Afrique

L'Etoile d'Alger, danse tragique des années noires de l'Algérie

Le corps est massif, les pas sont fluides. Le chorégraphe Fardi Ounchiouene se cogne aux années noires de l'Algérie, celles de l'intégrisme et de la guerre civile. Sur la scène de la Maison des Métallos à Paris, il raconte le destin tragique de Moussa Massy, héros du roman d'Aziz Chouaki, L'Etoile d'Alger.

Le danseur Fardi Ounchiouene dans la peau de Moussa Massy (Crédit photo : compagnie Farid'O).
Le danseur Fardi Ounchiouene dans la peau de Moussa Massy (Crédit photo : compagnie Farid'O).
Dans les rues d'Alger, Moussa Massy roule des mécaniques. Il est en persuadé :  son avenir sera radieux. Lui le jeune chanteur kabyle de la cité Mer et Soleil deviendra le Michael Jackson de l'Algérie. Il décroche un contrat dans une boîte de nuit, donne sa première interview. Mais le voilà vite happé par la réalité puissante et violente de la décennie 90. Dans une société où les familles s'entassent dans des trois pièces délabrés, où le chômage frappe la jeunesse, où les joints et l'alcool sont les seuls remèdes contre l'ennui, les barbus et leur idéologie du pur et du pieux gagnent du terrain. Fini le vent de liberté porté par les révoltés d'octobre 88 qui, partout dans le pays, ont réclamé plus de justice. L'Algérie se raidit, se bloque et s'enferme. Mais Moussa s'accroche et s'obstine... jusqu'au jour où il trébuche, tombe en prison et devient un islamiste parmi tant d'autres.
Extrait Etoile d'Alger - Maison des Métallos - Paris
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UNE DANSE-THEATRE Sur le plateau, sous-éclairé, c'est une « danse-théâtre » qui se joue sur un rythme syncopé. Une voix off, une succession de courts monologues et deux corps en mouvement. Celui de Farid Ounchiouene interprétant la chute de Massy et celui de Pauline Geslin incarnant le désire et le glamour inaccessibles. Ensemble ils entremêlent hip hop et danse contemporaine (avec des sursauts de danse classique) dans une fluidité énergisante. Sans oublier l'humour qui imprègne le roman d'Aziz Chouaki. Il a fallu un an de travail à Farid Ounchiouene  pour monter ce spectacle en étroite collaboration avec l'écrivain lui-même. « Aziz a joué le rôle du dramaturge. C'est lui qui m'a guidé et m'a ramené vers l'Algérie », confie le chorégraphe. C'est par son père que Farid Ounchiouene est en lien avec l'Algérie. Mais c'est dans le nord de la France, au pied des tours de la banlieue lilloise qu'il a grandi.. loin donc du contexte socio-politique qui a assommé Moussa Massy. Il n'empêche qu'il s'est reconnu dans cette Etoile d'Alger. « J'ai ressenti la même rage que Moussa quand j'ai fait mes premiers pas de hip hop sur le bitume de mon quartier, confie le danseur autodidacte. Et depuis elle ne m'a jamais quitté. J'ai juste plus d'outils pour l'exprimer aujourd'hui. »
Extrait Etoile d'Alger - Maison des Métallos - Paris
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ECHO AU PRINTEMPS ARABE Farid Ounchiouene pousse la danse dans ses extrêmes comme Aziz Chouaki va  jusqu'au bout du désenchantement politique dans son écriture. « C’est comme ça que tu deviens islamiste : quand tu fatigues. Quand tu fatigues de rêver, d’aimer... de vivre. » Publié il y a 10 ans en France, L'Etoile d'Alger n'a rien perdu de sa véracité. L'adapter à la scène aujourd'hui, après la vague du printemps arabes et la victoires des islamistes, lui donne même une force nouvelle.
L'Etoile d'Alger Aziz Chouaki Edition Points