l’islam étaient aussitôt abattus. En 2007, la question religieuse avait déjà été soulevées lors des émeutes politiques. Le gouvernement avait été très critiqué pour sa réaction. La communauté musulmane accusait alors les autorités d’avoir commis des exécutions extra-judiciaires de chefs musulmans radicaux ainsi que des rafles de kenyans de l’ethnie somali (à majorité musulmane).
Problème sécuritaire Si le ministre kenyan de l’Intérieur, Ole Lenku, a annoncé que « la sécurité a été renforcée à travers le pays », les responsables de la sécurité sont très critiqués et sont même appelés à démissionner. C’est en tout cas ce que souhaite l’organisation des avocats kenyans qui a déclaré que les forces de sécurité sont « soit incompétentes, soit sans moyen ». En effet, le manque de moyens et de logistique de la police et de l’armée kenyane permet aux groupes rebelles de frapper dans des endroits stratégiques. « L’attaque du Westgate a été facile parce qu’il était peu protéger. Les opérations ont duré aussi longtemps parce que, justement il y a eu une mésentente entre la police anti-émeute et l’armée, explique Francis Soler, rédacteur en chef de La Lettre de l'Océan Indien. Il y a eu un conflit d’autorité, une incompétence de certaines unités. Dans le scénario de Mpeketoni, on a un scénario où les forces militaires qui étaient présentes dans le village sont restées confinées dans leur bâtiment. Elles ne sont pas intervenues en défense des civils car elles avaient probablement peur ». Selon lui, les autorités kenyanes n’auraient surement pas bien préparé les conséquences de leur intervention en Somalie. L’opinion publique demande à ce que les soldats kenyans en Somalie soient ramenés pour que le pays soit plus sécurisé. Mais cette option a rapidement été balayée par l’armée : « Rappeler les troupes ne fera qu’accorder une fausse victoire aux Shebabs » a affirmé Emmanuel Chirchir, commandant de l’armée kenyane.
Le dispositif de sécurité du gouvernement remis en cause
Tourisme en danger La remise en cause du système sécuritaire de l'Etat n'est pas la seule conséquence de ces attaques terroristes. Ces violences menacent aussi fortement le tourisme. Le Kenya est connu dans le monde entier pour ses immenses parcs nationaux où les touristes viennent effectuer des safaris mais aussi pour ses plages paradisiaques. Le tourisme tient une place prépondérante dans l’économie du pays. Les attaques à répétitions dans la capitale Nairobi ou près des stations balnéaires entachent l’image du pays et dissuadent les touristes étrangers. Une situation qui inquiète le gouvernement. « Il craint un effondrement des revenus touristiques, cela veut dire une baisse des ressources de l’Etat. Le secteur sera en crise : de l’hôtelier au petit vendeur de souvenirs. Cela va créer du chômage, de la désindustrialisation. Au-délà du tourisme, cela peut accroître les tensions internes au Kenya », assure Francis Soler. Dans ce contexte, le gouvernement français a mis en garde ses ressortissants, qu’ils soient sur place ou en partance pour le Kenya. Sur le site du ministère des Affaires Etrangères, on peut trouver ces recommandations. « La menace doit être considérée comme élevée sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les principales villes dont Nairobi, Mombasa ainsi que toutes les localités situées en zone rouge (formellement déconseillée), frontalières avec la Somalie ». Le ministère recommande également de « limiter les déplacements dans les lieux publics fréquentés par les ressortissants étrangers et d’éviter les manifestations publiques (événements sportifs…). »
En 2007 déjà, les violences politico-ethniques avaient secoué le pays et dégrader l’image du pays. Le tourisme avait été largement touché puisque en 2008, le nombre de voyageurs avait chuté de 30%, plongeant, durant trois ans, le secteur en difficulté. Si le Kenya a longtemps été LA destination touristique de l’Afrique de l’Est, il perd de plus en plus l’avantage qu’il avait pris sur ses voisins : la Tanzanie, l’Ethiopie et l’Ouganda. L’instabilité croissante pourrait bien pousser d’avantage les touristes à tenter d’autres destinations de la région.